Al-Ahram Hebdo, Enquête | En manque de blé

  Président
Labib Al-Sebai
 
Rédacteur en chef
Hicham Mourad

Nos Archives

 Semaine du 20 au 26 avril 2011, numéro 867

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Dossier

  Nulle part ailleurs

  Invité

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Société

  Arts

  Idées

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Enquête

Alimentation . La faiblesse de la production céréalière égyptienne a des conséquences importantes sur l’économie. Seule l’autosuffisance pourra, à terme, éviter le pire.

En manque de blé

Avec le début de la saison de la récolte du blé à la fin du mois, les prévisions sur la production dépassent tous les records : 5 millions de tonnes contre 3,5 millions l’année dernière. L’ensemble de la production de blé tourne généralement autour de 8 millions de tonnes pour des besoins annuels de 13 millions.

Mais même les années exceptionnelles en terme de production ne suffisent pas à couvrir l’ensemble des besoins domestiques. Les surfaces allouées à la production de céréales sont largement insuffisantes pour couvrir la consommation nationale. Un peu partout en Egypte, les paysans attendent une augmentation des surfaces, notamment par le biais de nouvelles opportunités d’irrigation.

Parallèlement, l’inflation en Egypte ne cesse de croître pour atteindre 11,5 % dans les zones urbaines, soit son plus haut niveau depuis 11 mois. Elle est en grande partie due à la hausse des prix des produits alimentaires qui représentent 44 % du panier moyen qui mesure le taux d’inflation. En effet, les produits alimentaires ont subi des taux d’inflation qui atteignaient 20,5 % en mars et 18,2 % en février de cette année.

« La situation est devenue critique : la forte augmentation des prix des biens stratégiques devra être la priorité du prochain gouvernement », souligne une économiste qui a requis l’anonymat. La Banque mondiale a, elle aussi, tiré la sonnette d’alarme. Elle prévoit un risque de famine dans les pays en développement suite à la flambée des prix des céréales. « Le niveau élevé des prix alimentaires et leur volatilité constituent la principale difficulté majeure à laquelle se heurtent aujourd’hui beaucoup de pays en développement », a déclaré le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick. L’indice des prix alimentaires de la Banque mondiale a augmenté de 29 % depuis un an. Les premiers à subir les conséquences cette hausse sont naturellement les pays les plus pauvres.

Pour sa part, la FAO (Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture) avertit que les prix de la nourriture devraient augmenter au cours des dix prochaines années. Ils devraient se maintenir à des niveaux supérieurs à la moyenne de ces dix dernières années : la décennie s’annonce problématique.

En Egypte, ces prévisions sont particulièrement susceptibles d’avoir des répercussions importantes. « L’augmentation des prix des céréales, des huiles et du sucre menace la sécurité alimentaire dans les pays importateurs tels que l’Egypte, qui seront incapables, dans l’avenir, de nourrir leurs populations », avertit Mohamad Al-Touegri, secrétaire général adjoint de la Ligue arabe pour les affaires économiques. Il ajoute que cette hausse va creuser le déficit de la balance commerciale, déjà affaiblie par la diminution des revenus touristiques.

300 % de hausse du déficit budgétaire

La facture annuelle d’importation des produits alimentaires a atteint 37 milliards de L.E. Le gouvernement s’est engagé à augmenter le montant des subventions, afin d’aider à la consommation les ménages les plus pauvres. « Le problème ne se limite pas à la capacité du pays à fournir une sécurité alimentaire au peuple. L’Egypte serait incapable dans l’avenir de financer la hausse des importations. Elle sera obligée de recourir à l’endettement via des institutions internationales, comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international », assure Al-Touegri. Magda Qandil, directrice exécutive du Centre égyptien pour les études économiques, confirme ces prévisions et prévoit une hausse du déficit budgétaire de 300 %, soit un chiffre de 336 milliards de L.E. pour 2010/2011. Avant la révolution, les estimations tournaient autour de 110 milliards de L.E.

On estime aujourd’hui qu’un cinquième de la population égyptienne est touché par la pauvreté. Si les subventions annoncées par le Conseil suprême de l’armée évitent des répercussions trop fortes sur les populations démunies, l’équilibre commercial ne pourra être retrouvé qu’à long terme.

Selon la Banque mondiale, 44 millions de personnes sont tombées dans la pauvreté dans les pays en développement depuis juillet dernier, sous l’effet de la hausse des prix des biens et des produits de base.

Le ministère de l’Agriculture tente cependant de réfuter ces allégations. Le ministre Aymane Abou-Hadid nie l’existence d’un danger sur la sécurité alimentaire de l’Egypte. « Nous prévoyons une autosuffisance en blé dans deux ans. L’Egypte, qui importe plus de 60 %, ne sera plus dépendante des marchés internationaux » a-t-il déclaré sans donner plus de détails. Un optimisme qui fait cependant figure d’idéalisme.

Augmenter la production

Al-Touegri souligne aussi l’importance de l’adoption d’une politique basée sur l’autosuffisance des biens stratégiques, tels que le blé et le riz. Il reste cependant plus réaliste. « L’Egypte pourra réaliser cet objectif dans 7 ans, car elle possède les terres fertiles. La sécurité alimentaire est devenue une priorité de la Ligue Arabe », affirme-t-il. Et d’ajouter : « C’est pourquoi nous avons mis en place un plan urgent l’année dernière visant à combler le fossé alimentaire entre la production et la consommation sur 30 ans dans 10 pays arabes ». Ce projet concerne l’Egypte, le Maroc, l’Algérie, le Soudan, l’Arabie saoudite, l’Iraq, le Yémen, la Jordanie, la Syrie et la Tunisie. « Mais jusqu’à présent, nous n’avons pas encore entamé l’application du plan en raison du manque de financement du plan qui s’élève à 50 milliards de dollars ». Sans la mise en place de ce plan, les prévisions sur 7 ans pour l’Egypte et 30 ans dans le reste du monde arabe sont sans cesse repoussées.

Ce programme, qui devrait être appliqué sur trois phases, vise à réaliser trois objectifs principaux : augmenter la capacité productive de ces pays, apaiser la facture des importations des biens stratégiques et créer de nouvelles offres d’emplois dans le secteur agricole, pour lutter contre la pauvreté et le chômage. Des paroles qui semblent difficiles à mettre en œuvre sans moyens financiers.

Un autre volet concerne l’importance de l’intervention gouvernementale, pour contrôler les marchés et freiner la hausse des prix. « Dans le passé, les pauvres achetaient leurs produits dans des coopératives où les prix sont inférieurs à ceux du marché. Aujourd’hui, on ne trouve plus ces coopératives dans les quartiers pauvres », assure une ONG internationale. Elle insiste sur l’importance de la mise en place d’un système de surveillance des commerçants qui ne cessent d’augmenter leurs prix sans que les rasions soient toujours justifiées.

Qu’il s’agisse de la mise en place de contrôle ou d’un système de subvention efficace pour aider à la consommation ou, d’autre part, d’une augmentation des surfaces cultivées pour satisfaire les besoins domestiques, le chemin semble long. Sans politique efficace, l’Egypte reste dépendante des importations. Malgré les potentiels de production de l’Egypte en céréales, le pays est encore loin d’atteindre une production de 13 millions de tonnes de blé que consomment chaque année ses 80 millions d’habitants.

Gilane Magdi

Retour au sommaire

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Névine Kamel- Howaïda Salah -Thérèse Joseph
Assistant technique: Karim Farouk
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.