Côte d’Ivoire . Après 6 mois
de crise post-électorale meurtrière, Alassane Ouattara a été investi président
de la République en présence d’une vingtaine de chefs d’Etat, dont le Français
Nicolas Sarkozy et le chef de l’Onu Ban Ki-moon.
Ouattara veut rassembler les Ivoiriens
Après
six mois de violence et de chaos, Alassane Ouattara a été investi samedi 21 mai
à Yamoussoukro comme président de la Côte d’Ivoire. Le refus de l’ancien
président Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite à la présidentielle de
novembre 2010 avait en effet donné lieu à une crise meurtrière. Mais à présent,
la page est tournée et le nouveau président s’érige en rassembleur. « Le temps
est venu pour renouer avec les valeurs profondes de notre belle Côte d’Ivoire
et rassembler les Ivoiriens », a dit M. Ouattara lors d’un discours après avoir
été solennellement investi devant une vingtaine de chefs d’Etat africains,
principalement de l’Ouest, ainsi que le président français Nicolas Sarkozy et
le chef de l’Onu, Ban Ki-moon. Une fois investi, le nouveau président a appelé
le peuple ivoirien à la réconciliation. « La Côte d’Ivoire se réconcilie et se
rassemble », a-t-il insisté.
Alassane
Ouattara a été intronisé près de six mois après la présidentielle du 28
novembre, perdue par son rival Laurent Gbagbo. Ce dernier avait refusé de
quitter le pouvoir, plongeant le pays dans une grave crise et des violences
ayant fait près de 3 000 morts. Gbagbo a été arrêté le 11 avril à l’issue de 15
jours de guerre, surtout dans la capitale économique Abidjan, entre ses troupes
et celles de M. Ouattara, appuyées de façon décisive par la force française
Licorne et celle de l’Onu. A cet égard, Ouattara a insisté à remercier les
Français. « Ce jour est pour nous un moment historique. C’est un succès pour la
Côte d’Ivoire et pour l’Afrique tout entière. Le président Sarkozy, le peuple
ivoirien vous dit un grand merci ». Pour sa part, Nicolas Sarkozy s’est engagé
à maintenir, à moyen terme, une présence militaire destinée à protéger les
milliers de ressortissants français qui vivent en Côte d’Ivoire. Plus tard,
devant la communauté française d’Abidjan, M. Sarkozy a assuré que la France
garderait « toujours » des forces militaires dans le pays pour « assurer la
protection » de ses milliers de ressortissants. En plus, la présidence
française a précisé que les effectifs de la force Licorne, actuellement d’un
millier de soldats, après avoir atteint 1 700 au plus fort de la crise,
devraient être progressivement réduits en accord avec les nouvelles autorités
ivoiriennes.
Les
effectifs ayant vocation à rester déployés sur le sol ivoirien pourraient
participer à la réorganisation de l’armée ivoirienne, selon la présidence
française.
Depuis
le 11 avril, la Côte d’Ivoire se relève peu de la crise. Les fonctionnaires ont
repris le travail, les écoles ont rouvert et l’activité économique, touchée de
plein fouet, sort de sa paralysie. Mais le pays reste marqué par les exactions,
violences et pillages des derniers mois. Déplacés et réfugiés restent nombreux.
La situation sécuritaire demeure fragile, notamment dans l’ouest, où des
mercenaires libériens pro-Gbagbo en fuite sont accusés par les autorités
d’avoir tué plus de 200 personnes début mai. Et policiers et gendarmes tardent
à se remettre au travail à Abidjan, toujours contrôlée par les FRCI.
Pour
renforcer sa position, le nouveau président a promis la réconciliation en
créant notamment une commission ad hoc. Il a également promis qu’aucun crime
commis depuis le 28 novembre ne resterait impuni quels qu’en soient les
auteurs. Laurent Gbagbo, son épouse Simone et de nombreux membres de l’ancien
régime ont été arrêtés et sont assignés à résidence dans différentes villes du
pays dans le cadre d’une enquête menée par la justice ivoirienne.
Concernant
les crimes les plus graves, Alassane Ouattara a demandé au bureau du procureur
de la Cour Pénale Internationale (CPI) d’enquêter et de faire en sorte que «
les personnes portant la responsabilité pénale la plus lourde pour ces crimes
soient identifiées, poursuivies et traduites devant la CPI ». Le nouveau
président a déclaré : « La Commission de réconciliation permettra à toute la
nation de comprendre, de situer les responsabilités et de pouvoir pardonner. Mais
je donne l’assurance à tous qu’aucun crime ne restera impuni ».
Alassane
Ouattara, 69 ans, est un technocrate policé qui se retrouve à la tête d’un pays
profondément divisé autour de sa personne, après avoir été des années privé de
scrutin en raison de querelles sur sa nationalité. Il est considéré comme le
symbole de la crise identitaire qui déchire le pays. Déjà, il a passé 15 ans
d’attente et de polémiques pour prouver son appartenance. Redresser le pays
sera une tâche immense pour ce haut fonctionnaire international dont le style
mesuré lui a valu pendant la crise des critiques au sein même de ses partisans,
pendant qu’il était confiné au Golf Hôtel sous blocus du camp adverse.
Maha Salem