Crise confessionnelle .
Un de nos lecteurs donne son point de vue sur l’unité
nationale après les derniers événements d’Imbaba.
Main dans la main
Le
rôle de la société civile ces jours-ci est primordial. Aussi
les chrétiens et les musulmans éclairés doivent prendre les
choses en main, parce que le pays a plus besoin d’eux
aujourd’hui. Ce qui s’est passé à Imbaba montre que
rien n’a changé dans le pays, et rien ne changera
tant qu’on ne se débarrassera pas de certaines idées
pourries. Cette semaine encore, l’Egypte a vécu une crise
confessionnelle autour des églises de Mar Mina et de la
Vierge Marie et le martyr Saint-Georges qui se trouvent à
Imbaba. La crise a commencé, comme d’habitude, par une
petite rumeur, selon laquelle une chrétienne convertie à
l’islam est enfermée dans l’une des deux églises. En Egypte,
un petit mot suffit pour déclencher des incendies et semer
les troubles entre chrétiens et musulmans. Contrairement au
proverbe égyptien qui dit : « Si celui qui parle est fou,
celui qui écoute est raisonnable », un bon nombre de
salafistes, entre 3 000 et 4 000 personnes, se sont
rassemblés devant les églises, réclamant la sortie de leur «
sœur » musulmane. Pas besoin de vous raconter ce qui s’est
passé ensuite, les faits le montrent très bien. Etant un
Egyptien, je peux dire que j’en ai assez de ces incidents
confessionnels. Je suis las de tout cela. Les agissements
des salafistes nous ramènent à l’état de barbarie, et la
neutralité et l’« indifférence » des forces armées sont
irritantes. Je ne sais pas pourquoi on a toujours recours au
couvre-feu et aux prétendues réconciliations au lieu
d’appliquer la loi ? A quoi sert la Constitution ?
Si les forces armées condamnent les coupables dans cette
affaire, je pense que ça va beaucoup changer la situation,
et on verra moins d’actes de violence. Chères forces armées,
c’est maintenant que le pays a besoin de votre fermeté pour
surmonter ce chaos. La balle est dans votre camp.
Que Dieu préserve notre pays de tout extrémisme et toute
violence.
Bassam Mohsen,
Le Caire.
Lettre ouverte aux médias
Les méthodes d’enseignement en Egypte, de la maternelle à
l’université et au-delà, sont totalement désuètes. Le
système de santé est pourri jusqu’à la racine. Les
transports en commun sont dans un état déplorable. Le
chômage fait des ravages parmi les jeunes. La culture est
quasiment inexistante parmi les couches moyennes et
inférieures de la population. Les prix des denrées
alimentaires connaissent constamment des flambées
vertigineuses. L’économie du pays est en chute libre. Et
pendant ce temps ... une certaine Camélia Chéhata fait la
une de presque tous les journaux égyptiens. Motif : les
salafistes prétendent qu’elle s’est convertie à l’islam,
tandis que les coptes démentent une telle « calomnie »,
selon eux, visant l’une des leurs. Franchement, de qui se
moque-t-on ? Du peuple égyptien, bien sûr ! Mais surtout des
martyrs de la révolution du 25 janvier 2011.
Il est clairement aberrant de constater que les médias
égyptiens se délectent à exposer des polémiques marginales
dans la société comme celle-ci, fermant les yeux du coup sur
les vrais problèmes qui préoccupent le citoyen égyptien. De
véritables catastrophes qui se sont accumulées durant plus
d’un demi-siècle et amplifiées au cours de l’ère Moubarak.
Une multitudes de bombes à retardement, bien plus
dévastatrices que celles qui ont auparavant provoqué la
récente révolution des jeunes pourtant pacifiques, qui ne
vont pas tarder à exploser dans la figure de tous ceux qui
dédaignent leur existence. Mais, cette fois, ce ne sera pas
un système politique en particulier qui va chavirer. Ce sera
littéralement tout le navire de la nation qui va être
déchiqueté, si les différents responsables au gouvernement,
avec la complicité de ces mêmes médias, continuent à les
ignorer, et à faire comme si de rien n’était.
Alors, que Camélia Chéhata soit devenue musulmane, ou au
contraire qu’elle soit restée chrétienne, qu’est-ce que cela
peut bien changer à la condition, toujours aussi misérable,
du peuple égyptien en général ? Absolument rien ! Médias
égyptiens, pour l’amour du ciel, arrêtez donc cette
mascarade ! Et tournez-vous plutôt vers votre mission
initiale ! Celle de dénoncer les coupables de la dégradation
des conditions de vie de vos concitoyens. Celle d’inciter,
par tous les moyens qui sont à votre disposition, les
esprits lucides et créatifs dans le pays à s’exprimer et à
déployer leurs énergies positives dans la reconstruction du
pays.
Shaïmaa Galal,
Le Caire.
Préservons notre pays
Tout d’abord, j’aimerais saluer l’équipe d’Al-Ahram Hebdo,
mon journal francophone préféré, qui nous présente chaque
semaine une matière digne d’être lue, de la première à la
dernière page, et qui a su pendant plusieurs années résoudre
l’équation difficile de la crédibilité et l’impartialité.
Ensuite, permettez-moi de vous soumettre les idées et les
soupçons de mes amis qui sont dans la confusion suite aux
événements que l’Egypte connaît en ce moment. Ils donnent
leurs commentaires sur les événements et la montée en
puissance des salafistes. Ils sont divisés en deux groupes.
Le premier est effrayé quant à l’idée que certains
extrémistes accèdent au pouvoir. L’autre groupe pense que
c’est un petit groupe qui fait du bruit. C’est pourquoi ces
extrémistes sont très remarqués dans la société.
Entre les deux, je pense que les salafistes, plutôt ceux qui
se nomment salafistes mais qui sont très loin du vrai sens
du salafisme, existent depuis toujours. Seulement ils
n’étaient pas actifs sous le régime de Moubarak, comme les
autres groupes et partis politiques, qui étaient tous
opprimés. Je ne suis pas en train de les défendre, seulement
il ne faut pas nier l’existence des salafistes qui remonte à
des décennies.
Contemplant la situation actuelle, il s’avère que la raison
pour laquelle ils sont clairement vus dans la société, c’est
qu’ils ont pu, à travers une voix forte et la religion,
faire taire les simples citoyens, ce qui leur a donné la
chance d’avoir une force dans la rue, ne trouvant aucune
autre puissance aussi dominante pour leur faire face.
Personnellement, je ne peux pas dire que je suis tranquille
lorsque je vois ce qui se passe. Mais il y a tout de même un
aspect positif : les salafistes, au lieu de travailler dans
le silence, sont en train de dévoiler leurs activités et
leurs idées, ce qui va nous aider à bien les comprendre et
par la suite savoir ce qu’ils représentent.
Emad Adel,
Le Caire.
En quête
de sécurité Jusqu’à quand les policiers seront-ils absents
des rues ? Après la révolution et la fuite des prisonniers,
nous avons tous vécu des nuits terribles. Voire, dans
certains quartiers, les gens ne pouvaient plus mettre le nez
dehors. C’est vrai que la situation s’est beaucoup améliorée
vu l’intervention des forces armées, mais la situation est
loin d’être normale.
En fait, pendant longtemps, des policiers s’étaient
comportés de manière incorrecte avec les citoyens. Et après
l’effondrement du « royaume » de la Sûreté d’Etat et de
l’ex-ministre de l’Intérieur, Habib Al-Adely, récemment
accusé et écroué, la police s’est de plus en plus retirée,
laissant les rues entre les mains des voyous, ce qui
ralentit la reprise de la vie normale.
Il est temps d’assurer que la police est « au service du
peuple ».
Plusieurs pensent que ce retrait est dû à la crainte de la
police à l’égard de l’opinion publique. Au lieu de rester
dans l’ombre, je demande aux policiers de descendre dans la
rue, de protéger les gens et d’assurer que la politique
menée par le ministère a complètement changé avec la
révolution.
Roger Karam,
Le Caire.
Al-Tahrir libère les mentalités
Pendant longtemps, les Egyptiens ont perdu confiance en les
chaînes égyptiennes. Celles-ci au temps de l’ex-régime ne
diffusaient que des nouvelles concernant le raïs. Elles
obligeaient les gens à croire que tout va bien, que notre
président est le meilleur au monde, que les « baltaguis » ne
représentent qu’une petite minorité, que la circulation est
parfaite et le pays en prospérité …
Mais après la révolution, les jeunes se sont orientés vers
d’autres médias : Facebook et Twitter, pour remplacer
les médias gouvernementaux. Certaines chaînes, telles OnTV
et quelques chaînes électroniques arabes et internationales,
ont pu aussi diffuser des nouvelles avec une certaine
crédibilité.
Et voilà que, quelques mois après la chute du régime, une
nouvelle chaîne a rejoint la palette des chaînes
égyptiennes. Celle-ci, émanant de l’esprit et des normes de
la révolution, a pu occuper une place remarquable chez les
téléspectateurs. Il s’agit de la chaîne Al-Tahrir qui, sous
le slogan « Le peuple veut libérer les mentalités »,
présente des programmes qui critiquent le comportement
négatif du peuple sous l’ancien régime et présente les
nouvelles du pays après la révolution. Al-Tahrir comprend un
grand nombre de stars et de grands présentateurs, comme
Mahmoud Saad, Bilal Fadl, Ibrahim Eissa et Nawara Negm. Et
même si on n’est pas à 100 % d’accord avec ces
intellectuels, il suffit qu’ils essayent de présenter leur
point de vue sans mentir et sans avoir recours aux détours
pour convaincre le peuple d’une certaine idée.
Saluons l’expérience de la chaîne Al-Tahrir, et espérons
voir d’autres chaînes suivre son sillage.
Georges Alfred,
Le Caire.