PND .
Malgré la dissolution du parti de Hosni Moubarak, ses
ex-membres affichent une volonté de revenir sur la scène
politique. Sous une nouvelle identité et avec des idées
neuves.
Comment renaître des cendres ?
Le
Parti National Démocrate (PND), au pouvoir pendant trente
ans, n’existe plus. Ainsi en a décidé samedi 16 avril la
Cour administrative du Caire. Le verdict intervient alors
que des membres du parti tentaient de se repositionner sur
la scène politique. Il y a quelques jours, Talaat Al-Sadate,
ancien député indépendant, avait été nommé président du PND.
Le tribunal a ordonné la dissolution du PND et la saisie de
tous ses avoirs dont la propriété reviendra désormais à
l’Etat.
Le jugement a été émis suite à une plainte déposée par des
militants des droits de l’homme accusant le PND de
corruption financière et politique. Ces militants ont fait
pression sur le Conseil suprême des forces armées, au
pouvoir depuis la chute de Moubarak le 11 février, pour
obtenir la dissolution du PND, arguant que le parti pouvait
opérer un retour sur la scène politique à travers les
élections législatives de septembre prochain. L’audience
s’est tenue en présence de Talaat Al-Sadate, qui a promis
une renaissance du parti en dépit de ce verdict et s’est
engagé à entreprendre une révision complète de l’ensemble de
ses politiques pour qu’elles soient en faveur du peuple.
Dans les attendus du jugement, la Cour a estimé que le PND
faisait partie intégrante de l’ancien régime. « La chute du
régime doit entraîner nécessairement la dissolution du
parti. Le PND est né dans les fastes de l’Etat et a été
entaché par une importante corruption politique et
financière. Les fonds de l’Etat se sont mélangés aux fonds
du parti, ce qui rendait nécessaire la confiscation de ses
biens », a estimé la Cour.
Fondé par l’ancien président Anouar Al-Sadate en 1979 et
dirigé après son assassinat par Hosni Moubarak, le PND a
dominé la vie politique pendant plus de trois décennies, au
prix de nombreuses fraudes électorales. Un certain nombre de
ses anciens cadres font actuellement l’objet d’enquêtes pour
corruption, et plusieurs sont déjà derrière les barreaux.
Toutefois, certains de ses membres étaient déterminés à
survivre à la révolution qui a renversé le régime. Ils
espéraient pouvoir se présenter sous ses couleurs aux
élections législatives de septembre, assuraient avoir coupé
tout lien avec les anciens responsables corrompus, et
présentaient leurs excuses au peuple pour les erreurs du
parti.
La fin d’une histoire ? Certainement pas, assurent les
responsables du parti qui ont l’intention de le ressusciter
sous un nouveau nom. « Le parti que le président Sadate a
créé pour le peuple et par le peuple retrouvera sa mission
d’origine. Nous achèverons le plus tôt possible les
procédures de la création du nouveau parti qui n’aura rien à
avoir avec le parti dissous », affirme Al-Sadate. Et
d’ajouter qu’il s’agit d’un verdict politique visant à faire
plaisir aux jeunes de la révolution. Al-Sadate appelle ces
jeunes à se rallier à son nouveau parti qui sera bientôt «
purgé de tous les voleurs et les corrompus ». Al-Sadate, qui
trouve injustifiée la saisie des fonds du parti, venant des
dons de ses membres, se dit prêt à ne pas contester cette
décision en justice si le prix en est une réconciliation
avec le peuple.
Le PND disposait de bâtiments comme le grand bâtiment au
bord du Nil au Caire, incendié pendant la révolution. Il
dispose aussi d’autres locaux loués a très bas prix et qui
font actuellement l’objet de poursuites judiciaires par
leurs propriétaires qui veulent les récupérer. « La page du
PND est tournée, il est maintenant temps de construire un
nouveau parti sur des bases réelles et solides. On
s’arrangera en ce qui concerne le financement de ce nouveau
parti, mais ce qui nous préoccupe le plus ce sont les bases
politiques et idéologiques du parti », ajoute Al-Sadate.
Espoir partagé par Mohamad Ragab, secrétaire général du
parti, qui trouve injuste l’idée de mettre les membres
honnêtes du PND dans le même panier avec « les corrompus et
les parasites », qui n’ont pas tardé à fuir après la chute
du régime. Il souligne que le PND reviendra sur la scène en
tant que nouveau parti d’opposition sous la houlette de
Talaat Al- Sadate. « Cet opposant rigoureux a osé un jour
lever sa chaussure contre Ahmad Ezz, l’homme le plus
puissant du parti à un moment où personne n’osait lui
adresser la moindre critique », affirme Ragab.
Tâche ardue
Cependant, la restauration de l’image ternie d’un parti qui
a monopolisé le pouvoir pendant trente ans se révèle une
tâche ardue, même si le parti change de nom. Les forces
politiques se sont félicitées de la dissolution d’un symbole
de la corruption et de l’autoritarisme politique, rejetant
l’idée de réintégrer le PND dans la nouvelle équation
politique. « L’acte de décès de ce parti a été rédigé par la
révolution du 25 janvier et ratifié par le verdict annonçant
sa dissolution. Il représentait une tache dans l’histoire de
l’Egypte et une période amère de son histoire », estime
Hamdi Hassan, ancien parlementaire issu des Frères
musulmans.
Ce rejet des Frères de voir renaître le PND est partagé par
les courants laïques. Amin Eskandar, membre fondateur du
parti Al-Karama de tendance nassérienne, pense également que
la fusion du PND avec l’ancien régime rend les tentatives
actuelles de certains de ses membres pour se réorganiser et
convaincre l’opinion publique de leur sincérité une
tentative vouée à l’échec. « C’est amusant de présenter le
nouveau PND comme un parti d’opposition. Je me demande à qui
il va s’opposer ? Au peuple qui a appelé à sa chute et qui a
incendié ses locaux ? », ironise Eskandar. Il ajoute que
quels que soient son nom, son nouveau président ou ses
politiques, rien ne pourra effacer cette histoire politique
honnie que les Egyptiens perçoivent comme un symbole de
corruption, de fraude et de despotisme.
Ammar Ali Hassan, politologue, estime, quant à lui, que le
PND formait avec d’autres partis un semblant de pluralisme
sans idéologie, à même de mobiliser des partisans, et c’est
justement pourquoi il ne reprendra pas sa place sur
l’échiquier politique. « C’est un parti qui a toujours été à
la solde du pouvoir. Sa monopolisation par un réseau
d’hommes d’affaires qui cherchaient à satisfaire leurs
propres intérêts a consommé son divorce avec la rue.
Aujourd’hui, le PND fait partie d’une époque révolue »,
ajoute Hassan.
Défenseur infatigable du PND, Nabil Louqa Bébawi trouve
injustes ces critiques et décide d’attaquer : « Donnez-nous
la chance de nous repositionner, de réformer nos politiques
et d’injecter du sang neuf dans nos rangs. Il est contraire
aux principes de la révolution que de chercher à supprimer
un courant politique », se défend-il. Une stratégie qui ne
tient pas pour Amin Eskandar, lequel pense que le PND n’est
pas habilité après 30 ans au pouvoir à demander une autre
chance. « Moubarak aussi a promis de réformer en 6 mois ce
qu’il a saboté pendant des décennies. Mais il a réagi trop
tard, comme ce que fait le PND aujourd’hui », conclut-il.
May
Al-Maghrabi