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 Semaine du 1er au 7 septembre 2010, numéro 834

 

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Télévision. Deux feuilletons ramadanesques racontent les destins, plus ou moins tragiques, de deux reines égyptiennes : Cléopâtre et Nazli, permettant aux téléspectateurs de s’imprégner d’histoire à travers la fiction.

Deux reines, un seul malheur

Si le mois du Ramadan se caractérise cette année par le grand nombre de feuilletons diffusés, deux fictions étaient très attendues par les fans des œuvres historiques consacrées à ces deux reines égyptiennes : Cléopâtre et Nazli.

Les parallèles entre les deux feuilletons, diffusés à l’occasion du Ramadan, avec les sorts des deux protagonistes se dessinent naturellement. A travers leurs différentes héroïnes tout d’abord. Cléopâtre (campée par la Syrienne Soulaf Fawakherji) et Nazli (par l’Egyptienne Nadia Al-Guindi) sont deux femmes qui ont exercé le pouvoir et qui ont connu l’amour et les déceptions. Elles partagent ce don de l’ennui, du spleen luxueux et de la beauté mélancolique. Elles ont toutes les deux cet esprit de jeunes femmes qui ne veulent pas quitter leur coquetterie et leurs ambitions. Toutes les deux se recherchent, sans véritablement se retrouver. Elles sont toutes les deux amoureuses, plus ou moins infidèles par dépit, délaissées par des hommes quasi transparents.

Néanmoins, il est impossible de se borner à faire des comparaisons, tant chacune possède une certaine spécificité éclatante.

Commençons par le feuilleton le plus controversé, Cléopâtre. D’une production égyptienne au financement arabe, interprété par la comédienne syrienne Soulaf Fawakherji, qui a notamment interprété avec brio Asmahane durant un Ramadan passé, le feuilleton portant sur la légendaire reine d’Egypte Cléopâtre vient de provoquer la colère des théoriciens et des historiens. Réalisé par le Syrien Waël Ramadan — mari de l’héroïne —, le feuilleton s’est trouvé, dès son premier épisode, sujet à de vives critiques des historiens, avancés initialement par l’égyptologue Zahi Hawas, le secrétaire général du Conseil suprême des antiquités, qui n’a pas hésité à qualifier l’œuvre comme étant « de la stupidité historique qui déforme l’image de cette dernière reine égyptienne et falsifie l’histoire pharaonique ».

Visant à jeter la lumière sur la biographie de Cléopâtre, seizième reine de la dynastie ptolémaïque, cette œuvre dramatique a — d’après les égyptologues — commis certaines erreurs historiques, dont le décor qui renferme certaines pièces ottomanes et non ptolémaïques, le maquillage qui fait paraître les acteurs tout à fait loin de la réalité des personnages historiques abordés dans l’œuvre, l’interprétation de Soulaf Fawakherji et de plusieurs comédiens qui manque souvent de sincérité et de crédibilité, et avant tout, la véracité historique, parfois absente, à cause des événements fictifs qui se contredisent avec les faits historiques.

De sa part, l’équipe du feuilleton n’a pas cessé de déclarer son intention de « présenter une œuvre dramatique au fond historique et non pas l’histoire dans une fiction dramatique », réfute Tareq Siam, producteur du feuilleton.

En fait, le feuilleton fait la lumière autant sur la vie familiale et sentimentale de Cléopâtre que sur son exercice du pouvoir et sa réputation politique. Le téléspectateur est projeté dans l’univers d’une reine, d’une jeune fille née avec une cuillère en or dans la bouche. On comprend tout de suite que ce que le scénariste va décrire est très loin d’une œuvre purement historique.

Dans certains épisodes, on voit la légendaire reine d’Egypte versant des larmes et lançant des soupirs d’amour en pensant à son amoureux, dans des moments intimes. Ceci est bizarre pour les fans de cette reine connue par sa grande puissance et sa forte personnalité.

Loin du cadrage assez recherché, allant dans quelques scènes jusqu’à l’artificiel, ce qui double les barrières entre l’image et son récepteur, le feuilleton manque d’un certain éclat et d’une certaine richesse visuelle nécessaires pour ce genre d’œuvre historico-fictive. Et même si l’aspect historique risque, en effet, d’être désavoué comme l’objectif principal du scénario, on s’attendait à une œuvre plus riche, qui devait être à la hauteur de cette reine et de sa biographie très fertile pour les scénaristes.

Entre fiction et réalité

Autre grande femme de l’Histoire, incarnée également sur écran ce Ramadan, la reine Nazli, mère du roi Farouq et l’épouse de Hassanein pacha, ministre du Palais royal, et dont la vie est abordée également à travers le feuilleton Malika fil manfa (une reine à l’exil) écrit par Rawya Rached et Achraf Mohamad, et réalisé par le tandem Mohamad Zoheir Ragab et Waël Fahmi Abdel-Hamid.

Plongé de sa part dans une phase assez délicate et bien connue de l’histoire égyptienne, le feuilleton sur la reine mère Nazli n’a pas pu échapper aux critiques des historiens, soulignant cette fois-ci un nombre de faits dramatiques incertains historiquement.

De leur part, certains historiens ont été scandalisés par certaines retouches données par le feuilleton aux vérités historiques, critiquant également l’idée de commencer les événements de l’œuvre par le mariage de la reine Nazli avec le roi Ahmad Fouad au lieu de débuter cela par le départ de la reine en 1946, au lendemain de la mort de son mari le roi Fouad. D’après les spécialistes, ceci « s’oppose même au titre du feuilleton ! »

Dramatiquement parlant, l’œuvre semble être composée de tableaux autant que de scènes. Certes, c’était une bonne idée au départ : montrer que Nazli, malgré son rang noble, ses richesses et la somptuosité de son entourage, était une femme qui se sentait seule, une femme qui veut vivre selon la grandeur de ses sentiments. Mais fallait-il ennuyer le téléspectateur, afin de montrer que la reine est une personne qui déprime et s’ennuie ? Les tableaux passent parfois trop vite et de manière décousue, silencieuse, à partir du mariage de la reine jusqu’au début des souffrances sentimentales de la reine mère qui aspire à vivre sa propre vie, loin de la famille royale. Là, tout défile comme si la touche rapide de la télécommande était bloquée.

Tout en recourant à certaines vérités historiques, le portrait de Nazli reste toutefois désespérément vide et sans nouveau relief, alors que c’est sur sa personnalité que l’œuvre semblait vouloir mettre l’accent.

« Je n’ai pas de passion particulière pour les œuvres historiques, mais j’étais avide de concrétiser autrement le personnage de Nazli à l’écran, puisque je sens — comme toute l’équipe du feuilleton — qu’elle était victime des mauvaises langues et de ses ambitions qui se dirigeaient souvent vers le bien de son fils, le roi Farouq, même aux dépens parfois de sa joie et de la paix intérieure », explique la comédienne Nadia Al-Guindi. Et de conclure : « Elle n’est ni sainte, ni démon, mais une femme qui recherchait un équilibre entre sa vie privée et la vie de palais ».

Il s’agit plutôt d’une biographie très librement adaptée, et surtout presqu’aussi personnelle.

En bref, ces feuilletons s’obstinent malheureusement à retracer une vision qui ne correspond que rarement aux faits comme ils se sont déroulés réellement, prouvant qu’entre la réalité et la fiction, le chemin pourrait être bien long.

Yasser Moheb

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