Palestine . Le souvenir de la « Nakba » a été marqué par une mobilisation massive des Palestiniens et des jeunes Arabes, tandis que la communauté internationale espère relancer le processus de paix.

Une commémoration sanglante

15 mai 1948. La « Nakba » est une date gravée non seulement dans les esprits palestiniens, mais aussi de par le monde arabe. C’est le jour de la création de l’Etat hébreu et de l’exode des Palestiniens qui s’en est suivi. Cette année, plusieurs appels ont été lancés dans les pays arabes pour commémorer ce jour par des marches pacifiques. Il s’agit d’exprimer la solidarité aux Palestiniens pour dénoncer la répression et l’occupation israéliennes des territoires palestiniens, défendre le droit au retour des réfugiés palestiniens et réclamer la libération des détenus palestiniens. Ainsi, des manifestations ont éclaté dans le monde, et même dans les pays occidentaux.

Effrayées de ces appels, les autorités israéliennes ont renforcé leurs forces armées. Quelque 10 000 policiers et gardes-frontières ont été mobilisés. L’armée a par ailleurs déployé sept bataillons supplémentaires (environ 3 500 hommes) en Cisjordanie occupée.

Ainsi, la commémoration de ce jour inoubliable a été ensanglantée. Des violences sans précédent ont éclaté tout au long des villes palestiniennes et des frontières arabo-israéliennes. Elles ont fait au moins 12 morts et des centaines de blessés, la plupart à la périphérie des territoires palestiniens, au Liban et dans le Golan syrien occupé. Il s’agit du plus lourd bilan lors des manifestations de la « Nakba » (catastrophe). Cette dernière s’est traduite par l’exode de quelque 760 000 Palestiniens, point de départ de la question des réfugiés répartis pour l’essentiel entre la Jordanie, les territoires palestiniens, la Syrie et le Liban. De plus, les forces israéliennes ont ouvert le feu en trois endroits distincts de la frontière afin d’empêcher des manifestants de pénétrer en territoire israélien.

Dans les territoires palestiniens, une centaine de Palestiniens ont été blessés dans le nord de la bande de Gaza par des tirs de l’armée lors d’une marche en direction du terminal frontalier israélien d’Erez. En première réaction, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbass, a salué la mémoire des « martyrs tombés ». « Leur sang précieux n’aura pas coulé en vain, parce qu’il a été versé pour la liberté du peuple palestinien et ses droits », a-t-il dit.

Défendant les manifestations, un porte-parole du Hamas dans la bande de Gaza, Sami Abou-Zouhri, les a qualifiées de « tournant dans le conflit israélo-arabe » qui prouve que le peuple palestinien et les Arabes sont déterminés à mettre fin à l’occupation israélienne.

Sur le plateau syrien du Golan, la tension est montée d’un cran lorsque des dizaines de jeunes manifestants ont franchi le cordon de l’armée israélienne. Cette dernière a, tout de suite, ouvert le feu sur ces manifestants. Un calme précaire était revenu dans ce secteur, où près de 200 des milliers de manifestants avaient franchi la ligne de cessez-le-feu. Il s’agit d’un des incidents frontaliers les plus graves entre les deux pays depuis la guerre israélo-arabe de 1973. Israël a conquis sur la Syrie le plateau stratégique du Golan, qui domine le lac de Tibériade, durant la guerre des Six jours de juin 1967 et l’a annexé fin 1981. Cette annexion n’est pas reconnue par la communauté internationale.

Essayant de défendre ces crimes, l’armée israélienne a accusé le pouvoir syrien d’avoir « organisé cette manifestation violente pour tenter de détourner l’opinion mondiale de ce qui se passe dans ces villes » et qualifié cet acte de « très grave ». Le premier ministre, Benyamin Netanyahu, a averti qu’Israël était déterminé à défendre « ses frontières et sa souveraineté ». « J’ai donné ordre à l’armée d’agir avec le maximum de retenue mais aussi d’empêcher que nos frontières soient forcées », dit-il.

En revanche, Damas a « fermement dénoncé les actes criminels d’Israël contre notre peuple dans le plateau du Golan, en Palestine et dans le sud du Liban ». Ajoutant : « Israël devra assumer la totale responsabilité de ses actes ».

Dix personnes tuées

Mais les frontières syriennes n’ont pas été les seules frontières attaquées. Dix personnes ont été tuées par des tirs israéliens à la frontière libanaise, où des milliers de réfugiés palestiniens s’étaient rassemblés dans la localité de Maroun ar-Ras, à un kilomètre d’Israël, selon l’armée libanaise. Les tirs ont éclaté après que des dizaines de jeunes manifestants ont franchi le cordon de l’armée libanaise. Essayant d’embarrasser l’Etat hébreu, le Liban a porté plainte contre Israël auprès de l’Onu, appelant le Conseil de sécurité à « prendre ses responsabilités et faire pression sur Israël pour qu’il cesse sa politique agressive et provocatrice à l’égard du Liban », selon l’agence de presse officielle Ani. En effet, les réfugiés palestiniens au Liban sont estimés entre 300 000 et 400 000 personnes et la majorité d’entre eux vivent dans 12 camps surpeuplés et lourdement armés.

Suivant le même chemin du Liban, Israël a déposé plainte contre la Syrie et le Liban à l’Onu. « Nous avons déposé plainte auprès de la présidence du Conseil de sécurité et du secrétaire général de l’Onu contre la Syrie et le Liban, qui sont responsables de la violation de nos frontières, des accords internationaux et des résolutions de l’Onu », a déclaré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères. « Israël avait prévenu l’Onu et la communauté internationale que la journée du 15 mai serait une journée volatile et que certains tenteraient de se livrer à des provocations sous formes d’actes violents », a ajouté le porte-parole tout en expliquant que les autorités syriennes et libanaises « n’ont rien fait pour assumer leurs responsabilités malgré ces mises en garde ».

Pour calmer les deux camps, Arabes et Israéliens, le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, les a exhortés à faire preuve de retenue pour éviter de nouvelles hostilités.

M. Ban Ki-moon s’est prononcé en faveur de nouveaux efforts de relance des pourparlers de paix israélo-palestiniens. Le dirigeant de l’Onu a réitéré « le besoin urgent d’une paix israélo-arabe juste, durable et globale, qui assure dignité et sécurité pour tous, y compris la fin de l’occupation, la fin du conflit et une solution juste et négociée de l’épreuve des réfugiés palestiniens ».

Avis partagé par les autorités américaines. En effet, les Etats-Unis semblent préparer une nouvelle phase de leurs efforts pour raviver le processus de paix enlisé entre Israël et les Palestiniens. A cet égard, l’émissaire américain pour le Proche-Orient, George Mitchell, a démissionné. Ensuite, le président Barack Obama a également annoncé que l’émissaire adjoint David Hale assurerait l’intérim. « Que le processus de paix soit une affaire extraordinairement difficile n’est une nouveauté pour personne », a observé Jay Carney, porte-parole de la Maison Blanche. « Mais il se trouve que c’est important, et le président a l’intention de continuer à y travailler », poursuit-il.

Mais en dépit des incessantes navettes du négociateur américain dans la région, les efforts se sont fracassés sur le refus des parties d’aboutir à un compromis suffisant pour relancer un dialogue direct entre elles. La dernière tentative, lancée à Washington en septembre 2010, avait échoué moins d’un mois plus tard par le refus d’Israël de prolonger un moratoire sur la colonisation juive en Cisjordanie. L’administration américaine avait maintenu, pendant un temps, son objectif officiel d’aboutir à « une solution à deux Etats » à la fin de l’été 2011.

Après les révoltes arabes coïncidant avec la signature de l’accord de réconciliation entre les mouvements palestiniens rivaux Fatah et Hamas, la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, avait plaidé que la reprise du dialogue entre Israël et les Palestiniens était « une nécessité immédiate » à la lueur des révoltes arabes. Elle avait suggéré au passage la possibilité d’une nouvelle approche de la politique américaine dans la région. La Maison Blanche comptait proposer un Etat palestinien dans les frontières de 1967, et le fait que Jérusalem devienne la capitale commune à Israël et au futur Etat de Palestine. En effet, Washington écarterait l’option d’un « droit au retour » des réfugiés palestiniens. De leur côté, les Palestiniens recherchent désormais activement la reconnaissance de leur Etat par l’Assemblée générale de l’Onu. Tant les Etats-Unis qu’Israël redoutent cette initiative « unilatérale ».

Maha Salem