Al-Ahram Hebdo,Invité | Kofi Annan

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 Semaine du 22 au 28 septembre 2010, numéro 837

 

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Invité

L’ancien secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan, à l’origine des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) qui arrivent à échéance en 2015, fait le bilan de cette initiative en Afrique au moment où les dirigeants du monde clôturent, .ce mercredi à New York, une conférence de suivi.

« La révolution verte est en marche en Afrique »

Al-Ahram Hebdo : En tant que « père fondateur » des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), quel regard portez-vous sur le chemin parcouru ? Et quel impact la crise mondiale a-t-elle eu sur l’insécurité alimentaire qu’on observe un peu partout aujourd’hui ?

Kofi Annan : Lorsque nous avons lancé les OMD, nous avons délibérément fixé des objectifs ambitieux, car ils reflétaient l’engagement de la communauté internationale. Nous savions, dès le départ, que le défi serait difficile à relever. Dix ans plus tard, les priorités mondiales ont changé et l’ampleur de la crise économique est venue entraver les efforts fournis en vue de l’éradication de la pauvreté et de la faim, surtout en Afrique. Nous progressons lentement sur un terrain difficile, certes, mais cela ne signifie pas que nous soyons en train d’échouer. Partout en Afrique, de petits agriculteurs ouvrent la voie à un avenir plus vert et durable, grâce auquel le continent pourra nourrir lui-même sa population, mettre un terme à la pauvreté et même rendre l’agriculture rentable.

— Y a-t-il des exemples ?

Prenons le Malawi : ce pays produit, depuis quatre ans, l’intégralité du maïs qu’il consomme. Il a même rejoint le club des pays donateurs, puisqu’il octroie 10 000 tonnes métriques de maïs sous forme d’aides alimentaires au Swaziland et au Lesotho. L’année dernière, il a également exporté du maïs au Kenya. Les OMD représentent un but à atteindre pour la communauté internationale et une grande partie des avancées constatées aujourd’hui doit leur être attribuée en raison de leur caractère stimulant.

— Lorsque vous étiez secrétaire général des Nations-Unies, vous avez lancé un appel en faveur d’une « révolution verte en Afrique », en vue d’atteindre les OMD en 2015 et éliminer la pauvreté. Six ans plus tard, le Forum de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique, l’AGRA, qui s’est récemment tenu à Accra (Ghana) vous donne-t-il des raisons d’espérer ?

Ma réponse sera simple : oui ! Je constate chaque jour que la révolution verte est en marche en Afrique, et ses porte-drapeaux se sont rassemblés à Accra. Les agriculteurs suivent des formations et reçoivent des outils pour les aider à accroître leur production. Les sélectionneurs de semences découvrent de nouvelles variétés qui s’adaptent très bien aux environnements africains, uniques en leur genre. Les agriculteurs ont plus facilement accès aux engrais et à d’autres moyens de production qui leur permettent d’assainir les sols et d’améliorer les récoltes. Des partenariats sont également instaurés entre différentes communautés pour faciliter l’accès des agriculteurs au crédit, aux réseaux de négociants agricoles et aux marchés, ainsi que pour soutenir les politiques engagées par le gouvernement en vue de développer l’économie agricole.

— Le Ghana semble aller dans cette voie ...

Mon pays, le Ghana, s’emploie à essayer de nouvelles approches et fournit un bon exemple des progrès qu’il est possible de réaliser. Le gouvernement et ses partenaires, dont l’AGRA, font du développement agricole un enjeu de premier plan. Ils lancent des initiatives ambitieuses dans le but de faire du nord du Ghana le grenier à blé du pays.

— Comment comptez-vous soutenir les petits exploitants agricoles, particulièrement négligés au cours des dernières décennies ?

L’AGRA continuera à fournir un soutien financier et moral aux petits exploitants d’Afrique. Ils sont l’épine dorsale de la « révolution verte », et en négliger un revient à les négliger tous. Il est vrai que les petits agriculteurs sont nombreux à connaître des moments difficiles, mais l’AGRA travaille main dans la main avec les gouvernements africains, les investisseurs privés et la communauté internationale, pour veiller à ce qu’ils reçoivent les ressources et l’appui dont ils ont besoin.

— N’est-ce pas là un vœu pieux ?

J’ai pu le constater en partie au Mali, la semaine dernière, en rencontrant des agriculteurs de Sanankoroba et de Dialakoroba, qui m’ont eux-mêmes décrit comment leur niveau de vie s’améliore peu à peu depuis qu’ils ont accès à des semences à haut rendement et à des engrais. Ils cultivent de nouvelles variétés de sorgho, de maïs et de riz qui résistent à la sécheresse et aux maladies, ce qui augmente les rendements. Les organisations nationales de recherche agricole, les nouvelles entreprises de semences et les négociants agricoles interviennent tous dans cette évolution. Mais ce qui est encore plus important, c’est que j’ai pu constater leur foi en l’avenir, l’espoir qu’un soutien accru leur permettra, à eux et à leurs voisins, d’améliorer leur situation d’année en année. « Laisser tomber la houe pour le tracteur » : tel est leur désir pour demain. Nous continuerons à tout mettre en œuvre pour que les petits agriculteurs africains puissent réaliser leur rêve.

— Ne craignez-vous pas, en demandant le concours d’entrepreneurs privés, d’aggraver le phénomène de spoliation des terres — comme à Madagascar, etc. —, un phénomène analysé dans un récent rapport de la Banque mondiale ?

L’AGRA s’intéresse avant tout aux petits exploitants, et toutes ses politiques et mesures d’aide financière visent à les aider à nourrir leurs familles et leurs communautés et à améliorer leur situation. Ceci dit, introduire des changements porteurs d’une telle évolution nécessite d’énormes investissements, si on veut qu’ils portent leurs fruits rapidement. La superficie totale des terres arables du continent africain dépasse celle de l’Europe occidentale, des Etats-Unis, de la Chine et de l’Inde réunis. Et pourtant, la production agricole de l’Afrique est inférieure à celle de tout autre continent, et représente à peine 25 % de la moyenne mondiale, et près d’un tiers de la population africaine souffre de malnutrition. Les gouvernements, les entreprises privées, les organisations non lucratives et les institutions multilatérales doivent unir leurs efforts pour changer cet état de fait. Cela ne veut pas dire pour autant que cette évolution doive se faire à n’importe quel prix.

— Mais comment convaincre les Etats, à travers leurs politiques publiques, de protéger l’accès à la terre des plus démunis ?

De nombreux dirigeants africains montrent déjà la volonté d’aider les petits exploitants dans leur pays. Ce phénomène remonte à l’année 2003, lorsqu’ils ont pris une mesure importante en faveur de la révolution verte, en s’engageant à amener les investissements dans les activités agricoles à 10 % au moins de leur budget national. Plusieurs pays sont en bonne voie de tenir cette promesse, mais pas encore la totalité. Le Ghana a ainsi diminué la faim de 75 % depuis l’introduction des OMD. D’importants progrès ont également été enregistrés en Tanzanie, au Rwanda et au Malawi au niveau de la production alimentaire, grâce au soutien accru que ces pays octroient à l’agriculture. Là-bas comme ailleurs, les solutions qui fonctionnent suivent une même approche, fondée sur le respect des petits exploitants et sur l’aide qui leur est apportée.

— Quelle est cette recette ?

Il s’agit tout d’abord d’investir dans des moyens de production agricole améliorés, comme des semences à plus haut rendement et des engrais, et ensuite de les distribuer aux petits exploitants. Cela implique de créer des réseaux nationaux de détaillants et de négociants agricoles, qui peuvent à la fois fournir ces outils et apprendre aux agriculteurs à les utiliser efficacement. Cela implique de former une nouvelle génération de chercheurs, de sélectionneurs de semences et d’institutions d’accompagnement, dans le but d’introduire de nouvelles variétés de cultures. Cela implique de promouvoir, à tous les niveaux de pouvoir, des politiques visant à faciliter l’accès des agriculteurs au crédit et à améliorer la gestion des terres et des ressources en eau. Et cela implique enfin d’investir dans de nouvelles infrastructures, comme des routes, des centres de stockage et d’entreposage et des usines de transformation des denrées alimentaires.

Propos recueillis par  Antoinette Delafin  et Marie Joannidis (RFI)

 




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