Ligue Arabe .
Le ministre des Affaires étrangères, Nabil Al-Arabi, a été
nommé dimanche à la tête de l’organisation après un double
retrait de dernière minute.
L’Egypte reste aux commandes
C’est
dans un véritable coup de théâtre que le nom du chef de la
diplomatie égyptienne, Nabil Al-Arabi, a été annoncé comme
le prochain secrétaire général de la Ligue arabe, succédant
à son compatriote Amr Moussa. La candidature de M. Al-Arabi,
75 ans, n’a été annoncée qu’à la dernière minute dimanche en
fin d’après-midi, après que l’Egypte eut décidé de retirer
celle controversée de Moustapha Al-Fiqi. Au même instant, le
Qatar retira son candidat, Abdel-Rahman Al-Atteya, ancien
secrétaire général du Conseil de coopération des pays du
Golfe, laissant la voie libre au ministre égyptien. Ancien
ambassadeur à l’Onu, diplomate respecté et spécialiste du
droit international, Nabil Al-Arabi a travaillé en 2001 à la
Cour internationale de justice.
Son prédécesseur Amr Moussa était lui-même ministre des
Affaires étrangères avant d’occuper le poste de secrétaire
général de la Ligue arabe il y a dix ans. Moussa aurait
rejeté les propositions de certains pays arabes de maintenir
ses fonctions à la tête de l’organisation pour quelques mois
supplémentaires, exprimant son intention de disputer les
prochaines élections présidentielles égyptiennes.
Plus ouvertement que Amr Moussa, Al-Arabi avait manifesté
son soutien aux révolutionnaires qui avaient réussi à
déloger en février dernier l’ex-président Hosni Moubarak. Il
a ensuite été nommé chef de la diplomatie en mars pour
succéder au très impopulaire Ahmad Aboul-Gheit, en poste
depuis 2004.
Quant au candidat relâché, Moustapha Al-Fiqi,
ex-parlementaire et ancien secrétaire du président Moubarak
pour les informations, il est, lui, largement considéré par
l’opinion publique égyptienne comme un symbole du régime
déchu. Dans une émission télévisée le soir même de son
exclusion, Al-Fiqi s’est défendu en affirmant que tout le
monde ménageait d’une manière ou d’une autre l’ancien
régime. « Comment pouvait-on refuser de traiter avec un
régime qui a occupé le pouvoir pendant trente ans ? »,
s’est-il demandé. Sa candidature avait été rejetée par
certains pays arabes, notamment le Qatar, qui avait son
propre candidat, et le Soudan. Al-Fiqi a toutefois estimé
avoir toujours gardé de bonnes relations avec les dirigeants
qatari, et accusé une « partie » qu’il a refusé de nommer
d’être derrière la prise de position « hostile » de ce pays.
Il a avant tout attribué son échec à un manque
d’enthousiasme de la part de la diplomatie égyptienne et du
secrétaire général sortant de la Ligue arabe, Amr Moussa.
Divergence des orientations
L’Egypte a traditionnellement toujours occupé le poste du
secrétaire général, sauf pendant la période suivant la
signature des accords de Camp David avec Israël en 1979, et
qui a vu le siège de l’organisation transféré en Tunisie.
Fondée en 1945 et basée au Caire, la Ligue arabe regroupe 22
pays membres. Ses résolutions les plus importantes
concernent la Palestine, mais la divergence des orientations
politiques de ces Etats membres en fait souvent une
organisation impuissante.
« J’assume ma mission la plus difficile », a dit M. Al-Arabi
en faisant part de son « bonheur » d’avoir été choisi. « Je
m’engage à (...) faire mon devoir comme il se doit. Le monde
arabe passe par de nombreuses crises et nous devons tous
chercher des solutions », a-t-il ajouté.
M. Al-Arabi aura la rude tâche de présider une organisation
affectée par la contestation qui s’est étendue à plusieurs
pays arabes après la chute des présidents égyptien Hosni
Moubarak et tunisien Zine el-Abidine Ben Ali et par des
contestations populaires parfois matées dans le sang en
Libye, en Syrie, au Yémen et à Bahreïn.
Durant ses deux mois de fonction à la tête de la diplomatie
égyptienne, Nabil Al-Arabi a utilisé un ton plus ferme dans
ses critiques adressées à l’occupant israélien, ainsi que
dans son soutien aux Palestiniens. Partisan du maintien du
traité de paix signé avec Israël en 1979 et auquel il a
personnellement été impliqué, Al-Arabi estimait toutefois
que cela ne devait pas empêcher Le Caire de prendre
davantage de distance avec l’Etat hébreu que sous M.
Moubarak, notamment relativement au blocus controversé de la
bande de Gaza. Il a également été impliqué dans le récent
accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas
palestiniens, un dossier laissé exclusivement aux soins des
services de renseignement sous Hosni Moubarak. Al-Arabi a
par ailleurs été plus réceptif à un rapprochement avec
l’Iran et a œuvré pour une politique plus ouverte et active
vis-à-vis des pays africains de l’amont du Bassin du Nil, en
rivalité avec l’Egypte pour les quotas d’utilisation des
eaux du fleuve.
Son bilan très positif donne déjà l’espoir de le voir «
réanimer » l’organisation panarabe. Mais dans sa première
déclaration après son élection, Al-Arabi a voulu rappeler
les limites de son nouveau poste. « Conformément au système
de travail au sein de la Ligue, le secrétaire général fait
des propositions et des recommandations, mais la décision
finale appartient aux Etats membres ».
Parmi les successeurs potentiels d’Al-Arabi aux Affaires
étrangères égyptiennes dont les noms circulent déjà dans les
milieux diplomatiques, Nabil Fahmi, ancien ambassadeur aux
Etats-Unis et actuellement doyen de l’école des Affaires
publiques à l’Université américaine du Caire, est donné pour
favori.
Chérif Albert