Syrie .
Le régime de Bachar Al-Assad
semble adopter des réponses déjà entendues dans la région.
Et faute de réponse satisfaisante, les manifestations
prennent une ampleur sans précédent.
La rue ne se calme pas
Alors que le nombre de morts ne cesse d’augmenter en
conséquence de la répression des manifestations, l’agitation
gagne maintenant la capitale du pays, Damas.
Dans son discours, le deuxième depuis le début des
protestations le 15 mars, le président
Assad a voulu avancer des mesures d’apaisement cette
semaine. Il a indiqué que la commission juridique sur la loi
d’urgence, en vigueur depuis près de 50 ans et dont
l’abrogation est l’une des principales revendications des
contestataires, serait abolie. Il a en même temps élaboré
une série de propositions en vue d’une nouvelle législation.
Ces propositions seront soumises au gouvernement qui
promulguera des lois dans une semaine, au maximum. Il a
aussi évoqué une future loi sur les manifestations qui
protège les biens privés et publics de tout acte de
sabotage.
Le journal du parti au pouvoir, Al-Baass,
a salué le discours du président, jugeant qu’il ouvrait la
voie a un dialogue approfondi
dans le pays. « Le discours est une nouvelle approche
générale des préoccupations des Syriens qui cherchent à
améliorer leur niveau de vie et souhaitent des réformes
généralisées », souligne le quotidien. « C’est un pas qui
n’est pas suffisant, il faut l’accompagner d’une réforme de
la justice qui est corrompue », a cependant déclaré
Haitham
Maleh, avocat syrien, défenseur des droits de l’homme
et personnalité de la société civile arrêtée en octobre 2009
et libérée le mois dernier. « L’intervention des services de
sécurité dans la vie des gens doit cesser et il faut laisser
les protestataires manifester », a-t-il souligné. Et de
nouveaux appels à manifester ont été lancés dimanche après
le discours de
Assad. L’article 8 de la Constitution
stipulant que le parti Baass est
le dirigeant de la société et de l’Etat doit être annulé, a
en outre estimé M. Maleh, qui
appelle également à la libération de tous les détenus
politiques et de conscience. Le président
Assad avait décidé jeudi de
libérer tous les détenus arrêtés dans le cadre des
manifestations, à l’exception de ceux qui ont commis des
actes criminels envers la patrie et les citoyens. Mais de
nombreux militants sont toujours détenus, notamment
l’écrivain et journaliste Fayez
Sara, a affirmé samedi la Ligue syrienne pour les droits de
l’Homme.
Un nouveau gouvernement a aussi été formé, avec pour tâche
d’entreprendre un programme de réformes. Dirigé par
Adel Safar,
ancien ministre de l’Agriculture, il doit notamment
s’atteler à la levée de la loi d’urgence,
ainsi qu’à la libéralisation de
la presse et l’instauration du pluralisme politique.
Des manifestations ont ravagé tout le pays
Mais face à la répression et à l’absence de réponses jugées
concrètes aux revendications de la rue, les manifestations
ont gagné vendredi presque toutes les villes syriennes : de
Deraa dans le sud, ou a débuté la contestation, au nord du
pays à majorité kurde, en passant par Homs dans le centre et
les villes côtières de Lattaquié et
Banias.
Aux cris de « Dieu, Syrie, liberté », les manifestants ont
continué d’appeler à la démocratisation du régime du
président Assad, au pouvoir
depuis onze ans.
Dans la capitale, les forces de sécurité syriennes ont fait
usage de bâtons et de grenades lacrymogènes pour empêcher
des milliers de manifestants venus des faubourgs de marcher
sur la place des Abbassides, la principale de Damas.
Fait sans précédent, la célébration de la Fête nationale
syrienne, dimanche, a été annulée dans le Golan. Quelque 150
manifestants se sont retrouvés sur la place centrale,
brandissant des drapeaux syriens et des banderoles sur
lesquelles on pouvait lire : « Non aux tueries ... Non au
régime (d’Assad) ... Non a
l’oppression ».
L’ONG Human
Rights Watch accuse les services de sécurité syriens
d’avoir torturé de nombreux manifestants parmi les centaines
arrêtés depuis le début de la contestation il y a un mois.
Au moins 200 personnes ont été tuées dans la répression, la
plupart par les forces de sécurité ou par des policiers en
civil. A l’instar des autres pays arabes, les autorités
accusent depuis le début des bandes criminelles ou armées
d’être responsables des tirs qui ont tué manifestants et
forces de l’ordre.
Inès
Eissa