Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Une recherche risquée

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 Semaine du 22 au 28 septembre 2010, numéro 837

 

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Nulle part ailleurs

Manuels parascolaires . La décision du ministre de l’Education d’imposer aux éditeurs de payer des sommes de milliers de L.E. contre la publication d’ouvrages d’aide-mémoire a suscité un état d’anarchie. Un marché noir a été créé pour la vente de ces livres, indispensables, dans un système scolaire qui souffre de nombreuses lacunes. Reportage à l’occasion de la rentrée scolaire.

Une recherche risquée

« Pour avoir les manuels parascolaires de mes deux enfants, le propriétaire de la librairie, qui me connaît depuis de longues années, m’a demandé de se faufiler à partir d’une porte arrière. Il m’a donné les livres dans un sac noir comme si j’achetais de la drogue ou d’autres produits interdits que je dois cacher », dit Soad, qui habite à Guiza, en ajoutant que pendant les moments de sa présence dans la librairie, il ne cesse de répondre négativement aux autres clients qui viennent demander ces ouvrages condamnés par le ministre de l’Education. « Nous n’en avons pas pour cette année », répète-t-il, de peur d’être arrêté ou que sa librairie soit fermée par les agents de police. A Guiza, à Héliopolis ou même dans les gouvernorats de Basse et Haute-Egypte, les scènes se répètent. Et des nouvelles circulent que les campagnes policières ont mené à la confiscation de milliers de manuels ici et là.

Un état de crainte, de colère, d’attente et même d’anarchie règne, à cause d’un conflit entre le ministre de l’Education et les éditeurs des manuels parascolaires. Des livres d’assistance qui ont été autorisés depuis 1988 contre un droit de 400 L.E. Une somme qui s’est élevée pour atteindre 1 000 L.E., que le ministre Ahmad Zaki Badr a élevée à 5 000 L.E. Cependant, selon Sayed Abdel-Fattah, un associé dans une des maisons d’édition, le ministre a soudainement pris une décision, en juillet dernier, imposant des sommes qui vont de 350 000 jusqu’à 900 000 L.E. et parfois un million pour chaque manuel, selon le cycle scolaire. « Le ministre explique que les sommes sont simplement un droit d’auteur à acquitter en faveur du ministère de l’Education, qui est le possesseur des programmes scolaires sur lesquels sont basés les manuels. Il a alors imposé ces sommes exorbitantes sans prendre en considération les bénéfices réels des éditeurs, surtout les maisons d’édition moyennes », explique-t-il, tout en ajoutant que son épouse, qui est l’auteur d’un manuel du cycle secondaire, a décidé de ne pas le publier, parce qu’ils doivent payer 900 000 L.E. « Comment pourrons-nous compenser cette perte ? », s’interroge le couple. De l’autre côté, le ministre, bien ferme sur sa position, ne cesse d’annoncer qu’il ne changera pas d’avis. En attendant, plusieurs éditeurs ont décidé de s’abstenir et de ne pas publier de manuels, pour protester contre la décision ministérielle, d’autres ont défié la décision et ont imprimé les manuels et les ont donnés à des distributeurs pour les vendre dans un marché assoiffé et clandestin.

A Faggala, avenue commerçante et marché central des manuels parascolaires, la scène est complètement différente cette année. La longue rue, qui était comme la ruche, deux semaines après la rentrée scolaire, est en état d’anarchie. Plusieurs maisons d’édition ont fermé leurs portes, des distributeurs essayent de gagner leur pain en écoulant d’autres marchandises, comme les fournitures scolaires. D’autres ont accroché une pancarte annonçant qu’ils n’ont pas de manuels à vendre et passent le temps à raconter leurs crises et à critiquer la décision ministérielle qui n’est pas bien étudiée.

Faggala, zone interdite

Des pères, des mères et des élèves sont là de bonne heure et font le va-et-vient du marché cherchant ce manuel introuvable. Des centaines ont fait la queue devant la porte de la seule librairie qui a décidé de vendre malgré les menaces. « Ce distributeur a décidé de prendre le risque en exposant les manuels à la portée des clients. Cependant, des agents de police viennent de temps à autre pour le menacer, ferment la librairie et quittent. L’audacieux ne cesse de répéter l’aventure ». Et pour se fournir ces livres, il faut attendre des heures. Après une longue attente de cinq heures, Mahmoud Abdel-Moneim et son épouse semblent enfin avoir gagné la bataille. Le couple est sorti de la foule avec un grand sac rempli de manuels pour leurs deux enfants. « Je n’arrive pas à croire ce que nous devons faire aujourd’hui pour garantir l’avenir de nos petits. Passer des heures dans une longue queue d’attente et payer le double et le triple du prix ! On ne mérite pas ça », s’exclame la mère, en assurant que, face à un système scolaire qui a beaucoup de lacunes, les manuels parascolaires sont indispensables. « Mes enfants sont dans une école expérimentale. Cependant, ils ne reçoivent les livres du programme scolaire qu’un mois après la rentrée. Les livres des exercices pratiques n’arrivent aux mains des élèves qu’une semaine avant les examens. Que peuvent-ils alors faire sans les manuels scolaires ? », s’interroge la mère qui ne va pas à son travail depuis deux jours, ni son mari, à la recherche de ces livres. Enviés par les nouveaux venus d’avoir obtenu ce trésor inestimable, ils ont été la cible d’un flux de questions par des parents qui ont la peur au ventre de ne pas trouver les manuels d’une telle année scolaire et d’une telle matière. C’est le cas de Mahmoud Wahid, élève du cycle secondaire dans une école azharite. Il a l’air déçu et étourdi. « Que puis-je faire ? Il y a plusieurs matières qui me manquent. Chez nous, ce sont les professeurs qui nous donnent la liste des manuels parascolaires. Ceux des programmes officiels sont mis à l’écart dans le bureau, car ils ne nous ajoutent rien. Est-ce qu’ils veulent que nous échouions ? », se demande l’élève, qui ne s’intéresse pas aux raisons de cette crise, mais à avoir les manuels nécessaires pour ses études. Même les professeurs sont là essayant de chercher les manuels, parce qu’ils sont indispensables pour leurs cours, comme l’explique un enseignant de mathématiques, qui fait la queue devant la librairie et qui assure que même lui, il ne peut pas dépendre du livre du programme officiel pour expliquer à ses élèves. « Je dois leur faire des exercices pratiques et des applications que je ne trouve que dans les manuels parascolaires », dit-il.

Des profs en profitent

Une crise qui a profité à quelques enseignants, qui ont augmenté les prix de leurs leçons particulières et ont fait chacun des aide-mémoire et textes d’exercices, pour les vendre aux élèves à de différents prix. Et ce sont les parents qui payent, comme l’explique une mère, médecin, qui attend depuis l’aube pour chercher quelques manuels. Elle pense que la décision du ministre n’a aucune logique et n’est pas bien étudiée. « La preuve est ce mal de cœur dont souffrent les parents, pour arriver à avoir les manuels qu’ils cachent comme les voleurs ».

Une cohue et des réactions de victoire spontanées, une fois la mission d’avoir en main le manuel réussie, ont suscité une anarchie dans la rue. Ce qui a provoqué les policiers qui sont venus pour fermer la librairie et emmener le vendeur au poste de police. « Il semble que cette fois est définitive, il risque d’avoir une peine de prison de trois mois et une amende de 10 000 L.E. », dit l’un de ses voisins, en regrettant cet état d’humiliation ou de chômage forcé que vivent les libraires de Faggala. Quant aux clients, stupéfaits de ce qui s’est passé, ils attendent toujours la réouverture de la librairie. Sayed Ahmad, fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères, s’interroge : « Que faire sans avoir le reste des manuels pour mes enfants ? ». Une interrogation qu’échangent les parents qui cherchent à tout prix une issue.

Et voilà qu’ils ont commencé à faufiler vers un petit camion, garni d’une grande couverture. Et dans une atmosphère de suspens et en cachette, les jeunes vendeurs prennent un bout de papier de la main du client et lui demandent de s’éloigner, le temps qu’ils préparent les manuels et les lui mettent dans des sacs noirs, tout en soulignant l’importance du caractère confidentiel de la chose. « Ne nous exposez pas au risque s’il vous plaît », dit la jeune fille qui ajoute quelques livres au prix du manuel. Les parents se soumettent aux ordres des vendeurs clandestins tout en répétant des mots de colère et de prière contre un ministre qui refuse de prendre en considération leur malaise car ils n’ont pas d’autres choix. « Qui pourrait croire qu’un jour je me mette dans la peau du criminel pour acheter des manuels à mes petits ? Je sens comme si j’achetais du haschich ou du bango, pas des moyens éducatifs », s’indigne une mère, superviseur d’anglais au ministère de l’Education.

Doaa Khalifa

 




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