Yémen .
Alors que le président Saleh a accepté un transfert
pacifique du pouvoir, les manifestants réclament toujours
son départ immédiat. La crise paralyse le pays depuis plus
de deux mois.
Les pays du Golfe obtiennent une concession
Afin de trouver une issue à la crise au Yémen, les
monarchies du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) ont
multiplié leurs efforts cette semaine, en se réunissant deux
fois. Au cours de la deuxième réunion, elles ont demandé au
président yéménite contesté Ali Abdallah Saleh de céder le
pouvoir à son vice-président. Une demande revendiquée par
les protestataires depuis février dernier. Après quelques
jours de refus, le président Saleh s’est dit prêt lundi à un
« transfert pacifique du pouvoir », sans accepter
expressément un plan de sortie de crise des monarchies du
Golfe. Saleh « n’a pas d’objection à un transfert pacifique
du pouvoir dans le cadre de la Constitution, comme il l’a
toujours dit », a déclaré la présidence dans un communiqué.
Mais le texte ne dit pas explicitement si le chef de l’Etat
accepte de se démettre. La présidence souligne simplement
qu’elle « accueille favorablement les efforts des frères du
CCG » et considère leur initiative comme « une base pour
mener le dialogue afin d’épargner au Yémen les affres du
chaos ».
Mais ces déclarations sont insatisfaisantes pour les jeunes.
Des milliers de jeunes ont manifesté proclamant leur refus
du dialogue préconisé par les monarchies du Golfe entre le
pouvoir et l’opposition. Ils campent toujours sur leur
revendication : le départ immédiat de Saleh.
Une fois la décision présidentielle déclarée, l’opposition
parlementaire a accueilli l’initiative du CCG avec prudence.
« Nous attendons d’être officiellement informés de
l’initiative, car nous avons quelques interrogations », a
déclaré le porte-parole des partis de l’opposition, Mohamed
Qahtane. Un autre responsable du
Forum commun, qui regroupe des partis de l’opposition
parlementaire, Mohamed Al-Sabri,
a estimé que M. Saleh cherchait « à gagner du temps » en
annonçant une position ambiguë à l’égard du plan des pays du
Golfe. « Le dialogue à Riyad ne sera possible qu’après la
démission du président », a-t-il estimé.
Le CCG (Arabie saoudite, Qatar, Bahreïn, Emirats arabes
unis, Oman et Koweït) s’est en effet réuni dans un sommet
extraordinaire au niveau de ses ministres des Affaires
étrangères. Au terme de leur réunion à Riyad. Les six
membres ont appelé le gouvernement de M. Saleh et
l’opposition à une réunion dans la capitale saoudienne en
vue d’une transition pacifique au Yémen. L’offre du CCG
prévoyait le retrait immédiat du président Saleh, la remise
du pouvoir au vice-président Abd-Rabbou
Mansour, la formation d’un gouvernement d’union nationale
dominé par l’opposition et des garanties au président qu’il
ne sera pas poursuivi en justice. « Le président de la
République doit annoncer le transfert de ses prérogatives au
vice-président, Abd-Rabbou
Mansour Hadi, et un gouvernement d’union nationale dirigé
par l’opposition aura la charge de mettre en place une
Constitution et d’organiser des élections », a déclaré le
secrétaire général du CCG, Abdellatif
Zayani.
Le régime conspué
Les monarchies du Golfe, inquiètes de l’instabilité au
Yémen, avaient déjà proposé leur médiation il y a une
semaine. Mais le chef de l’Etat yéménite, au pouvoir depuis
32 ans, avait rejeté cette offre dans sa version annoncée
par le Qatar et qui prévoyait clairement qu’il cède le
pouvoir, tout en continuant de dire qu’il restait ouvert à
la proposition des pays du Golfe. En signe de colère, il
avait rappelé samedi son ambassadeur à Doha. Cela n’a pas
empêché le CCG de convoquer une autre réunion qui a eu lieu
dimanche dernier. La présidence yéménite a affirmé que M.
Saleh accueillait favorablement « les efforts du CCG
conduits par l’Arabie saoudite pour régler la crise mais
refuse les déclarations du Qatar, qui constituent une
ingérence inacceptable dans les affaires yéménites », a
déclaré le président yéménite dans un communiqué.
Profitant du soutien, non seulement des pays arabes, mais
aussi de la communauté internationale, les manifestants
yéménites ont accentué leur pression. Des dizaines de
milliers de Yéménites ont de nouveau conspué le régime,
notamment après les combats de rues entre manifestants et
policiers à Sanaa et Takz. Déjà,
les bilans des morts et des blessés sont lourds dans ces
deux dernières villes. L’annonce de ces bilans incite les
protestataires à aggraver leurs manifestations et à camper
de plus en plus sur leur position.
Soutenant les revendications des manifestants, l’opposition
parlementaire yéménite avait pour sa part appelé le CCG et
la communauté internationale à « prendre des mesures plus
fermes pour protéger la société civile face à la répression
et aux tueries ».
Répondant à cet appel, les Etats-Unis ont apporté un soutien
de taille au CCG, saluant son initiative et encourageant la
mise en place d’un processus de transition politique
pacifique. En effet, les Etats-Unis collaboraient
étroitement avec le régime du président Saleh dans la lutte
contre Al-Qaëda dans la
péninsule arabique, qui est actif dans le sud et l’est du
Yémen. Au cours de cette semaine, des combats acharnés ont
eu lieu au sud du pays pour lutter contre les membres d’Al-Qaëda.
A cet égard, des unités de l’armée ont bombardé à l’arme
lourde un refuge présumé d’Al-Qaëda,
après avoir demandé aux civils de quitter les lieux.
Le Yémen est depuis fin janvier le théâtre de manifestations
réclamant le départ du président Saleh, qui ont fait une
centaine de morts.
Maha
Salem