Procès . Les rumeurs
sur une grâce qui serait accordée au président déchu Hosni Moubarak ont
coïncidé avec l’acquittement de son épouse et la mise en liberté de son
directeur de cabinet.
Vers un
règlement à l’amiable ?
« Le
vendredi du refus de la grâce ». Sous ce slogan, des milliers de personnes de
la Coalition des jeunes de la révolution ont manifesté, vendredi, à la place Tahrir. « Suzanne est libérée comme Sourour.
Demain ce sera le tour de Moubarak », scandaient les manifestants en référence
respectivement à l’épouse du président et au chef du Parlement fraîchement
acquittés dans les procès de gain illicite, ainsi qu’au président déchu dont le
procès traîne des pieds. Pour ajouter à leur fureur, des rumeurs ont circulé
tout au long de la semaine dernière selon lesquelles l’ex-président préparerait
un discours pour exprimer ses excuses et demander pardon au peuple. Depuis le
13 avril, Hosni Moubarak est assigné à résidence dans un hôpital de la ville
balnéaire de Charm Al-Cheikh. Ses deux fils, Gamal et
Alaa, sont de leur côté détenus à la prison de Tora
faisant également l’objet d’enquêtes pour corruption.
La
semaine dernière, la mise en détention préventive pour 15 jours de
l’ex-première dame, accusée d’enrichissement illicite et d’abus de la position
de son mari, a été favorablement accueillie par les Egyptiens qui aspirent
depuis la révolution de 25 janvier à un jugement équitable des symboles du
régime déchu.
Mais
les choses ne sont pas passées comme s’attendait le peuple, puisque Suzanne
Moubarak, atteinte d’un « malaise cardiaque », a été hospitalisée aux côtés de
son mari. Quelques jours après, les autorités annonçaient avoir accepté sa
proposition de céder à l’Etat une somme de 24 millions de L.E. ainsi qu’une
villa située au Caire contre son acquittement.
Les
hasards du calendrier ont voulu que sa remise en liberté soit suivie par la
libération sous caution d’un certain nombre de responsables de l’ancien régime
accusés eux aussi dans des affaires de gain illicite. Des mesures que le
magistrat Assem Al-Gohari,
chef du département du gain illicite, a qualifiées d’«
ordinaires », tout en rappelant que l’enquête n’était pas close. Montré du
doigt par les manifestants qui ont appelé ce vendredi à sa démission, Al-Gohari a tenté d’expliquer le bien-fondé de ces
libérations.
Selon
lui, les documents fournis par Suzanne Moubarak suffisaient pour l’acquitter :
ses biens immobiliers appartenaient à l’Etat et n’étaient pas des propriétés
privées, alors que les sommes remises en cause étaient inscrites au nom
d’associations qu’elle présidait. Pour les autres anciens responsables relaxés,
Al-Gohari rappelle que la durée maximale de détention
provisoire prévue par la loi est de trois termes de 15 jours, soit 45 jours au
total, après quoi l’accusé doit être remis en liberté.
Malgré
des procédures judiciaires « normales », l’indignation populaire a reconduit à
la cellule Zakariya Azmi,
ex-directeur du cabinet présidentiel qui venait d’être libéré.
«
Toute personne qui a commis des crimes contre ce peuple doit être jugée quel
que soit le prix. Le peuple, qui a payé de son sang pour obtenir sa liberté, ne
permettra jamais à qui que ce soit de contourner la justice. Des millions de
citoyens sont prêts à redescendre place Tahrir pour
défendre leur révolution », a mis en garde une Coalition de la révolution dans
un communiqué diffusé sur Facebook.
Le
Conseil suprême des forces armées a réagi en utilisant le même média (sa page Facebook) pour démentir fermement toute intention de
gracier Hosni Moubarak.
Mais
souvent, c’est la nature même des procès qui fait froncer les sourcils. « C’est
ridicule de limiter les crimes du régime déchu à des crimes de corruption
financière. Ce régime a commis des crimes beaucoup plus atroces », affirme le
juriste Hossam Issa, professeur de droit
international et membre du comité de récupération des fonds publics détournés. Selon
lui, les symboles du régime déchu doivent être jugés pour leurs vrais crimes
qui sont de nature politique. « C’est eux qui ont falsifié la volonté du peuple
et manipulé la Constitution pour servir leurs intérêts. Quant à la corruption
financière, ils sont très capables d’user des lacunes judiciaires et des fautes
de procédures pour s’en tirer », estime Issa. « Il ne s’agit pas seulement
d’établir la justice, mais surtout de donner un exemple dissuasif pour les
futurs dirigeants », conclut-il.
May Al-Maghrabi