Nigeria .
Le chaos et la violence sanglante planent sur le pays depuis
l’annonce de la victoire de Goodluck Jonathan alors que ce
dernier insiste toujours sur la tenue des élections des
gouverneurs.
Le danger est imminent
Comme
prévu, le pays a été secoué de violences après les élections
présidentielles. Une fois les résultats définitifs annoncés,
des affrontements sanglants ont été déclenchés tout au long
du pays. Avec 57 % des voix, le chef de l’Etat Goodluck
Jonathan a remporté les élections. Ce chrétien du Sud était
face à 19 adversaires dont le principal était le général
Muhammadu Buhari, musulman du Nord. En première réaction, le
général Buhari, crédité de 31 % des suffrages, conteste les
résultats du scrutin. Son parti, le Congrès pour le
changement progressiste, a dénoncé à plusieurs reprises des
irrégularités et fraudes lors de la présidentielle en faveur
de M. Jonathan. Aussi, le parti a réclamé une analyse «
biométrique » des bulletins de vote « dans au moins 11 Etats
», sur les 36 que compte ce géant pétrolier et pays le plus
peuplé d’Afrique avec près de 160 millions d’habitants.
Ancien chef d’une junte dans les années 1980, le général
Buhari, 69 ans, a dit vouloir s’en tenir aux recours légaux
— une plainte a été déposée auprès de la Commission
électorale — et a appelé à la fin des violences.
Malgré cet appel, les émeutes ont affecté le Nord et ont
fait plus de 500 morts selon une ONG nigériane de défense
des droits civiques. Les autorités n’ont pas donné de bilan
des victimes de ces jours de violences, par crainte
d’aggraver la situation.
Selon les analystes, ces violences entre chrétiens et
musulmans dans le Nord n’ont pas pour origine la religion,
mais la pauvreté dont souffre continuellement la population
de ce géant pétrolier d’Afrique. Les violences
post-électorales traduisent le désespoir et la frustration
de certains Nigérians ne voyant pas d’exutoire. « Tous les
Nigérians, chrétiens et musulmans, souffrent toujours malgré
la richesse de leur pays, alors ils accusent les autorités
d’être à l’origine de leurs souffrances. Ils voulaient voir
un nouveau visage », explique le Dr Ibrahim Abdel-Razeq,
analyste au Centre des études africaines au Caire.
Avis partagé par plusieurs analystes, le Dr Ayman Abdel-Wahab
ajoute qu’il s’agit de plusieurs facteurs qui sont
susceptibles d’avoir mis le feu aux poudres : soupçons de
fraudes, litiges entre militants du même bord ou de camps
politiques différents mais strictement aucun n’a de lien
avec la religion. Dans un pays aussi turbulent que le
Nigeria, aux quelque 250 groupes ethniques, avec de
fabuleuses richesses en pétrole et gaz mais dont 70 % de la
population est pauvre, « de réelles disparités existent
entre le Nord musulman et le Sud chrétien. Le Nord a
longtemps souffert souvent de la mauvaise condition de leur
vie quotidienne tandis qu’ils voient le Sud jouir toujours
des richesses du pays, surtout le pétrole, ce qui provoque
de la haine et de la rancune entre les deux entités »,
explique le Dr Ayman, analyste au Centre des études
politiques et stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Essayant de calmer la situation, le président nigérian
Goodluck Jonathan a déclaré que les émeutes actuelles
rappellent les événements qui ont précédé la guerre du
Biafra. Pour accentuer ses pressions, il a renforcé la
sécurité dans tout le pays pour empêcher de nouvelles
violences post-électorales. En plus, la Commission
électorale nigériane a annoncé le report de 48 heures des
élections des gouverneurs de la fédération et des assemblées
régionales, qui se sont tenues le 26 avril, dans deux des
Etats du Nord, Kaduna et Bauchi. Le chef de la Commission
électorale, Attahiru Jega, a expliqué espérer que ce délai
de deux jours permettra d’apaiser la colère et d’améliorer
encore la sécurité dans ces deux Etats. En ajoutant que « la
désignation des gouverneurs, qui gèrent d’énormes budgets
grâce aux revenus pétroliers, représente un enjeu majeur à
haut risque. Le Nord, majoritairement musulman, est
économiquement marginalisé par rapport au Sud, riche en
pétrole et à majorité chrétienne, ce qui alimente les
divisions ».
Auparavant, le président Jonathan avait annoncé que les
élections des gouverneurs se dérouleraient comme prévu et
qu’une commission d’enquête judiciaire sur les violences
allait être désignée.
« Ces actes de désordre sont une triste réminiscence des
événements qui ont plongé notre pays dans trente mois d’une
regrettable guerre civile », a affirmé le président.
En 1967, la sécession et la proclamation d’une République du
Baiera (sud-est) avaient déclenché une guerre civile,
jusqu’en janvier 1970, qui avait fait un à deux millions de
morts, selon les estimations.
Maha
Salem