Al-Ahram Hebdo, Livres | Le trop-plein de pouvoir policier

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 Semaine du 13 au 19 avril 2011, numéro 866

 

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Violence . Sorti un mois avant la révolution du 25 janvier, La tentation du pouvoir absolu est une étude concise du rapport de la police au citoyen. Elle va des Pharaons aux Ottomans, et atteint surtout l’ère Moubarak.

Le trop-plein de pouvoir policier

Le choix du 25 janvier pour lancer des manifestations n’était pas fortuit, et le séisme qui a frappé les services de police du 28 janvier jusqu’à aujourd’hui n’est en rien gratuit. Les Egyptiens se sont habitués au policier du coin de la rue qui ferme les yeux sur une contravention contre un petit pourboire, aux vidéos largement diffusées sur YouTube ces dernières années sur des séances de tortures dans des commissariats de police ici et là, et aux baltaguis soutenus par les forces de l’ordre les jours de scrutin. Seulement le livre de Basma Abdel-Aziz La tentation du pouvoir absolu, nous catapulte aux origines du mal qui est, après la révolution, encore pointé du doigt comme étant de la contre-révolution. Ce livre est une étude intéressante, quoique concise en 127 pages, sur la relation entre le citoyen et la police. L’auteur commence par un voyage historique qui prend son départ aux temps des pharaons. On découvre qu’à l’époque, les services de la police étaient un corps indépendant de l’armée et de la justice, qui reposait sur une conception élaborée par le pharaon lui-même. Ainsi, dans les commandements du roi Thoutmosis III à son ministre, nous pouvons lire : « Souviens-toi que le poste de ministre est amer comme la patience, n’asservis pas les gens du peuple, tu dois t’occuper de ceux que tu ne connais pas avant celui que tu connais. Et sache que l’autorité du prince réside dans son équité ».

Pour ce qui est de l’histoire contemporaine, l’auteur propose tout au long de son livre une lecture des événements actuels à l’orée d’une longue histoire où la police s’est entachée des couleurs de la politique. La relation avec le citoyen, qui s’est foncièrement dégradée ces trente dernières années, a atteint un point où l’officier de police en est arrivé à utiliser son arme pour régler des conflits personnels. C’est ce qu’elle appelle « la violence anarchique », une situation où, explique-t-elle, l’officier de police s’identifie au pouvoir. De défenseur de la loi, il devient la loi elle-même. La violence chez lui est due à sa formation « qui repose sur le fait que la violence sera un pilier de son métier ». Cet enseignement, poursuit-elle, se fait selon des mécanismes visant à convaincre psychologiquement l’étudiant que la violence est un moyen légitime, annihilant ainsi tout sentiment de culpabilité. « Il est ainsi convaincu d’opérer pour le bien de la nation et pour la stabilité et l’ordre. La violence ainsi conçue devient nécessaire et légitime contre toute personne qui porte atteinte à ces composantes … Ainsi, toute opposition au régime est une atteinte à la sécurité … Le travail du policier s’est donc cantonné à défendre le régime ».

Procédé systématique

Selon cette logique, le corps de police a bénéficié de plus en plus de pouvoirs sous le régime Moubarak, instaurant la violence comme un procédé systématique. En se penchant sur le régime de Nasser, l’auteure signale que la violence n’était pas encore le pilier de la relation police-citoyen : « Le policier et le citoyen étaient sur le même bateau ». La poigne de fer sécuritaire se dirigeait essentiellement contre les opposants au régime via un organisme créé spécialement à cet effet en 1968, à savoir le fameux service de la Sûreté de l’Etat ou Amn al-dawla. A l’époque de Sadate, la violence contre les adversaires politiques a régressé quelque peu pour s’orienter lentement et épisodiquement vers le simple citoyen. Mais l’auteur insère une remarque de taille, à savoir que la répression du régime contre ses opposants sous Nasser et Sadate n’a pas cessé. Sous le règne du premier, 14 000 ordres de détention ont été enregistrés, chiffre qui a augmenté sous Sadate et qui a englobé d’autres tranches de la société. « Cette augmentation illustre peut-être le début du problème et de l’élargissement par le régime du cercle de ses ennemis ».

Ce cercle a englobé, sous Moubarak, la société tout entière pour donner l’image sortie au grand jour pendant les manifestations de janvier dernier. Sur trente années, cette violence a pris plusieurs formes, comme le recours au châtiment collectif en encerclant un village pendant des jours ou en tirant aveuglément sur un quartier pour le punir suite à une protestation. Sans oublier la torture au niveau des commissariats de police qui, petit à petit, s’est même imposée dans la rue. « Il est devenu plus judicieux de torturer une personne au vu et au su de tout le monde pour briser sa volonté … Il est donné ainsi à tous de voir qu’il ne sert à rien de résister ». Une étude qui remet donc la relation police-citoyen dans son contexte historique et qui permet de cerner quelque peu ce problème au moment où le corps de police est au centre des événements et suscite beaucoup de questions depuis le début de la révolution jusqu’à aujourd’hui.

Najet Belhatem

 

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Ighraa al-solta al-motlaqa de Basma Abdel-Aziz, éditions Sefsafa, 2011.

 




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