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 Semaine du 18 au 24 mai 2011, numéro 871

 

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Vice-président de la Cour de cassation, Hicham Al-Bastawissy est candidat aux prochaines élections présidentielles. Présent parmi les révolutionnaires, il présente aujourd’hui les grandes lignes de son programme électoral.

Magistrat ... et pourquoi pas président ?

Président de la République arabe d’Egypte ? Un titre auquel il n’avait jamais aspiré.  Son ambition était plutôt d’être capable de mettre en place la justice. Une évidence pour un ancien étudiant de la faculté de droit et fils d’un avocat.

Aujourd’hui, Hicham Al-Bastawissy cherche encore à faire régner la justice, mais autrement. Il annonce sa candidature pour les élections présidentielles. Une décision qui a, sans doute, changé sa vie. Avec un emploi du temps bien rempli, ce passionné de Heykal, du cheikh Al-Ghazali et de Johann Strauss se réveille tous les jours à 7h du matin pour travailler sur son programme électoral, faire des rencontres et des entrevues pour soutenir sa campagne ici et là. La journée ne se termine qu’à 2h du matin. Mais aussi, il a dû faire des concessions. « Je me retrouverais dans l’obligation de céder mon poste de juge, un métier que j’admire depuis toujours », souligne-t-il.

Hicham Al-Bastawissy fait partie des conseillers connus par leur honnêteté et qui se sont opposés à la corruption du pouvoir. L’année 2005 en était témoin : des juges ont remis en question les résultats des élections législatives, affirmant que les mécanismes de supervision par les instances judiciaires n’avaient pas été mis en place de façon efficace. Ils ont exigé même une enquête sur les fraudes électorales et réitéré leur exigence d’une supervision judiciaire complète du processus électoral. Cependant, deux de ces juges ont payé cher leur demande, à savoir Mahmoud Mekki et Hicham Al-Bastawissy, qui ont été accusés de déshonorer le système judiciaire en parlant de fraude : ils ont été envoyés devant un comité disciplinaire. Mekki a été acquitté et Bastawissy, atteint d’une crise cardiaque, a été réprimandé.

C’est vrai que cet acte qu’on a appelé « la révolution des juges » n’a pas vraiment changé la scène politique égyptienne à l’époque, mais il a implanté quelque chose de nouveau dans l’esprit d’Al-Bastawissy. « En 2007, de nombreux politiciens, présidents et membres de partis politiques m’avaient demandé de me présenter aux élections en 2011, en affirmant qu’ils étaient aptes à rassembler des signatures pour me soutenir. A l’époque, j’étais sûr que cela ne servirait à rien, puisque les élections n’étaient pas honnêtes », annonce-t-il sans hésitation. D’ailleurs, c’était la genèse de sa volonté de briguer un jour les élections présidentielles.

Etant donné la situation dans le pays, il part pour travailler au Koweït. Un acte désigné, par certains, comme une preuve de loyauté de cet homme qui a refusé de continuer à travailler dans une ambiance corrompue. D’autres conçoivent son départ au Koweït comme une sorte de « fuite ». « C’est la démocratie. Personne ne peut avoir l’approbation de tous les gens. Mais en tout cas, ils connaîtront la réalité avec le temps », affirme-t-il en toute confiance.

Al-Bastawissy réfute complètement le fait de qualifier la révolution du 25 janvier de miracle. Selon lui, le peuple égyptien était depuis 200 ans en quête de  démocratie. « La révolution n’est pas née du jour au lendemain, mais elle est le résultat d’un enchaînement de faits, avec surtout la corruption et le mépris du peuple », énumère-t-il. Il n’a pas donc été surpris par la révolution. « Je m’attendais à cette révolution depuis 2008, et je l’ai même mentionnée dans un article que j’avais publié dans le journal Al-Badil. Et j’y avais souligné qu’elle aura lieu suite à une révolution au Maghreb arabe », affirme-t-il. Son point de vue avait comme référence principale le rapport entre le peuple et le président. « En Egypte, critiquer le président a toujours été tabou ; ce qui explique la cause pour laquelle toutes les manifestations ou les mouvements étaient surtout dirigés contre les ministres ou le gouvernement et pas contre le président en personne. Au Maghreb arabe, par contre, le peuple n’avait pas un lien aussi solide avec le président, étant donné qu’il a subi le plus l’influence de la culture française. Et donc, une fois que le peuple tunisien s’est révolté, la boussole a été ajustée pour que le peuple égyptien se remette en question et fasse sa révolution ».

Après la révolution, plusieurs personnes lui ont demandé à nouveau de présenter sa candidature aux élections présidentielles. « J’ai accepté quand j’ai senti que je pouvais présenter une perspective nouvelle au pays ». Une décision qui a recueilli le consentement de toute la famille, sauf l’un de ses fils. « Il était inquiet vu les risques inhérents à un poste pareil. Mais, il a changé d’avis maintenant, je l’ai convaincu qu’il y a toujours un prix à payer ».

Père de trois garçons connus pour être studieux et indépendants tout au long de leur parcours éducatif : un ingénieur et deux licenciés de droit, l’on s’interroge sur le bouleversement que pourrait subir leur vie si Al-Bastawissy est élu président. « Aucun », affirme-t-il directement. Et d’ajouter : « Le futur président et ses enfants mèneront une vie normale. Et comme il sera choisi par le peuple, c’est ce dernier qui le protégera ». Et son épouse ne sera-t-elle pas la first lady de l’Egypte ? « Il n’existe pas de poste pareil en Egypte », conclut-il avec un sourire. Une question s’impose : Qu’est-ce qui garantit l’honnêteté des prochaines élections présidentielles ? « Deux choses : la volonté politique tout d’abord. Je crois que le gouvernement et le Conseil des forces armées veulent des élections honnêtes. La deuxième chose est la surveillance populaire et le contrôle international des élections », répond Al-Bastawissy, qui avait souligné dans la presse que le premier ministre Essam Charaf a « rendu la tâche difficile au futur président ». « C’était une manière de louer Charaf qui a un tas de problèmes à résoudre. J’ai voulu attirer l’attention des gens sur ses efforts. J’ai eu le sentiment que certains le critiquent et ont gardé cette habitude de ne jamais se montrer satisfaits par rapport à ce que fait le gouvernement ».

En outre, il considère que l’attitude du Conseil suprême des forces armées est compréhensible dans le contexte actuel car, selon lui, l’armée n’est pas censée avoir une expérience politique. « Ce sont les intentions qui comptent. Le Conseil des forces armées et le gouvernement de Charaf cherchent à réaliser les objectifs de la révolution ». Mais les bonnes intentions sont-elles suffisantes ? « Ce sont les intentions qui comptent le plus. Ensuite, le dialogue rectifie les erreurs ».

Le dialogue a été le noyau de toute chose dans la vie de Hicham Al- Bastawissy. « Rien ne m’a été imposé, dans ma vie, et c’est pourquoi je n’ai rien imposé ni à mes enfants ni à ma femme ».

Ainsi il considère que le rôle du futur président ne consistera pas à proposer un programme électoral détaillé, mais plutôt d’en présenter les grandes lignes et le reste sera à modifier de manière à réaliser la volonté du peuple. « La démocratie n’est pas une urne électorale. En outre, un président proposant un programme détaillé risque de se transformer en dictateur », affirme-t-il. Les grandes lignes de son programme électoral ? « Il sera fondé, essentiellement, sur trois principes inspirés du projet de la révolution, à savoir liberté, dignité humaine et justice sociale. En outre, il est divisé en deux parties ayant comme noyau l’homme : le changement et le développement », explique-t-il. Et d’ajouter : « Le point de départ pour bâtir un pays sur une base démocratique est la participation publique, défendre les droits de l’homme, mettre en place des mécanismes pour empêcher la corruption. Pour ce faire, il faut opter pour la décentralisation du pouvoir, le changement de plusieurs lois comme celles relatives à  la libre-circulation des informations et l’indépendance de l’autorité judiciaire, etc. ». Al-Bastawissy considère que le développement économique doit côtoyer le développement social. « A titre d’exemple, la formation des ouvriers et des handicapés va les transformer en une énergie productrice qui aura des répercussions positives sur l’économie du pays, mais aussi sur la psychologie de cette catégorie de la société ».

Bien que certains pensent que le développement en Egypte est confronté à des entraves redoutables, surtout après les violences confessionnelles au quartier d’Imbaba. Al-Bastawissy semble optimiste. « Nous n’avons ni troubles ni tensions interreligieuses, mais un malentendu entre les deux camps. C’est le résultat d’un régime qui mettait l’accent sur les différences entre les deux camps, musulman et chrétien. Il ne faut pas oublier aussi que certains éléments ne cessent d’intervenir : le reste du régime déchu, certains régimes arabes qui cherchent à avorter cette révolution de peur qu’ils ne soient contaminés à leur tour, et aussi Israël, qui a intérêt à ce que le régime de Moubarak retourne ».

Il se souvient du jour où il avait assisté à une conférence sur la démocratie au Qatar, il y a trois ans. « L’un des collègues arabes avait souligné que l’Egypte est à l’origine de tous les régimes dictatoriaux du monde arabe. Et, nous voilà, nous cherchons à instaurer la démocratie », sourit-il.

Le dossier israélien est aussi l’un des problèmes épineux de la politique égyptienne. « Nous allons respecter les accords de paix signés avec Israël, mais il faut reprendre certaines clauses qui n’ont pas eu le consentement des Egyptiens à la tête desquelles les clauses  qui concernent le Sinaï », dit Al-Bastawissy. Il n’hésite pas à exprimer son point de vue sur les rapports arabo-israéliens. « Israël doit renoncer à sa judaïté. Ce n’est pas juste qu’au moment où le monde entier appelle à la fondation d’Etats civils dans la région, Israël demeure un pays religieux ». Et l’Etat civil en Egypte, comment le conçoit-il ? « Unique en son genre », affirme-t-il en réfutant l’opinion de certains qui parlent de l’exemple turc.

La France, l’Allemagne, l’Autriche … la liste des pays à visiter pour rencontrer les Egyptiens vivant à l’étranger est longue. Mais au cas où Al-Bastawissy ne serait pas nommé président, que ferait-il ? « Je poursuivrai mon travail au niveau national via les institutions nationales et les ONG, il y a beaucoup de choses à faire pour notre pays ».

Lamiaa Al-Sadaty

 

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Jalons

1951 : Naissance au Caire.

1976 : Licence de droit, de l’Université du Caire.

1988 : Nommé  à la Cour de cassation.

2000 : Vice-président de la Cour de cassation.

2005 : Crise des juges : confrontation au régime de Moubarak suite à une fraude électorale.

2011 : Annonce de sa candidature à la présidence.

 

 

 




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