Culture
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Une trentaine de titres égyptiens sont interdits par les
organisateurs du Salon du livre du Koweït prévu le mois
prochain. Les intellectuels égyptiens regrettent une «
régression » des libertés.
Salon restreint pour l’Egypte
C’est une décision « choquante et injustifiable » pour les
milieux culturels égyptiens. La réaction fait suite à
l’interdiction d’une trentaine de livres d’écrivains
égyptiens de la 35e édition du Salon du livre du Koweït
prévu du 13 au 23 octobre. Parmi ceux qui ont vu leurs
œuvres interdites figurent le célèbre journaliste Mohamad
Hassanein
Heykal, l’écrivain islamiste
Fahmi Howeidi, le poète
Farouq
Goweida ainsi que les romanciers Gamal Al-Ghitani,
Ibrahim Aslane et
Alaa Al-Aswani.
Rachid Al-Hamad, ambassadeur du Koweït au Caire, a indiqué
que cette interdiction ne visait pas « personnellement » les
écrivains égyptiens. Il explique que les organisateurs du
Salon du livre ont l’habitude d’interdire les œuvres qui
présentent des idées qui ne sont pas en harmonie avec la
politique, les mœurs et les traditions de la société
koweïtienne. « Nous ne sommes pas hostiles à l’Egypte ou à
ses écrivains, mais il s’agit d’une politique adoptée depuis
longtemps et qui consiste à faire une sélection de ce qui
est en conformité avec nos mœurs et principes », affirme le
diplomate.
Des justifications qui ne tiennent pas la route, selon
l’Union des écrivains égyptiens qui n’a pas ménagé ses
critiques à l’égard de ladite politique. Utilisant un ton
ferme, le communiqué de l’Union des écrivains a demandé des
explications aux autorités concernées de ce pays. «
L’interdiction est en principe exercée à l’encontre des
terroristes ou des espions, mais pas contre des écrivains
qui contribuent à l’épanouissement de la culture et de la
civilisation », dénonce le communiqué, qui compare la
censure à « une maladie » qui frappe les peuples et qui les
empêche de s’ouvrir les uns sur les autres.
De son côté, l’Union des éditeurs égyptiens a appelé les
chefs d’Etat arabes à intervenir pour protéger la culture du
danger de la censure et garantir la libre circulation des
livres à travers le monde arabe. « Chaque pays a ses
spécificités politiques et culturelles, mais cela n’a jamais
été une raison valable pour pratiquer la censure sous
prétexte de le protéger », commente Mohamad Rachad,
président de l’Union.
Il estime que ce genre de censure existe dans pratiquement
tous les pays arabes. « En Egypte, on a l’habitude
d’interdire les livres qui, soi-disant, risquent de
provoquer des frictions interconfessionnelles, d’autres pays
arabes interdisent les livres qui critiquent leurs
orientations politiques ou qui appellent à la
démocratisation », souligne-t-il. D’où, selon lui, la
nécessité d’une coopération au niveau de tous les
intellectuels arabes, pour lutter contre cette tendance «
hostile à la créativité ».
« Le Koweït des années 1970 a été beaucoup plus ouvert et
modéré que celui d’aujourd’hui, et c’est regrettable de
constater cette même régression au niveau des libertés et de
la démocratie dans beaucoup de pays arabes. C’est surtout
drôle dans cette ère d’Internet et de chaînes satellites »,
estime le romancier Al-Qamhawi,
frappé lui aussi par cette censure.
Encore plus drôle : parmi ces écrivains dont l’œuvre est
censurée, certains ont reçu une invitation pour participer
aux activités du Salon du livre du Koweït. Ceci a été
notamment le cas du romancier Youssef
Al-Qaïd. « C’est inimaginable que je participe à une
manifestation culturelle dont les organisateurs interdisent
mes livres », commente Al-Qaïd
qui, à son tour, exprime sa désolation de voir le Koweït
nier son expérience libérale.
Mais l’indignation n’a pas été l’apanage des intellectuels
égyptiens. Le romancier saoudien Abdo
Khal, lauréat du prix du «
Booker arabe » en 2010, a décidé de boycotter cette
foire du livre et appelle tous les intellectuels arabes à en
faire de même. Khal dit qu’il
n’arrive pas à comprendre les motifs de cette décision à
l’encontre des écrivains égyptiens. « Quels critères ont-ils
utilisés ? », se demande-t-il, en référence aux
organisateurs du Salon.
May
Al-Maghrabi