Produits Bios.
Une étude réalisée par une ONG met en doute l’authenticité
de ces produits en Egypte. Un constat troublant lorsqu’on
sait qu’ils sont vendus cinq fois le prix des autres
produits.
Un simple leurre
«
Les produits organiques en Egypte ne sont pas organiques !
». C’est l’alarmant constat dressé par une importante ONG
œuvrant dans le domaine de la protection des consommateurs,
Eïn Misr (les yeux de l’Egypte).
Dans un rapport publié cette semaine, l’ONG affirme avoir
analysé en laboratoire plusieurs produits biologiques en
vente sur le marché égyptien. Et surprise : « Aucun des
produits analysés comme les concombres, les haricots, la
menthe, la camomille, le thé vert, les pommes de terre, les
courgettes, les aubergines et le riz ne s’est avéré être
organique. Ces produits contiennent exactement les mêmes
taux de résidus de pesticides et de métaux lourds que les
produits non organiques », révèle la présidente de
l’association, Hanan Hilal.
Une conclusion hallucinante quand on sait qu’un produit
organique est vendu jusqu’à 5 fois le prix d’un produit non
organique. L’analyse effectuée par l’ONG montre que certains
produits manufacturés comme les jus de mangue et d’orange
contiennent des proportions élevées d’hormones et de plomb.
« Nous avons voulu savoir si les produits organiques
égyptiens sont conformes aux normes internationales, comme
le fait de ne pas contenir des produits chimiques ou de
restes de pesticides, ou de colorants artificiels, etc.
Malheureusement, les produits égyptiens sont très loin des
normes », ajoute Hanan Hilal.
L’agriculture biologique attache une importance particulière
à l’environnement, condition sine qua non à la préservation
d’une terre en bonne santé. Les produits alimentaires bios
sont censés être des produits de qualité. Ils sont vendus à
des prix très supérieurs à ceux des produits non bios. «
Pour mener notre étude, nous avons eu recours à une équipe
de spécialistes qui travaillent selon des normes
scientifiques et juridiques. En fait, notre but est de
protéger les consommateurs contre la fraude commerciale.
Nous avons reçu une série de questions par des citoyens qui
s’interrogeaient sur la réalité de ces produits et qui
voulaient savoir s’ils sont vraiment libres de produits
chimiques et de pesticides et s’ils sont conformes aux
normes internationales. C’est pour cette raison que nous
avons décidé de faire l’étude », explique la présidente de
l’association. Et d’expliquer que l’échantillon sur lequel a
porté l’étude comprend des produits de toutes sortes
présentés par les entreprises opérant dans le domaine des
produits organiques. « Nous avons acheté ces produits sur le
marché local et nous les avons encodés en présence de la
police de l’approvisionnement. L’analyse de cet échantillon
a eu lieu dans des laboratoires gouvernementaux accrédités
et d’autres privés pour être sûrs des résultats », explique
Hanan Hilal. A la fin, l’étude a
montré simplement qu’il n’existait pas de produits
organiques sur le marché local !
Si l’on croit les résultats de cette étude, dont la
crédibilité n’est pas contestée, le consommateur égyptien
est tout simplement induit en erreur. Il achète ces produits
à des prix élevés pour rien. Comment expliquer cette
situation et qui en est responsable?
Pas de normes et pas de responsable
Au ministère de l’Agriculture, on refuse simplement tout
commentaire. « Cela ne relève pas de la responsabilité du
ministère. Adressez-vous au ministère du Commerce », nous
dit-on. Après quelques recherches, on arrive à Saïd Al-Alfi,
responsable de la protection du consommateur au ministère du
Commerce. « Il faut savoir que l’essentiel de la production
organique est destiné à l’exportation. Donc, les sociétés
qui travaillent dans ce domaine se conforment aux normes du
pays de destination. Mais sur le plan local, il n’existe
aucune loi qui définit ce qui est organique ou ce qui ne
l’est pas », commente-t-il. C’est peut-être cette absence de
critère qui est à l’origine du problème. Car il est
impossible d’établir un contrôle sans mettre en place des
normes. Et en l’absence de celles-ci, certaines compagnies
se sentent « plus libres », réservant les produits de
qualité à l’exportation et écoulant sur le marché local des
produits qui ne sont pas tout à fait conformes aux critères.
Mamdouh
Aboul-Eich, directeur général d’Isis, filiale de la
compagnie Secam, opérant dans le domaine des produits
organiques, refuse pourtant de parler de duperie. «
L’absence de normes est un problème en Egypte. Si vous
n’avez pas de normes, vous ne pouvez demander des comptes à
personne », dit-il à Al-Ahram
Hebdo. Evoquant la production de sa compagnie,
Aboul-Eich refuse l’idée qu’elle
n’est pas conforme aux normes. « Le problème, une fois de
plus, est qu’il n’y a pas de normes. En ce qui concerne
notre production, elle est écoulée à 50 % en Europe,
essentiellement en Allemagne, et à 50 % en Egypte. Et c’est
la même production. Nous sommes donc tenus par les normes
allemandes. Nous exportons nos produits depuis 1980.
Actuellement, nous exportons vers le Japon qui est l’un des
pays les plus exigeants en matière de produits organiques »,
affirme Aboul-Eich.
L’agriculture organique a commencé en Egypte dans les années
1980 avec quelques cultures dans la région de
Bélbeis au gouvernorat de
Charqiya, à 60 km du nord du
Caire. Aujourd’hui, le secteur est en pleine expansion et le
nombre de fermes biologiques connaît une progression
constante. Les produits organiques englobent les légumes,
les fruits, les céréales et les légumineuses. Il existe
aussi des cultures bios de coton et de lin. D’autres
produits comme la viande et les volailles peuvent aussi être
bios. La production organique est censée être propre et
exempte de pollution. Malgré leur prix élevé, les produits
bios sont demandés.
Hussein Mansour, responsable à l’Organisme de la sécurité
alimentaire (organe gouvernemental créé récemment pour
assurer le contrôle des produits alimentaires en Egypte),
assure, lui, que le problème réside dans le système de
fonctionnement du secteur des produits biologiques. « Le
problème est que les fabricants de produits organiques sont
en même temps les commerçants. Ils jouent le rôle du
producteur et de l’inspecteur de contrôle et le gouvernement
est totalement absent », affirme-t-il. Il ajoute que la
quantité de produits sur le marché local est supérieure à la
capacité de l’Egypte, ce qui signifie qu’un certain nombre
de ces produits n’est pas organique. « Il faut créer une
entité gouvernementale qui contrôle ce domaine. Il est
nécessaire de faire la séparation entre les sociétés qui
produisent et celles qui commercialisent, et obliger les
supermarchés à se procurer des certificats d’authenticité
par les entreprises productrices », propose Mansour. Une
chose est certaine, le marché des produits organiques en
Egypte a besoin d’être régulé et contrôlé. Saïd Al-Alfi
affirme que la question est actuellement à l’étude au
ministère du Commerce. « Le ministère du Commerce va faire
le nécessaire pour établir une définition claire des
produits organiques sur le marché local. Les conclusions de
cette étude seront présentées à toutes les instances
concernées, comme le ministère du Commerce et de
l’Industrie, et l’Organisme de contrôle industriel, afin de
prendre les mesures nécessaires au renforcement des
procédures de contrôle et d’inspection et punir les
responsables des entreprises qui violent le droit du
consommateur », affirme-il Certains appellent quand même à
imposer des sanctions aux sociétés qui opèrent dans le
secteur. Car vendre des produits sous l’étiquette bio alors
qu’ils ne le sont pas relève de l’escroquerie.
Ola
Hamdi