Pakistan .
Soumis à de fortes critiques après la liquidation de Bin
Laden par un commando américain, le pouvoir fait face aux
talibans qui intensifient leurs attaques dans le pays pour
venger la mort du chef d’Al-Qaëda.
Le gouvernement sous pression
Jamais le gouvernement pakistanais ne s’était trouvé dans
une situation aussi difficile. L’assassinat de Bin Laden sur
le territoire pakistanais par un commando américain a
soulevé une vague de critiques au sein de l’opinion publique
farouchement hostile aux Etats-Unis et qui reproche aux
autorités d’Islamabad d’avoir laissé les Américains agir à
leur guise dans le pays. Le pouvoir pakistanais est aussi en
proie aux critiques acerbes de ses alliés américains qui
l’ont tant accusé de « mollesse » et d’« impuissance » face
à la menace terroriste. Bin Laden n’était-il pas caché au
Pakistan sans que le gouvernement pakistanais ne puisse
déterminer sa place ? Selon les experts, le pouvoir
pakistanais est aujourd’hui entre le marteau et l’enclume.
Dans une tentative de calmer une opinion publique furieuse,
les députés pakistanais ont condamné l’opération américaine
qui a entraîné la mort de Bin Laden, ont exigé la révision
des relations avec les Etats-Unis et l’arrêt immédiat des
attaques de drones américains. Bien plus, ils ont demandé
une commission d’enquête indépendante sur le raid américain
qui a tué Bin Laden le 2 mai, à Abbottabad. « L’initiative
unilatérale d’Abbottabad constitue une violation de la
souveraineté pakistanaise », a affirmé le Parlement. A
l’issue de leur rencontre, les parlementaires ont adopté une
résolution qualifiant les attaques de drones américains d’«
inacceptables ». « Si elles ne cessent pas, le gouvernement
doit étudier les mesures nécessaires pour les faire stopper
», ont affirmé les députés, citant notamment la possibilité
de couper les lignes d’approvisionnement des forces de
l’Otan déployées en Afghanistan.
Une grande partie du matériel utilisé par les forces
internationales en Afghanistan transite par le nord-ouest du
Pakistan. Dans le cadre de cette tension, le général Khalid
Shameem Wynne, considéré comme le numéro deux de l’armée
pakistanaise, a annulé samedi une visite de cinq jours qu’il
devait effectuer aux Etats-Unis à partir du 22 mai.
Malgré cette colère pakistanaise, Washington fait la sourde
oreille. Les Américains savent qu’Islamabad ne peut pas
dépasser ses limites avec son « parrain américain ».
N’oublions pas que le Pakistan traverse une crise économique
profonde et l’aide américaine se chiffre en milliards.
Depuis 2001, les Etats-Unis ont fourni plus de 12 milliards
d’euros d’aide économique et militaire au Pakistan. Cette
indifférence américaine face aux critiques pakistanaises se
traduit par la poursuite des tirs de drones américains cette
semaine sur le Pakistan. Alors que la fureur pakistanaise
est à son comble, un drone américain a tué vendredi huit
islamistes. Il s’agit de la troisième attaque menée par des
drones américains au Pakistan depuis qu’un commando
américain avait éliminé Bin Laden.
La goutte qui annonce la pluie
Les accusations verbales ne constituent pas l’unique menace
susceptible d’ébranler le pouvoir pakistanais. Un autre défi
beaucoup plus grave se profile à l’horizon après
l’assassinat de Bin Laden, à savoir la vengeance des
talibans. Sans tarder, les insurgés, qui avaient promis de
venger la mort de Bin Laden, sont passés de la parole à
l’acte, perpétrant un double attentat suicide contre un
centre d’entraînement de jeunes policiers. Bilan : au moins
80 morts et 120 blessés dans le nord-ouest du Pakistan.
L’attentat a immédiatement été revendiqué par le Mouvement
des talibans du Pakistan, le TTP. « C’est une première
action pour venger le martyre d’Ossama », a déclaré un
porte-parole de ce mouvement, Ahsanullah Ahsan. «
Attendez-vous à des attaques plus massives au Pakistan et en
Afghanistan ». Le porte-parole des talibans pakistanais a
laissé entendre qu’il s’agissait de punir les autorités
pakistanaises pour n’avoir pas pu empêcher le raid américain
qui a coûté la vie à Bin Laden.
Quant à Washington, il a bien réalisé qu’il a mal fait ses
calculs : la mort de Bin Laden n’a pas cassé l’épine
talibane comme l’espérait l’administration Obama, au
contraire, il n’a fait que l’enhardir. Qualifiant l’attentat
d’« odieux », le porte-parole de la Maison Blanche, Jay
Carney, a précisé que le gouvernement américain était en
alerte maximale, considérant que nombre de terroristes,
agissant de manière isolée ou dans le cadre d’une
organisation, risquaient de chercher à venger la mort de Bin
Laden.
Selon les experts, la mort d’Ossama Bin Laden ne va pas
affaiblir les talibans et pourrait même les inciter, pour
venger le dirigeant islamiste, à intensifier leurs actions.
Ce qui signifie « le retour à la case départ » pour les
Américains. « Ces frictions entre Washington et Islamabad
pourraient bien renforcer les liens déjà solides entre
Islamabad et Pékin les jours à venir », pronostiquent les
experts.
Maha
Al-Cherbini