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 Semaine du 14 au 22 juillet 2010, numéro 827

 

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Idées
 

Islam et Modernité

Al-Ahram Hebdo publie un extrait d’un article de Nasr Hamed Abou-Zeid, paru dans la revue Panoramiques en 2001.

 

1. L’islam en contexte :

L’émergence de l’islam apportait une solution à l’impasse que connaissait le monde au VIIe siècle, telle qu’illustrée par la situation dans la péninsule arabique. Le monde était divisé entre les deux empires rivaux, romain et perse. Les frontières nord de l’Arabie étaient contrôlées par deux Etats vassaux, faisant chacun allégeance à l’une des deux puissances. La fonction principale de ces états était de maintenir les Arabes à l’intérieur de la presqu’île, afin de protéger les frontières des deux empires et leurs routes de commerce. Etant forcées de compter uniquement sur leurs rarissimes ressources, les tribus arabes se sont engagées entre elles dans des conflits sanglants, autour des sources d’eau.

Une situation similaire régnait en Europe, au Moyen Age. Dans son livre sur Mohammed et Charlemagne (1939), l’historien belge Henri Pirenne estime qu’à cause de la puissance de l’islam, l’Europe était contrainte de se replier sur elle-même et de se livrer à un conflit interne sanglant, non à la rareté des ressources en eau, mais bien au contraire, à son abondance : le sol fertile et les pâturages étant les facteurs principaux de la division de l’Europe en domaines privés, pendant la période agraire de son histoire. Cette dynamique interne a trouvé son issue, selon Pirenne, dans la Réforme et la Renaissance.

En d’autres termes, nous appliquons la thèse de Pirenne à l’Arabie du VIIe. Les luttes sanglantes dans un espace géographique fermé ont abouti à l’émergence d’une structure sociale et éthique que nous connaissons aujourd’hui sous le nom d’islam. La guerre rendait nécessaire l’instauration d’un système juridique et d’un code pénal, afin de mettre un certain ordre dans la réalité chaotique de la péninsule. Je prétends que ces facteurs sociaux ont rendu possible, voire prédéterminé, l’islam.

Aussi est-il compréhensible que l’islam assimile de nombreuses traditions de la péninsule arabique et négocie, voire fasse des compromis avec ces coutumes. Ainsi, « les mois sacrés », les combats étaient interdits, ont été reconnus et respectés, afin d’assurer un minimum de sécurité pour les routes du commerce. Nouvel ordre social et éthique, l’islam tentait de régler la situation critique des Arabes tout en demeurant à l’écoute de leur histoire et leurs traditions. Comme toute religion et tout système de pensée, l’islam est intimement lié au travail de l’histoire.

Je voudrais souligner que l’islam est une religion extrêmement intéressée par la politique et par les conditions de vie des masses. Il avait à l’époque ouvert la voie à « la libre pensée », et avait plaidé pour la réflexion rationnelle. Certes, cette tendance sociale a valu à l’islam le respect de l’idéalisme historique allemand, depuis Hegel jusqu’à Max Weber, mais également l’indulgence du matérialisme de Marx. Tous ont évoqué le rationalisme de l’islam qui a promu un cachet social et qui a instauré un ordre juridique dans une situation tribale chaotique. Dans L’idéologie allemande, Marx fustige la religion, parce que trop orientée vers le ciel, laissant le monde sans secours. En revanche, grâce à ses législations et ses orientations politique et sociale égalitaire, l’islam exerce une fascination sur nombre d’intellectuels de gauche, y compris certains marxistes.

L’islam est un système opérant sur différents plans, qui parfois se chevauchent. Au niveau de la foi, l’islam a proposé la notion d’un « Dieu unique transcendant », pour remplacer les divinités tribales : une seule vérité, justice pour tous. Au niveau social, « la communauté des croyants » a été substituée à l’ethos social tribal. Au niveau éthique, la « conduite rationnelle » individuelle était supposée devenir la norme, le lien entre l’individu et la communauté devait ainsi se fonder sur une compréhension idéologique rationnelle pour remplacer la loyauté absolue vouée aux appartenances tribales, système taxé par l’islam de Jahiliyah (ignorance ou époque d’obscurantisme). Au niveau intellectuel, l’islam a ouvert la porte à la « libre pensée », plaidant en faveur d’un raisonnement rationnel et condamnant l’adoption aveugle des traditions tribales antiques. En plus de son nouvel enseignement, l’islam a assimilé la plupart des institutions sociales et religieuses qui lui préexistaient, tel que le haj, pèlerinage de La Mecque. Quant à l’Histoire, l’islam a reconstruit tous les récits oraux de l’Antiquité dans le but d’y replacer son message comme le plus élevé, le plus complet et le dernier de la série des messages de Dieu. L’islam a mis en relief sa critique des écritures déjà existantes, dans le judaïsme et le christianisme, afin d’intégrer leurs adeptes dans la communauté musulmane. Il n’était donc pas une croyance uniquement spirituelle ou une simple idéologie expliquant le monde, mais une idéologie visant à changer celui-ci. Marx disait que la mission de la philosophie avait toujours été d’interpréter le monde, et que désormais, son objectif principal serait de le changer. Cette réflexion nous permet de mesurer l’ampleur de la nature révolutionnaire de l’islam. Cette nature enflammée n’a pas été sans lui valoir nombre d’ennemis, ce qui n’enlève rien à son crédit Par Nasr Abou-Zeid.

Traduction de Walid Al-Khachab.

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Sur les traces d’Averroès

Le parcours de Nasr Hamed Abou-Zeid (né en 1943) a été souvent comparé à celui du philosophe Averroès, le penseur islamique prêcheur du courant du rationalisme qui a connu la persécution et l’interdiction de la philosophie à son époque. Tandis que Nasr Abou-Zeid a été privé de la promotion académique pour sa thèse en études islamiques à la faculté des lettres arabes, à l’Université du Caire en 1993 (lire l’Hebdo n°826). Avoir osé discuter le discours coranique et se libérer du pouvoir du texte lui ont valu une accusation d’apostasie et un verdict de séparation de sa femme, ce qui l’a obligé de quitter le pays et de partir aux Pays-Bas et lui a permis d’être apprécié dans les cercles académiques européens. Parmi ses œuvres : Naqd al-khitab al-dini (la critique du discours religieux) et Al-Tafkir fi zaman al-takfir (penser au temps de l’apostasie).

Dina Kabil

 

 




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