Al-Ahram Hebdo, Egypte | Comment renaître des cendres ?

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 Semaine du 20 au 26 avril 2011, numéro 867

 

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Egypte

PND . Malgré la dissolution du parti de Hosni Moubarak, ses ex-membres affichent une volonté de revenir sur la scène politique. Sous une nouvelle identité et avec des idées neuves.

Comment renaître des cendres ?

Le Parti National Démocrate (PND), au pouvoir pendant trente ans, n’existe plus. Ainsi en a décidé samedi 16 avril la Cour administrative du Caire. Le verdict intervient alors que des membres du parti tentaient de se repositionner sur la scène politique. Il y a quelques jours, Talaat Al-Sadate, ancien député indépendant, avait été nommé président du PND.

Le tribunal a ordonné la dissolution du PND et la saisie de tous ses avoirs dont la propriété reviendra désormais à l’Etat.

Le jugement a été émis suite à une plainte déposée par des militants des droits de l’homme accusant le PND de corruption financière et politique. Ces militants ont fait pression sur le Conseil suprême des forces armées, au pouvoir depuis la chute de Moubarak le 11 février, pour obtenir la dissolution du PND, arguant que le parti pouvait opérer un retour sur la scène politique à travers les élections législatives de septembre prochain. L’audience s’est tenue en présence de Talaat Al-Sadate, qui a promis une renaissance du parti en dépit de ce verdict et s’est engagé à entreprendre une révision complète de l’ensemble de ses politiques pour qu’elles soient en faveur du peuple.

Dans les attendus du jugement, la Cour a estimé que le PND faisait partie intégrante de l’ancien régime. « La chute du régime doit entraîner nécessairement la dissolution du parti. Le PND est né dans les fastes de l’Etat et a été entaché par une importante corruption politique et financière. Les fonds de l’Etat se sont mélangés aux fonds du parti, ce qui rendait nécessaire la confiscation de ses biens », a estimé la Cour.

Fondé par l’ancien président Anouar Al-Sadate en 1979 et dirigé après son assassinat par Hosni Moubarak, le PND a dominé la vie politique pendant plus de trois décennies, au prix de nombreuses fraudes électorales. Un certain nombre de ses anciens cadres font actuellement l’objet d’enquêtes pour corruption, et plusieurs sont déjà derrière les barreaux. Toutefois, certains de ses membres étaient déterminés à survivre à la révolution qui a renversé le régime. Ils espéraient pouvoir se présenter sous ses couleurs aux élections législatives de septembre, assuraient avoir coupé tout lien avec les anciens responsables corrompus, et présentaient leurs excuses au peuple pour les erreurs du parti.

La fin d’une histoire ? Certainement pas, assurent les responsables du parti qui ont l’intention de le ressusciter sous un nouveau nom. « Le parti que le président Sadate a créé pour le peuple et par le peuple retrouvera sa mission d’origine. Nous achèverons le plus tôt possible les procédures de la création du nouveau parti qui n’aura rien à avoir avec le parti dissous », affirme Al-Sadate. Et d’ajouter qu’il s’agit d’un verdict politique visant à faire plaisir aux jeunes de la révolution. Al-Sadate appelle ces jeunes à se rallier à son nouveau parti qui sera bientôt « purgé de tous les voleurs et les corrompus ». Al-Sadate, qui trouve injustifiée la saisie des fonds du parti, venant des dons de ses membres, se dit prêt à ne pas contester cette décision en justice si le prix en est une réconciliation avec le peuple.

Le PND disposait de bâtiments comme le grand bâtiment au bord du Nil au Caire, incendié pendant la révolution. Il dispose aussi d’autres locaux loués a très bas prix et qui font actuellement l’objet de poursuites judiciaires par leurs propriétaires qui veulent les récupérer. « La page du PND est tournée, il est maintenant temps de construire un nouveau parti sur des bases réelles et solides. On s’arrangera en ce qui concerne le financement de ce nouveau parti, mais ce qui nous préoccupe le plus ce sont les bases politiques et idéologiques du parti », ajoute Al-Sadate.

Espoir partagé par Mohamad Ragab, secrétaire général du parti, qui trouve injuste l’idée de mettre les membres honnêtes du PND dans le même panier avec « les corrompus et les parasites », qui n’ont pas tardé à fuir après la chute du régime. Il souligne que le PND reviendra sur la scène en tant que nouveau parti d’opposition sous la houlette de Talaat Al- Sadate. « Cet opposant rigoureux a osé un jour lever sa chaussure contre Ahmad Ezz, l’homme le plus puissant du parti à un moment où personne n’osait lui adresser la moindre critique », affirme Ragab.

Tâche ardue

Cependant, la restauration de l’image ternie d’un parti qui a monopolisé le pouvoir pendant trente ans se révèle une tâche ardue, même si le parti change de nom. Les forces politiques se sont félicitées de la dissolution d’un symbole de la corruption et de l’autoritarisme politique, rejetant l’idée de réintégrer le PND dans la nouvelle équation politique. « L’acte de décès de ce parti a été rédigé par la révolution du 25 janvier et ratifié par le verdict annonçant sa dissolution. Il représentait une tache dans l’histoire de l’Egypte et une période amère de son histoire », estime Hamdi Hassan, ancien parlementaire issu des Frères musulmans.

Ce rejet des Frères de voir renaître le PND est partagé par les courants laïques. Amin Eskandar, membre fondateur du parti Al-Karama de tendance nassérienne, pense également que la fusion du PND avec l’ancien régime rend les tentatives actuelles de certains de ses membres pour se réorganiser et convaincre l’opinion publique de leur sincérité une tentative vouée à l’échec. « C’est amusant de présenter le nouveau PND comme un parti d’opposition. Je me demande à qui il va s’opposer ? Au peuple qui a appelé à sa chute et qui a incendié ses locaux ? », ironise Eskandar. Il ajoute que quels que soient son nom, son nouveau président ou ses politiques, rien ne pourra effacer cette histoire politique honnie que les Egyptiens perçoivent comme un symbole de corruption, de fraude et de despotisme.

Ammar Ali Hassan, politologue, estime, quant à lui, que le PND formait avec d’autres partis un semblant de pluralisme sans idéologie, à même de mobiliser des partisans, et c’est justement pourquoi il ne reprendra pas sa place sur l’échiquier politique. « C’est un parti qui a toujours été à la solde du pouvoir. Sa monopolisation par un réseau d’hommes d’affaires qui cherchaient à satisfaire leurs propres intérêts a consommé son divorce avec la rue. Aujourd’hui, le PND fait partie d’une époque révolue », ajoute Hassan.

Défenseur infatigable du PND, Nabil Louqa Bébawi trouve injustes ces critiques et décide d’attaquer : « Donnez-nous la chance de nous repositionner, de réformer nos politiques et d’injecter du sang neuf dans nos rangs. Il est contraire aux principes de la révolution que de chercher à supprimer un courant politique », se défend-il. Une stratégie qui ne tient pas pour Amin Eskandar, lequel pense que le PND n’est pas habilité après 30 ans au pouvoir à demander une autre chance. « Moubarak aussi a promis de réformer en 6 mois ce qu’il a saboté pendant des décennies. Mais il a réagi trop tard, comme ce que fait le PND aujourd’hui », conclut-il.

May Al-Maghrabi

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