A 40 ans, le chef libanais Richard Al-Khoury peut s’enorgueillir d’avoir mis
son empreinte dans le vaste monde culinaire, à l’intérieur du pays comme à
l’étranger.
Un chef en mouvement
Quand
nous l’avons rencontré, il enregistrait des émissions spéciales, la semaine de
la cuisine espagnole, juste au lendemain de la victoire des matadors au Mondial
2010, en guise de cadeau aux téléspectateurs de la chaîne locale et satellite
Al-Jadeed (NTV). La vérité est que depuis 2002, date de son entrée à NTV, le
chef Richard Al-Khoury, animateur du programme culinaire de la chaîne, ne cesse
d’innover. Son émission s’intitule Wala atyab (quoi de plus bon) et il doit
nécessairement avoir des recettes qui répondent à ces critères. D’ailleurs, un
plan est déjà dressé pour ce Ramadan avec quelque cinquante plats de soupe, des
mets orientaux et des desserts, bien sûr à sa propre manière. C’est-à-dire
simples, faciles à réaliser et rapides. Il présente quotidiennement deux plats,
un principal et un en accompagnement, salade ou autres, et nous emmène chaque
semaine, à partir du studio, en Europe ou dans son propre pays, mais la plupart
du temps, ce sont les fameux plats diététiques qui sont diffusés et auxquels il
accorde le plus d’importance ; même si son ramage ne ressemble pas à son
plumage. En effet, le chef libanais Richard Al-Khoury a des traits
sympathiques, un visage bon enfant, mais aussi des kilos qui ne peuvent pas du
tout passer inaperçus. En tout cas, un sourire avenant et une histoire bonne à
raconter nous attendent.
« Une
centaine de diplômes de l’Ecole hôtelière officielle de Dekouane (Beyrouth)
sont lancés chaque année sur le marché du travail », dit-il. Certains trouvent
rapidement un emploi à l’intérieur du pays, mais beaucoup d’autres partent dans
les pays du Golfe ou à l’étranger à la conquête de leur gagne-pain ou, plus
encore, de la gloire. Cependant, nombreux sont également ceux qui brillent dans
leur propre pays et ailleurs grâce à leur ambition et surtout leur amour du
métier, voire à leur passion de la cuisine. Le chef Richard fait partie de ce
dernier groupe. C’est un véritable passionné de cuisine, de la bonne, de la
meilleure. « Il faut toujours opter pour la qualité des mets et la propreté »,
pense-t-il. « Il est bien vrai ce proverbe qui dit : une âme saine dans un
corps sain, mais il ne faut pas oublier non plus qu’un corps sain réside dans
une alimentation saine », affirme-t-il. Le grand public le connaît bien à
travers son programme culinaire quotidien qu’il présente depuis 2002 sur la
chaîne locale et satellite Al-Jadeed (NTV). Mais sa popularité dépasse les
frontières de son pays, puisqu’il voyage continuellement et se fait connaître
et apprécier partout où il va. Ainsi il présente au Soudan Daimane amrine
(soyez toujours des hôtes accueillants) sur la chaîne Al-Nil al-azraq durant le
Ramadan 2009. Puis, la même année c’est Matbakh Rich qui est diffusé sur
Alaqariya TV à Dubaï et Al-Deera TV en Egypte. Et ce n’est pas tout. Il faut
dire que le chef Richard bouge continuellement. Il présente des plats aux noms
communs mais aux goûts bien propres. « Il faut savoir innover, variété fait
beauté », dit-il. De la cuisine traditionnelle libanaise à celle
internationale, en passant par l’européenne et la light sur laquelle il
s’attarde le plus, c’est tout un panorama qu’il offre à ses téléspectateurs,
n’hésitant pas à préparer les repas en plein air dans la nature verdoyante au
bord d’un ruisseau, accompagné d’invités, d’étudiants ou encore de
professionnels, notamment de diététiciens propriétaires de différents centres
spécialisés. C’est un chef ouvert à ce vaste monde du métier grâce à ses
compétences.
Cette
ouverture d’esprit et de cœur le mène à être l’invité de nombreux pays arabes,
notamment l’Egypte qu’il aime. Les téléspectateurs se rappellent l’émission qui
a remporté un grand succès : Najm al-chef (la vedette du chef), une sorte de
concours culinaire présenté sur MBC en 2006 et en 2007, regroupant trois chefs
qui devaient dresser, en 45 minutes, un menu complet. Et pas n’importe lequel.
Il fallait une bonne préparation, de la rapidité, de la créativité et du goût.
Né en
1970, cinq ans avant le début de la guerre civile meurtrière au Liban, Richard
fait ses études primaires au Collège des Saints-Cœurs, dans la localité du
Mont-Liban, à Aley. Son père Elias avait son commerce prospère dans cette
ville. « On menait la belle vie tous unis, chrétiens, musulmans, druzes et
arméniens. Mais la guerre a tout ravagé et nous a dispersés. L’échoppe brûlée,
la maison volée, il fallait quitter la région et trouver refuge dans des
endroits plus calmes. Et tout recommencer à zéro », dit-il avec amertume. Il
poursuit ses études secondaires dans la filiale de ce même collège mais à
Achrafieh, à Beyrouth, où la famille élit domicile. Il avait douze ans. La vie
reprend donc son cours normal en dépit des nombreux bombardements qui saccagent
la ville et font plusieurs morts devant ses yeux. La guerre le sépare également
de ses amis d’enfance partis l’un au Canada, l’autre en Egypte et un troisième
en Russie. « Malgré tout, une ambiance calme et chaleureuse règne toujours au
sein de la famille », dit-il. Sa maman Huguette dirige le foyer qu’elle possède
au centre-ville, en y accueillant des étudiantes de l’Université Saint-Joseph. Son
frère aîné Roger est avocat alors que sa sœur Rona est mariée et professeure de
lettres françaises en Arabie saoudite. Et lui, qu’a-t-il fait ? Il est tout
simplement tombé, alors qu’il était tout petit, amoureux de la cuisine et reste
peu enclin pour les études. « J’aidais ma mère à pétrir la pâte à pizza et
préparais de succulents sandwichs aux parents, voisins et amis », lance-t-il
gaiement. Les leçons de la guerre ? « Loin de tomber dans l’oubli,
rétorque-t-il, elle doit rester présente dans les esprits pour qu’on s’en
souvienne à jamais afin de ne pas retomber dans le même piège ». Tout en
ajoutant : « Des pauvres se sont enrichis alors que bien des riches se sont
appauvris. Une chose est sûre : la guerre a laissé des traces indélébiles, des
victimes innocentes qui ont perdu soit leurs parents, soit leurs enfants ». Richard,
lui, est resté fidèle à sa foi et à son destin.
Celui-ci
lui sourit quand il décroche, en 1988, son diplôme avec distinction de l’Ecole
hôtelière de Dekouane, à Beyrouth. Convaincu qu’il doit tout de même poursuivre
sa formation, il part la même année en France et obtient, en 1990, un diplôme
de l’Ecole hôtelière de Toulouse. Il se marie tôt à 22 ans avec sa bien-aimée
Marie-Essme et reçoit entre 1990 et 2002 le beau cadeau, à savoir le poste de
chef de la cuisine française au célèbre restaurant du Vieux Quartier à
Achrafieh, à Beyrouth. Durant cette époque, il est également chef exécutif à
l’hôtel Rotana de Beyrouth et gravit rapidement les échelons.
En
2002, il fait son entrée à NTV où il présente son programme quotidien, y compris
le dimanche, Wala atyab (quoi de plus bon) et Qanadil Beyrouth (les lanternes
de Beyrouth) durant le Ramadan. « Depuis, une tournée dans les pays arabes
m’attendait chaque année à cette même période ». Najm al-chef (la vedette du
chef) sur MBC, en 2006, Sabah al-kheir ya Arab (bonjour les Arabes) en 2008 sur
MBC 1 et Matbakh Rich sur la chaîne de Dubaï, Alaqariya TV. « Pour 2010, je
réserve une belle surprise aux téléspectateurs. Un programme copieux sera
présenté au Liban et au Moyen-Orient, puisque je serai l’ambassadeur de Kenwood
dans la région. La tournée sera très riche en concours et cadeaux-surprises »,
promet-il.
Ses
projets d’avenir ? Il répond : « De petits bouquins illustrés avec de bonnes
recettes faciles à préparer et surtout faciles à consulter ». Même s’il voyage
beaucoup, « c’est au Liban que je suis le plus à l’aise », assure-t-il. « Les
Libanais ont accroché avec un enthousiasme sans pareil les drapeaux de leurs
pays étrangers favoris pour le MondiaI. Sur les façades des maisons, sur leurs
voitures, etc. Ils oublient qu’ils doivent avoir tous un entrain pareil pour
leur propre pays et savoir défendre ses couleurs comme ils le font pour le
football », dit-il.
Non
seulement il représente dignement son pays, il l’adore aussi. « C’est ce
morceau du ciel éternisé par notre chanteur symbole Wadie Al-Safi »,
souligne-t-il. Mais le chef Richard a également un faible pour les lumières du
Caire qui l’attirent la nuit. « C’est une ville pleine de vie, une ville
lumière. Les Egyptiens ont un sens civique très développé. Ils sont tous unis
pour défendre l’honneur de leur pays », ajoute-t-il. Son autre faible ? Il
raffole des mets traditionnels égyptiens tels le kochari d’Abou-Tarek, le jus
de fruits de Farghali et les farcis de Ahd Al-Khalil au Khan. Et d’ajouter : «
A chaque Ramadan, je gagne automatiquement cinq kilos, soit un total de
cinquante durant dix ans ». Il estime qu’il doit perdre tout ce poids superflu
avec l’aide d’un centre diététique. Raison pour laquelle il réserve une bonne
partie de son programme à un régime sain sans toutefois être draconien. La
cuisine italienne le séduit, l’huile d’olive vierge est présente dans la
plupart de ses menus, mais « chaque pays a son charme et ses plats
particuliers. Au gré de la nature et avec les légumes frais des quatre saisons
», avance-t-il.
Cette
année, NTV lui a réservé une belle surprise le 21 juin. Pour lui rendre
hommage, la chaîne a invité son propre papa à participer à la préparation des
repas et ses enfants à lui offrir un grand gâteau et des bouquets de fleurs. «
Ce geste m’a vraiment touché et ému. Qu’il est bon d’aimer et de se sentir aimé
», remarque-t-il. Avec ses enfants Natacha, 16 ans, et Christopher, 14 ans, il
dialogue et il n’hésite pas à les accompagner au cinéma. A ses rares moments de
quiétude, il plonge dans la lecture des romans policiers d’Agatha Christie
ainsi que « des vieilles aventures égyptiennes de Loza, Atef, Takhtakh et le
chien Zangar ».
Le
vaste monde culinaire est le plus attirant et le plus proche à son cœur. Il lui
appartient. Tous deux ne font qu’un. Pour lui, « chaque pays a son charme en
matière de cuisine. Il faut savoir le relever et le révéler au public d’une
manière simple et facile ». C’est ainsi que ses émissions sont très variées, «
pour ne pas tomber dans la routine mais aussi et surtout pour empêcher les
enfants d’opter pour le fast-food », remarque-t-il. Et pour cela, rien de plus
facile. La femme doit toujours choisir des produits alimentaires de qualité et
travailler dans la propreté, avoir par exemple deux planches de travail, « la
première verte pour les légumes et la seconde rouge pour les viandes, car on ne
peut jamais avoir un corps sain que dans une alimentation saine »,
réitère-t-il. D’ailleurs, c’est le principe qu’il applique rigoureusement dans
sa vie privée et professionnelle. « On l’a appris à la maison et à l’Ecole
hôtelière de Dekouane », dit-il, avec son professeur qu’il cite fièrement, le
directeur des études appliquées, le chef Antoine Hajj (Visages n°721). En tout
cas, même si le chef Richard est bien gros, sa popularité est aussi grande vu
sa spontanéité et son charisme. Serait-ce la clé de son succès ?.
Mireille Bouabjian