Héritage .
L’Unesco a récemment inscrit l’Observatoire de Hélouan,
construit en 1903, sur sa liste indicative, étape
préliminaire avant de l’intégrer au patrimoine mondial.
La porte vers les étoiles
L’emplacement,
les réalisations scientifiques, les influences sociales et
sans oublier la valeur historique des bâtiments sont les
plus importants critères ayant incité l’Unesco à inscrire
l’Observatoire de Hélouan sur le patrimoine mondial à
préserver. Fondé en 1903, l’observatoire se dresse à l’ouest
du Caire sur le sommet d’un plateau en calcaire. Une
localisation parfaitement sélectionnée à l’époque, grâce à
son altitude et la pureté de l’atmosphère qui permettent
l’observation astronomique avec netteté. Dès son
installation, « l’Observatoire de Hélouan a mondialement
marqué l’astronomie. Il était, en fait, pilote dans
l’enregistrement de plusieurs phénomènes astronomiques, la
découverte des planètes, la photographie des nébuleuses et
bien d’autres », explique l’astronome Salah Mahmoud,
directeur de l’observatoire. Et au fur et à mesure, les
activités de l’observatoire augmentent et ne s’arrêtent pas
à l’astronomie. Elles sont étendues pour mettre leurs études
et expériences scientifiques à la disposition des autres
sciences, à l’instar de l’archéologie et des sciences
sociales. Il ne faut pas oublier aussi les bâtiments
historiques qui datent du début du XXe siècle. Ils
témoignent d’une architecture khédiviale oubliée
aujourd’hui. Pour toutes ces raisons, l’Unesco a décidé
d’inscrire ce fondement scientifique dans sa liste
indicative de l’Unesco. Une étape préliminaire qui sera
suivie par deux ans d’études par les experts de l’Unesco
pour ensuite l’enregistrer définitivement comme patrimoine
mondial à préserver.
L’Observatoire de Hélouan retrace en fait la fin d’une
période astronomique et le début d’une autre. Il témoigne de
l’habileté égyptienne dans cet art, qui est connu dès l’aube
de l’Histoire en Egypte (voir enc.). En effet, la moderne
astronomie égyptienne a trouvé son terrain fertile au cours
du règne de Mohamad Ali pacha, fondateur de la famille
alide. Il encourageait les jeunes à étudier les différentes
sciences de l’époque dont l’astronomie. Son initiateur a été
le notable égyptien Mahmoud pacha Al-Falaki (1815-1885),
pionnier de la Renaissance égyptienne au milieu du XIXe
siècle. Al-Falaki — voulant dire l’astronome — lui a été
attribué comme nom de famille. Après avoir étudié
l’astronomie en 1842, Mahmoud Al-Falaki l’a pratiquée lors
de la fondation du premier observatoire égyptien à Boulaq,
dénommé à l’époque Rasd-khana (observatoire), construit en
1840. Mahmoud Al-Falaki a été commandé par le khédive Ismaïl
pacha pour observer l’éclipse solaire des années 1860. Cet
important événement astronomique occupait la une de tous les
journaux du pays à l’époque. Quelques années plus tard, Al-Falaki
pacha a demandé d’installer un second observatoire. Celui-ci
a été construit en 1865 dans le quartier de Abbassiya et a
été plus tard transféré à Hélouan au sud du Caire en 1903,
en raison de l’expansion urbaine, tout en gardant celui de
Abbassiya qui fonctionnait jusqu’au début des années 1950.
L’Observatoire de Hélouan a été construit au sommet d’un
plateau de calcaire, au sud du Caire, sur la rive orientale
de la banlieue de Hélouan. Aux alentours, le visiteur
contemple la verdure en bordure du Nil, à l’ouest la
pyramide à degrés et les pyramides de Dahchour, au
nord-ouest sont admirablement observées celles de Guiza. Le
site présente un intérêt naturel où le désert s’étend dans
la partie orientale tandis que la végétation et la culture
vertes apparaissent sur les deux côtés du fleuve, dans la
partie ouest. Le Jardin japonais, les sources d’eau minérale
et le Musée de cire, sans oublier l’Université de Hélouan,
sont relativement proches de l’observatoire.
Celui-ci
renfermait au début deux bâtiments essentiels construits en
calcaire. Le premier se composait d’un seul étage. Et, au
fil des années, un second a été ajouté lorsque les bureaux
du directeur et le personnel, la bibliothèque et les
laboratoires de mesures astronomiques ont été programmés.
Actuellement, le premier étage est occupé par les bureaux
administratifs. Quant au deuxième bâtiment, c’est une belle
villa entourée d’un jardin. Elle servait de résidence pour
le directeur de l’observatoire. Mais actuellement, elle est
transformée en un musée astronomique visité par « les
étudiants et les élèves de différents âges », explique Sanaa
Imam, responsable de communication à l’observatoire. Ce
musée renferme en fait deux salles consacrées aux horloges
qui ont été utilisées au XVIIIe siècle pour le service du
temps et l’ajustement des observations par satellite
artificiel. Il ne faut pas encore oublier l’horloge
stellaire, deuxième horloge fabriquée après celle de
Greenwich. « Il n’y a que 15 du genre distribuées dans les
observatoires du monde entier. Notre musée en comprend 6.
C’est un nombre considérable », explique Dr Achraf Chaker,
professeur de physique astronomique. Aussi le musée
comprend-il une salle pour les sismomètres. D’ailleurs, le
visiteur peut y admirer l’évolution des télescopes pendant
l’époque moderne, à partir de 1870. De 6 pouces zénith, ce
vieux télescope corrigeait la durée de l’enregistrement du
passage des étoiles au méridien. Le visiteur peut admirer,
en plus, les modèles illustrant la sphère céleste, les
modèles de montage de Mahmoud pacha Al-Falaki pris par le
réfracteur de 10 pouces, des sismographes et des
photographies astronomiques prises par le télescope de 30
pouces de la comète de Halley, d’autres planètes et la lune.
Positions des comètes
Parmi les objets les plus précieux de l’Observatoire de
Hélouan se distingue le télescope au réflecteur 30 pouces
offert en 1905 par M. Reynolds (un astronome anglais, qui
devint plus tard le trésorier de la Société royale
d’astronomie du Royaume-Uni). Il est conservé au sein d’un
dôme en calcaire bâti en 1901. Ce télescope « était le
premier grand télescope d’Afrique et du Moyen-Orient
jusqu’en 1945. Il a aussi été le premier télescope du monde
à enregistrer la comète de Halley en 1909, lors de sa visite
à la terre », renchérit le directeur. Les photographies de
la comète ont été obtenues par M. Knox-Shaw, directeur de
l’Observatoire à l’époque. Pour lui, ces observations
entamées par le télescope ont continué pendant 3 ans, sans
interruption, jusqu’en 1911.
Elles ont offert une série complète de photos pour toute la
durée d’observation. Après ce grand succès, le télescope a
été utilisé pour déterminer les positions des comètes en
photographie, faible ou difficile à observer. De même, il a
aidé la communauté astronomique à l’instar de Knox-Shaw,
Gregory et Mohamad Réda Madwar, premier directeur égyptien
de l’observatoire de Hélouan, dans le développement de la
classification des galaxies modernes.
« Et notamment les galaxies amorphes. Le télescope de 30
pouces a de même enregistré le huitième satellite de
Jupiter. Quinze bonnes plaques du satellite avec diverses
positions ont été obtenues. D’ailleurs, le télescope de 30
pouces a découvert la planète Pluton », reprend le
directeur. D’une victoire à l’autre, les astronomes de
Hélouan ont participé de 1914 à 1921 au programme
international de mesure des fluctuations de la constante
solaire. L’observatoire a inscrit sa marque dans les
observations des éclipses solaires totales de 1952 et 2006.
La première était à Khartoum, au Soudan, tandis que la
seconde a été observée au Salloum dans le nord-ouest de
l’Egypte. Les activités scientifiques de l’observatoire
influençaient directement la vie quotidienne des citoyens.
Notamment avec le télescope méridien Circle, érigé en 1874,
qui était couramment utilisé pour observer le passage
d’étoiles au méridien et corriger l’heure diffusée aux
ports, stations de radio et de télévision, ainsi qu’à
l’horloge de l’Université du Caire. D’ailleurs, les séries
d’observations entamées par l’observatoire en plus de
l’heure ont aidé les peuples africains à changer leurs
croyances quant à l’astronomie, les comètes et l’heure,
encourageant ainsi d’autres pays à entrer dans l’ère de la
science. Les activités de l’Observatoire de Hélouan au cours
de son histoire sont matériellement associées à des
traditions sociales et aux croyances concernant les
observations du nouveau croissant de lune, la définition du
mois de l’hégire, le moment du jeûne du Ramadan et du
pèlerinage. En outre, l’observatoire a abordé le calcul du
temps de la prière pour les musulmans et les calendriers
coptes, ainsi que la direction de La Mecque.
Toute cette longue histoire pleine de succès témoigne de
l’habileté des astronomes égyptiens et de l’efficacité de
leur rôle national et mondial. Sans oublier que cet
observatoire est le plus ancien qui existe encore en pleine
activité, ce qui double sa valeur.
Ce qui
explique la décision de l’Unesco.
Doaa
Elhami