Al-Ahram Hebdo, Arts | Rendez-vous face au palais !

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 Semaine du 18 au 24 mai 2011, numéro 871

 

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Arts

Arts de la Rue . A travers une manifestation mensuelle Al-Fan midane (l’art sur la place), un collectif d’artistes égyptiens, formé au lendemain de la révolution, cherche à réinventer le rapport avec le public et à défendre la liberté d’expression en tout lieu et à toute heure.

Rendez-vous face au palais !

Tous les premiers samedis du mois, dans maints gouvernorats d’Egypte, les artistes descendent dans la rue, avec comme mot d’ordre : se réapproprier l’espace public. Au Caire, le lieu de regroupement est en face du palais de Abdine, autrefois siège permanent de la famille royale.

Festive et revendicatrice, la journée « Rue libre », du samedi 7 mai, était la deuxième du genre. Le collectif d’artistes veut briser les murs, faisant appel à quelques pointures anciennes ou nouvelles du monde de la performance. Plus de 70 formations culturelles indépendantes et quelque 150 artistes optent pour les arts de la rue, comme pour compenser 30 ans d’Histoire. « On n’avait pas le droit de descendre dans la rue et de se mêler au public. Sous Moubarak, la sécurité nous mettait tout le temps des bâtons dans les roues et ne nous accordait guère d’autorisation pour ce genre de manifestations », commente le marionnettiste Mohamad Fawzi, lequel a tenu avec d’autres un atelier de poupées sur la place. Des boîtes vides et un amas d’objets hétéroclites servent à confectionner des marionnettes que l’on s’amuse à faire danser, ensemble, ou rire des enfants du quartier.

L’espace de la rue devient un espace de jeu et d’enjeu pour réinventer la relation avec le public, à la manière d’autres collectifs d’artistes de par le monde — tels Maismenos au Portugal et Voïna en Russie — ou encore à la manière de l’art urbain des années 1960. (Maismenos dénonce la récente aide du FMI pour le Portugal, en réalisant des peintures murales principalement. Et Voïna présente des performances mises en scène dans la rue, afin de dénoncer la corruption et le manque de liberté d’expression) En fait, les arts de la rue actuels ont aussi des parentés avec les mouvements militants qui ont marqué l’Histoire du siècle dernier. En Russie, avec la révolution d’octobre, les artistes quittent les salles pour s’adresser directement au peuple et participer à la transformation de la société. Et en Egypte à l’heure actuelle, le même désir se fait de plus en plus urgent. Les professionnels s’associent aux amateurs et sollicitent les réactions du public. « Peu importe la qualité de ce que l’on présente, l’essentiel c’est d’être là, de faire des choses qui sortent du cœur et de nouer une conversation avec les gens ! A chaque phase ses diktats. Avant, je descendais dans la rue pour protester ; maintenant je le fais pour sauver ce qui peut être sauvé, pour expliquer ce qui se passe », dit le peintre Mohamad Abla, qui lui aussi a animé un atelier, durant la journée Rue libre d’Al-Fan midane. Abla dessine les gens, les attire par des couleurs vives, taille leurs portraits, discute … Il adore ces dialogues qui se nouent à l’improviste, entre inconnus, ces rencontres d’un instant.

Les thèmes s’inspirent de l’actualité, les formes sont empruntées au cirque, au cabaret, au journal vivant … Un terrain vide, rassemblant les mimes, jongleurs, conteurs et vendeurs, sépare les deux théâtres de fortune installés sur la place de Abdine, aux frais des participants.  (Le théâtre en plein air et celui sous la tente). La voix de l’interprète et compositeur engagé, Moustapha Saïd, nous provient du premier théâtre. Il joue une chanson sur la justice datant, selon lui, d’il y a 130 ans, de l’époque du khédive Saïd ! Les paroles semblent toujours d’actualité, donnant lieu à une liesse participative. Aux bords de la place, les habitants du quartier lointain et informel d’Al-Nahda sont venus camper. Ils ont été chassés de leurs appartements loués durant la révolution pour des raisons incongrues et viennent ici pour se faire entendre. Ils communiquent avec le chanteur non voyant, lequel exprime leur détresse, avant de reprendre son luth et d’entamer un poème en dialectal de Tamim Al-Barghouti : « Ya masr hanet wé banet, kolaha kam yom » (peu de jours, l’Egypte, et le mal se dissipera). On ne veut pas disjoindre l’art et la vie ; bien au contraire les préoccupations sociales se conjuguent au goût de la fête.

Plus loin, le hip-hop éveille à la danse et les rappeurs bling-bling surprennent leurs camarades de classe. « Je les côtoyais tous les jours au lycée, je ne savais pas qu’ils pouvaient faire autant de choses ! », s’exclame l’un des jeunes. Le rap est une musique de révolte, alors que la majorité de la production musicale parle amour, rappelle l’un des spectateurs à l’allure plus intellectuelle. Car la place est ouverte aux spectateurs prévenus et aux passants de hasard, au public averti et au public vierge. Le mélange est assez intéressant, comme le fait remarquer la jeune plasticienne Horriya Al-Sayed : « Au départ, les habitants d’Al-Nahda qui sont venus faire un sit-in jugeaient qu’on était insoucieux et nous répétaient qu’on faisait la fête alors qu’ils ne trouvaient pas où loger ! Après, on leur a demandé de dessiner leur maison de rêve et d’exprimer leurs sentiments ; ils ont pris part au jeu et n’avaient pas l’air de le regretter ». Juste un acte de vandalisme sur papier … .

Dalia Chams

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