Al-Ahram Hebdo, Enquête | L’adoption, une alternative à l’émigration clandestine

  Président
Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef exécutif
Hicham Mourad
  Conseiller de la rédaction
  Mohamed Salmawy

Nos Archives

 Semaine du 18 au 24 août 2010, numéro 832

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Nulle part ailleurs

  Invité

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Société

  Arts

  Idées

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Enquête

Emigration . Des villageois d’Aghour Al-Soghra, dans le gouvernorat de Qalioubiya, souffrant de chômage, ont trouvé un moyen pour envoyer leurs enfants en Italie : les faire adopter par des familles égyptiennes ou des proches installés dans ce pays.

L’adoption, une alternative à l’émigration clandestine

Aghour Al-Soghra, un petit village du gouvernorat de Qalioubiya, pas très loin du Caire. A l’entrée de l’agglomération, on aperçoit une dizaine de camions rangés sur les deux côtés de la route. Les conducteurs de ces camionnettes se roulent les pouces durant des heures et des heures, voire des journées entières, en attendant du travail. Au cours des dernières semaines, le travail dans le domaine du transport se fait rarissime. « Les gens préfèrent actuellement le toc-toc à nos camionnettes, ils les trouvent plus confortables et moins chers », explique Réda, un des chauffeurs, qui joue aux dominos avec ses collègues en attendant un client. « Nos camionnettes étaient le seul moyen de transport des marchandises et des gens, surtout les ouvriers et les journaliers. Mais les motos chinoises, qui se vendent à 2 ou 3 milles L.E., ont provoqué ce chômage », ajoute Réda. Le transport par camionnettes était une activité essentielle dans ce village où l’activité économique est basée sur l’agriculture. « Je ne possède pas de terrain agricole, mon père l’a vendu pour payer les frais d’émigration de mon grand frère. Travailler comme journalier ne peut pas subvenir aux besoins de ma famille. Nous ne possédons malheureusement pas d’autres activités économiques dans ce village. Il n’existe aucune compagnie ni usine pour absorber la main-d’œuvre. Je n’avais pas d’autre solution que d’acheter une camionnette à crédit pour pouvoir travailler », se plaint Taha Al-Sayed.

Avec le chômage et les pressions économiques, l’émigration, notamment en Italie, est devenue le rêve de tous les habitants du village, qu’ils soient jeunes ou âgés. Les villageois sont encouragés par les expériences réussies de la plupart des jeunes qui ont pu partir pour l’Italie clandestinement et qui sont revenus avec de grosses sommes d’argent pour acheter un terrain à cultiver, construire une maison style italien et se marier. Il est très facile de faire la distinction entre un homme qui vient d’Italie et les autres : son visage rayonne d’espoir, sa façon de s’habiller, bref, sa façon d’être est différente.

Une astuce : l’adoption

L’émigration clandestine vers l’Europe était donc le rêve des villageois. Mais comment partir ? L’émigration est soumise, depuis quelque temps, à un contrôle strict. Les habitants d’Aghour Al-Soghra ont trouvé une solution, une alternative à l’émigration clandestine : envoyer leurs enfants en Italie à travers l’adoption. Selon les mesures prises nouvellement en Italie visant à contrôler l’immigration clandestine, toute personne qui vit et travaille dans ce pays peut recevoir, par la voie de l’adoption légitime, un ou deux enfants de sa famille du premier ou du second degré âgés de moins de 18 ans. Et cette personne en serait totalement responsable. C’est ainsi que plusieurs familles ont eu recours à ce moyen pour y envoyer leurs enfants. Tout se passe légalement avec des documents certifiés par les autorités égyptiennes et italiennes. La procédure est simple. Le père de famille se présente au tribunal et renonce légalement à la tutelle de son fils. Le tribunal lui livre alors une attestation qu’il présente à l’ambassade d’Italie au Caire. Grâce à ce document, le père de famille peut légalement envoyer ses enfants en Italie auprès de familles adoptives dans ce pays. L’enfant est censé rester chez ses parents adoptifs et sous leur protection jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 16 ans et commence ensuite à travailler d’une manière légale après avoir reçu de l’Etat un permis de séjour. « Au lieu de payer des milliers de L.E. aux passeurs et d’exposer nos enfants au danger de la mer, nous les envoyons un peu tôt chez l’un de nos parents et ils attendent chez lui jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de travailler », dit Taha Abdel-Alim, un sexagénaire qui a trois jeunes enfants âgés de 13 à 16 ans. Il raconte qu’il a envoyé son fils aîné à son frère par le moyen d’adoption.

Depuis que le village a découvert cette procédure, tout le monde s’y est mis jusqu’au jour où le quotidien indépendant Al-Masry Al-Youm en a parlé. Le quotidien, qui a publié une enquête sur ce village, affirmait que les habitants vendent leurs enfants à des couples européens, dénonçant un trafic d’enfants. Cette enquête a provoqué la colère et l’indignation des villageois d’Aghour. « Nous ne vendons pas nos enfants, au contraire, nous essayons de leur assurer un bon avenir. En plus, ils poursuivent leurs études dans les écoles italiennes gratuitement, apprennent un métier et pourront ainsi obtenir facilement un travail. S’ils restent ici, ils n’auront rien et seront obligés, à un certain moment, de partir clandestinement, mais s’ils partent à leur tendre âge, ils n’auront pas recours à l’émigration clandestine », assure Mansour, un des villageois. Sobhi Emad, jeune professeur, se dit choqué depuis la publication de cette enquête. « Mes amis des autres villages et tous ceux qui me rencontrent et savent que j’appartiens à Aghour me regardent avec mépris et trouvent criminels les habitants de mon village, parce qu’ils vendent leurs enfants en échange d’une somme d’argent », explique Sobhi. Et d’ajouter qu’il n’est pas vrai que les habitants donnent leurs enfants en adoption à un étranger ou à un Européen, mais à un parent à qui on fait confiance. Il explique que contrairement à ce qu’a répandu l’enquête du quotidien, les villageois s’entraident pour l’intérêt des enfants.

Rapports et enquêtes

Le dossier est maintenant entre les mains des instances concernées. Mme Suzanne Moubarak a demandé un rapport détaillé sur cette affaire. Pour sa part, le ministre de la Justice, Ahmad Marei, a décidé de former un comité visant à enquêter sur les demandes de renonciation aux enfants présentées à la cour par certains parents. La ministre de la Famille et de la population, Mouchira Khattab, avait critiqué cet état de fait et le considère comme un trafic d’enfants, et avait demandé, ainsi que le gouverneur de Qalioubiya, Adli Hussein, au ministère de l’Intérieur de mener une large enquête à ce sujet. Ce dernier a procédé actuellement à une enquête. Aymane Al-Guindi, l’avocat qui a dévoilé l’affaire aux journalistes du quotidien Al-Masry Al-Youm, dément ses propres paroles, en assurant qu’il avait seulement expliqué aux journalistes que les cas d’adoption n’avaient eu lieu qu’entre les proches des premier et deuxième degrés. « L’adoption est le seul moyen légal pour que les autorités italiennes acceptent les immigrés. Cette astuce a pu mettre fin au phénomène de l’émigration clandestine ainsi qu’aux passeurs », conclut-il.

Sabah Sabet

Retour au sommaire

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Névine Kamel- Howaïda Salah -Thérèse Joseph - Héba Nasr
Assistant technique: Karim Farouk
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.