L’Iran et la tension dans le
Golfe
Abdallah Al-Achaal
Sans
nul doute, le Golfe ressent de la tension et de l’inconfort
qui ont atteint des degrés sans précédent, en raison du
conflit qui oppose cette région à l’Iran. La situation
suscite beaucoup d’inquiétudes. Quelles sont les raisons de
cette tension et comment peut-on l’éliminer ?
La vraie raison de cette tension est l’ampleur prise
récemment par la force iranienne, qui s’est ingérée dans
d’autres sphères politiques et idéologiques, hors du cadre
qui lui était consacré. Elle s’est alors heurtée aux
Etats-Unis et à Israël, mais sous un autre aspect, à savoir
le dossier nucléaire iranien qui est inéluctablement l’une
des séquelles du conflit politique. Il faut dire que les
pays du Golfe éprouvaient une forte cordialité à l’égard de
l’Iran, et certains ont préservé ce rapprochement pendant la
guerre iraqo-iranienne et
l’ingérence arabe en Iraq.
L’origine de ce problème réside dans la question qui s’est
posée depuis la disposition affichée par la Grande-Bretagne
de quitter le Golfe en 1971 : A qui appartient le Golfe ?
Cela si nous prenons en considération les déclarations de
l’Occident à l’époque, selon lesquelles le Golfe, après le
départ de la Grande-Bretagne, souffre d’un vide politique,
car ses richesses pétrolières et les convoitises des
différents pays vont au-delà de la capacité de ces Etats à
prendre les décisions adéquates en ce qui les concerne.
Raison pour laquelle deux formules parallèles ont émergé sur
la sécurité du Golfe à cette date. La première disant que le
Golfe est la propriété de ses habitants arabes et iraniens.
Et la seconde affirmant que le Golfe est sous une protection
tripartite : iranienne, au temps du chah, l’allié de
l’Occident, et arabe, représenté par l’Arabie saoudite sous
la bénédiction américaine.
Ensuite, la révolution islamique a été déclenchée et a
modifié l’équation. D’ailleurs, le plus dangereux aspect de
cette révolution était la tension irano-américaine. L’autre
fut la secousse du Golfe avec la guerre
iraqo-iranienne, l’invasion du Koweït par l’Iraq, et
enfin l’invasion américaine de l’Iraq. Toutes ces évolutions
ont mis en avant deux facteurs dangereux. Le premier fut la
montée en force de l’Iran dans le Golfe et au niveau de tous
les dossiers arabes, et la seconde fut l’émergence
des clivages chiite-sunnite qui
ont commencé en Iraq après l’invasion américaine qui, à son
tour, a consacré le déchirement iraqien.
En Iran, les conjonctures ont permis de jouer la carte
chiite, pour menacer les pays arabes.
A mon avis, cette tension, sous les accusations américaines,
revient essentiellement aux ambitions iraniennes d’hégémonie
dans la région, pour s’approprier le Golfe. Je crois que la
solution serait de renverser l’équation, afin de pouvoir
dire que le Golfe est la propriété de ses habitants, que ce
soit les Iraniens ou les Arabes, à condition que l’Iran
change sa vision vis-à-vis du Golfe. Bahreïn n’est certes
pas une possession de l’Iran pour la seule raison qu’une
partie de son peuple entretient une relation historique avec
l’Iran. En effet, la divergence entre les Bahreinis et leur
gouvernement est une question interne ne concernant en rien
l’Iran. Nous devons mettre l’accent sur le principe du
respect de la notion de l’Etat et de son indépendance, et il
ne faut surtout pas permettre aux considérations
confessionnelles d’entrer dans la partie. L’hégémonie de
l’Iran sur le Golfe est inacceptable dans le contexte de son
conflit avec les Etats-Unis. Le retour à la formule disant
que le Golfe sur ses deux rives est la propriété de ses
habitants est la solution idéale pour trancher le dialogue,
loin de la course à l’armement. Enfin, il faut noter que le
vide causé par l’absence de l’Egypte a été l’une des raisons
de cette tension qui a dominé au cours des dernières
décennies.