Rwanda .
Le président sortant Paul Kagamé doit être reconduit à la
tête du pays. Malgré de nombreux appels à rejeter les
résultats et la dénonciation par des organisations
d’opposition de l’absence de liberté et de violences
préélectorales, la communauté internationale n’a pas réagi.
Scrutin sans surprise
Comme
prévu, l’élection présidentielle du 9 août au Rwanda a bien
eu lieu. Les électeurs se sont déplacés parfois très tôt
pour choisir leur nouveau chef d’Etat parmi quatre
candidats. Quelque 5,2 millions de votants étaient attendus,
et le processus s’est déroulé de façon satisfaisante, selon
le secrétaire général de la Commission Electorale Nationale
(NEC), Charles Munyaneza, cité par l’AFP, sous la
surveillance de 1 400 observateurs, dont 214 internationaux.
Aucun incident n’a, en effet, été mentionné dans la nuit ou
à l’ouverture des bureaux. Et pour cause : tous les facteurs
de trouble possible étaient absents de ce scrutin :
opposants politiques assignés à résidence et sous le coup de
la justice ou assassinés, journaux suspendus. Rien ne
semblait pouvoir assombrir cette journée pour le grand
favori Paul Kagamé, dont l’élection ne fait plus de doute,
d’autant plus que le scrutin bénéficiait de la bienveillance
implicite de la communauté internationale.
La veille avait le goût d’une fête de victoire anticipée, et
le candidat est apparu très serein lors de ce dernier
meeting de campagne. Plusieurs dizaines de milliers de
personnes aux couleurs rouge, blanche et bleue du Front
Patriotique Rwandais (FPR, parti au pouvoir de Kagamé, ndlr)
s’étaient déplacées. Une foule en liesse qui clamait : «
Nous voterons pour toi, personne d’autre que toi ».
Il faut dire que le candidat, qui brigue un second mandat
est à l’origine d’un certain nombre de progrès dans le pays
depuis 16 ans de la modernisation et de l’agriculture à une
politique volontariste de développement économique basée sur
les nouvelles technologies et les services qui ont permis au
pays d’acquérir stabilité et croissance. C’est aussi à lui
que le Rwanda doit la mise en déroute des génocidaires
hutus, en 1994, conflit qui a fait près de 800 000 morts.
Pour ce scrutin, il a promis de « poursuivre la bataille
pour le développement ». Un programme qui a de quoi plaire,
d’autant plus qu’il s’adresse au plus grand nombre. « La
nouvelle politique au Rwanda, ce n’est pas la politique pour
les Hutus, les Tutsis ou les Twa, mais la politique pour
tous les Rwandais, scandait-il. La justice que j’ai mise en
place est pour tous les Rwandais, le système éducatif aussi
».
Kagamé ne fait pourtant pas l’unanimité. Formations
politiques d’opposition et organisations de défense des
droits de l’homme dénoncent un régime autoritaire de
répression des libertés, notamment d’expression et d’opinion
qui musèle l’opposition et la presse de façon croissante,
voire emploie la violence. Les autorités rwandaises ont
néanmoins démenti toute implication dans les assassinats des
derniers mois et ils expliquent les arrestations et les
suspensions de journaux par leur non-respect des lois en
vigueur.
Mais rien n’est venu empêcher la tenue du scrutin. Samedi
dernier, le parti de l’opposition des Forces Démocratiques
Unifiées (FDU) avait pourtant appelé une dizaine de pays
ainsi que les Nations-Unies, l’Union africaine, l’Union
européenne et le Commonwealth à faire pression pour reporter
le scrutin. La formation politique exprimait, dans un
communiqué, son souhait que les opposants, notamment sa
présidente Victoire Ingabire, se voient « octroyer la
liberté de mouvement sans condition et sans délai », et que
soit reconnue la légalité des partis politiques d’opposition
(qui n’ont pas obtenu le droit de s’enregistrer pour
proposer un candidat, car ils ne remplissaient pas les
conditions, selon les autorités rwandaises, ndlr) afin que
tous ceux « qui le désirent puissent participer à cette
compétition politique ». Objectif, selon les FDU : « donner
une ultime chance au processus démocratique et prévenir la
violence » au Rwanda. De même, les rebelles hutus des Forces
Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) avaient appelé
à rejeter par avance les résultats de l’élection.
Si certains pays ont dénoncé « la répression préélectorale
», la communauté internationale semble, malgré tout, sourde
aux revendications libératoires, soutenant Kagamé pour les
changements positifs apportés au Rwanda. Pourtant, il est à
craindre que des frustrations nées au sein de l’opposition,
chez certains éléments de l’élite politique et dans une
partie de la population en raison du népotisme ambiant, ne
finissent par inverser la tendance et déstabiliser le pays.
Un processus peut-être déjà en cours : le parti au pouvoir
est actuellement en proie à des dissensions .
Sandra Gérard