Vol De Tableau .
Ancien palais exprimant un certain art de vivre de l’élite
égyptienne du début du XXe siècle, le musée Mahmoud Khalil,
d’une valeur exceptionnelle, reste malheureusement peu connu
des Egyptiens.
Un culte de l’art
Van
Gogh, Rodin, des toiles de Monet, Delacroix,
Toulouse-Lautrec, Gauguin, et même Picasso, un magnifique
musée situé dans un palais qui lui-même ne manque pas de
splendeur architecturale et donnant sur le Nil. Une
institution véritable ; mais qui la connaît au Caire, là où
elle se trouve ? Très peu. On n’en entend parler que lors
des vols. De quoi mettre en relief le peu de publicités que
fait le ministère de la Culture concernant un lieu fait de
trésors. La même attitude au sujet d’autres musées qui sont
tout aussi importants, mais que la bureaucratie et le peu
d’intérêt réel manifesté par les responsables ont mis à
l’ombre. Le musée Mohamad Mahmoud Khalil est d’une certaine
manière l’un des plus originaux d’Egypte. Il est
l’expression de toute une époque qu’on appelle celle de la «
nahda » ou renaissance
égyptienne faite d’ouverture sur la culture mondiale autant
que sur une reconnaissance des arts anciens nés sur les
rives du Nil. En fait, le musée au départ était le palais de
Mohamad Mahmoud Khalil, ancien ministre de l’Agriculture, et
son épouse française Emilienne Luce, construit en 1915. Sa
façade, qui est sur le Nil, est du style art nouveau,
répandu à l’époque d’un Caire cosmopolite. La façade
orientale est plutôt néoclassique. Une synthèse et une
harmonie de plusieurs styles reflétant une sorte de félicité
et de richesse. Quant à la façade nord, elle est marquée par
une grande fenêtre en vitraux colorés sertis de plomb,
représentant un paysage naturel. Elle est signée Lucien
Mette, Paris 1907.
C’est la collection personnelle de Mahmoud Khalil et son
épouse qui constitue les pièces du musée. Le palais était
habité par ce couple jusqu'en 1960. C’est selon le souhait
de cet ancien ministre et le testament de son épouse que le
palais est devenu un musée inauguré le 23 juillet 1962 et
portant le nom de ces deux amoureux et passionnés de l’art.
Le musée est donc l’expression d’une pensée et une vision
d’une partie de la classe aristocratique égyptienne
d’avant la Révolution. En effet,
Mahmoud Khalil a occupé plusieurs postes et fonctions,
ministre et même président du Sénat, il a joué un rôle
important dans la vie culturelle, il a parrainé le mouvement
des arts plastiques alors qu’il était président de la
Société des amis de l’art dont il a contribué à la création
en 1924. Il a contribué aussi à des échanges culturels entre
l’Egypte et la France au cours de la première moitié du XXe
siècle. En reconnaissance de son rôle, il a obtenu les plus
hautes décorations françaises.
D’ailleurs, sa passion française s’explique. Lorsqu’il a
débarqué à Paris en 1897, le notable Mahmoud Khalil a connu
le Paris des années folles. Passionné de beaux-arts, il
collectionne les tableaux de ses amis. D’où cette
impressionnante collection qui est un mélange aussi de
culture orientale et occidentale. Ce qui a fait que cet
immense palais de quatre étages, et construit sur une
superficie de 1 400 m2, abrite la collection d’art européen
la plus importante du Moyen-Orient.
Ainsi, une visite, maintenant difficile évidemment, permet
d’être au beau milieu d’un univers esthétique très raffiné.
A l’entrée du jardin, nous pouvons apercevoir une plaque en
marbre portant le nom du musée, entourée d’une superficie
verte. A la droite du jardin s’élève un centre de
restauration et d’entretien des tableaux. En grimpant
quelques escaliers, vous vous trouvez à la salle du premier
étage préservant plusieurs meubles et chaises ainsi que le
piano du propriétaire du palais au même endroit.
Quant à la bibliothèque, elle renferme environ 4 000 livres
et références artistiques que Mahmoud Khalil avait acquis.
Elle renferme également une salle de lecture et une autre de
conférences, en plus d’une banque de données en contact
direct avec la plupart des centres d’arts plastiques à
travers le monde.
Le nombre de tableaux à l’huile, au pastel, les aquarelles
et les dessins au palais atteint environ 304 tableaux
reproduits par 143 peintres, dont 30 faits par 9 peintres
égyptiens. Les statues en bronze, en marbre et en gypse
s’élèvent à 50 statues faites par 14 sculpteurs, dont deux
de Mohamad Hassan et une de Saïd Al-Sadr.
Un musée plein de trésors qui s’est trouvé sous les feux de
l’actualité pour des affaires de vol et qui mérite d’être
mieux connu, et surtout d’être mieux géré par les
responsables du ministère de la Culture.
Chaïmaa
Abdel-Hamid
Ahmed Loutfi