Certains la préfèrent stérile
Abdel-Moneim Saïd
Dans
mon article de la semaine dernière, je craignais d’aborder
le dossier épineux de l’immobilier des terrains, du
développement urbain et de leurs enjeux. Ce dossier miné est
naturellement imbriqué avec d’autres dossiers tout aussi
enchevêtrés. Mais ce dont à quoi je ne m’attendais pas en
abordant ces problèmes épineux ne sachant quand est-ce
qu’ils vont se déclencher, c’est de me retrouver face à un
groupe de francs-tireurs qui ont décidé de me cibler pour
des raisons qui ont, ou qui n’ont pas, de relation avec le
sujet même.
Cependant, les problèmes de
la presse et de la déontologie ne sont pas notre sujet, mais
c’est surtout le développement urbain. J’ai été attiré par
une manchette, selon laquelle les membres du PND (Parti
National Démocrate, au pouvoir) se sont mis d’accord avec
des sociétés étrangères pour déminer le Sahara occidental à
condition que le PND s’approprie ces terrains plus tard.
L’écrivain était dans un état de furie, non pas parce que le
désert mentionné contient toujours des mines qui remontent à
plus de 6 décennies, portant gravement atteinte aux citoyens
égyptiens, et non pas parce que cette terre stérile est
demeurée telle quelle depuis des lustres, mais parce que les
terres seront la propriété des membres du PND. Bien que
l’information ne soit pas correcte et que le PND n’ait rien
à avoir avec cette affaire. Sauf qu’un de ses ministères a
élaboré un plan de développement de la Côte-Nord jusqu’au
Sahara occidental, ce qui réaliserait incontestablement une
énorme révolution élargissant l’espace de construction et
d’investissement.
En fait, cette polémique
reflète toute la crise de l’Egypte et la persistance du
cercle vicieux de l’arriération. La divergence dans son
essence, quelles que soient les expressions et les paroles
injurieuses utilisées ou celles hors contexte, demeure la
même et réside en la question de la fortune et sa
distribution. Une équation qui, à mon avis, a maintenu
toujours l’Egypte en dehors des rangs des pays développés
toutes ces années.
Le crime réel qui a lieu
sur la terre de l’Egypte n’est pas celui que l’on suit dans
les tribunaux, mais plutôt dans le nombre des chances
perdues et leurs coûts. Quels que soient les crimes qui se
rapportent à l’immobilier, c’est la justice égyptienne qui
les tranchera, seulement qui émettra un jugement sur le
million de km2 de terres qui demeurent désertes et non
exploitées, vides d’investissement, d’urbanisation, de
commerce, d’agriculture, d’industrie, de tourisme ou d’une
quelconque activité humaine.
Prenons l’exemple
d’Al-Sadate qui a entamé les premiers pas dans le sens de
l’ouverture économique. Un mouvement qui tantôt s’accélérait
et tantôt ralentissait et qui s’est étendu une fois vers la
Côte-Nord, une autre fois vers le Sud-Sinaï, tantôt sur les
rives de la mer Rouge et aux abords des grandes villes et
cités et tantôt vers les capitales des gouvernorats.
Aujourd’hui, on compte en Egypte 33 nouvelles villes dont le
nombre d’habitants équivaut à celui du Danemark et de
l’Autriche et qui dépasse celui de la Jordanie par exemple.
Au cours de cette démarche,
les moyens et les voies se sont multipliés. Lorsque l’Etat a
commencé à édifier des villages sur la Côte-Nord et à
l’ombre des accusations que les unités de logement ont
accordées à ses bureaucrates, il a été attribué à tous les
syndicats égyptiens des superficies pour construire leurs
villages touristiques.
Bref, l’activité accélérée
que connaît aujourd’hui la Côte-Nord est semblable à des
expériences qui lui sont ultérieures sur la mer Rouge, sur
le golfe de Suez et de Aqaba, là où ce merveilleux mélange a
donné naissance à des emplacements égyptiens exceptionnels
sur la carte géographique mondiale, comme Charm Al-Cheikh,
Hurghada et Marsa Alam.
La banque Al-Ahli avait
élaboré une étude pour la fondation Al-Ahram sur les
conjonctures économiques sur la mer Rouge, qui se sont
avérées être stupéfiantes sur tous les points. D’autant plus
que l’évolution qu’ont connue ces régions s’est faite dans
un court laps de temps. Par exemple, Hurghada, Gouna,
Magawich et Sahl Hachich comptent 169 hôtels.
Pour entraver n’importe
quel progrès, l’accusation est toujours prête, celle disant
que de tels projets d’urbanisation ne sont pas orientés vers
les pauvres et les couches à revenus limités. Bien que tout
le processus de développement urbain assimile 8 millions
d’habitants, c’est-à-dire environ 31 % du volume de la
main-d’œuvre en Egypte. Tel que mentionné dans mon précédent
article, la distribution de l’évolution immobilière en
Egypte est destinée à 5 % des riches, 35 % de la classe
moyenne et 60 % des couches à revenus limités.
D’ailleurs, il existe une
maxime très courante en Egypte, selon laquelle les sociétés
immobilières sont destinées aux riches, alors que c’est
l’Etat qui s’occupe des pauvres. Cependant, ceci ne reflète
en rien la réalité. Surtout que selon l’Organisme central de
la mobilisation générale et des statistiques, en 2008-2009,
l’Etat a construit 3 383 unités de logements à coûts réduits
et 29 222 unités économiques. Alors que le secteur privé a
construit 47 230 unités de logements. A un moment où l’Etat
a construit des unités moyennes au nombre de 1 299, le
secteur privé en a construit 54 514. Même les logements de
Zeinhom, construits sous l’égide de la première Dame
d’Egypte, Mme Suzanne Moubarak, ils l’ont été sous
l’initiative du secteur privé sous la direction de Dr
Ibrahim Kamel.
Ainsi, il va sans dire que
le fond de la question se rapporte au processus de
développement en Egypte. Ce sont des compagnies égyptiennes
dirigées par des Egyptiens, et dans lesquelles la
main-d’œuvre est égyptienne, qui édifient des projets
rentables et profitables pour les Egyptiens. Une fois que
les projets prendront fin, aucun d’eux ne volera un
gouvernorat, une ville ou une plage avec lui à l’étranger,
si les personnes qui recourent aux injures et aux mots
éloquents et provocateurs parviennent à les chasser.
Une dernière fois,
l’histoire ne nous demandera pas des comptes pour les
erreurs que nous avons commises ou que d’aucuns ont commises
pendant ce processus de développement, et qui seront
d’ailleurs tranchées par la justice. Mais elle nous
demandera des comptes pour avoir laissé la terre d’Egypte
stérile sans construction ni développement urbain. C’est là
que réside le problème.