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 Semaine du 14 au 22 juillet 2010, numéro 827

 

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Dossier

Religion . La mort du penseur Nasr Hamed Abou-Zeid, une des plus illustres victimes de la hesba, met en relief le maintien d’une juridiction peu propice à la liberté de penser et qui continue à harceler écrivains et intellectuels.

L’épée de la hesba toujours tranchante

L’homme avait déchaîné les passions en Egypte après sa fameuse « critique du discours religieux », qui lui vaut une condamnation pour « crime d’apostasie ». C’était, il y a 15 ans, Nasr Hamed Abou-Zeid qui a demandé à aborder le Coran comme un discours vertical en tentant de l’analyser en tant que « texte lié à un contexte et à une époque précise ». Il est condamné alors à se séparer de son épouse Ebtihal Younès, ne pouvant être mariée à un apostat. Les deux vont se faire exiler aux Pays-Bas pour échapper à la hesba. Ce droit, garanti par la loi, donne à tout croyant le droit de poursuivre en justice n’importe quel citoyen pour défendre les valeurs de l’islam. Un collectif d’avocats accusait alors Abou-Zeid d’hérésie. On ne badine pas avec la religion dans un pays où la grande majorité des habitants, musulmans ou coptes, sont fervents de leur religion dont ils pratiquent les règles même dans la plupart des gestes du quotidien et non pas par la seule pensée.

Même si la loi a été modifiée par le gouvernement 3 ans après la condamnation de l’intellectuel égyptien, des brèches dans la législation permettent une chasse aux intellectuels. Des écrivains, cinéastes, artistes et critiques vont défiler à tour de rôle dans les cours de la justice, poursuivis par, souvent, les mêmes avocats. Des noms comme Youssef Chahine pour son film Al-Mohaguer (l’émigré), qui finit par être retiré des salles de cinéma, Inès Al-Dégheidi, qui est condamnée à 50 coups de fouet, le poète Abdel-Moeti Hégazi dont on juge le poème de blasphématoire, le critique et fonctionnaire du ministère de la Culture Gaber Asfour, les exemples ne manquent pas. Et ces péripéties sont toujours présentes. Ils sont tous accusés d’apostasie et souvent condamnés, mais la peine est non exécutée, d’autres affaires sont abandonnées pour des raisons de « procédure ».

La très polémique Nawal Al-Saadawi lève encore la barre. Elle déclare que le pèlerinage à La Mecque faisait partie du « paganisme ». Elle s’oppose aussi à la loi sur l’héritage, inspirée de la charia et accordant à la femme la moitié de la part de l’homme. Des propos jugés anti-islamiques par le grand mufti d’Egypte, et qui lui valent un nouveau procès intenté par le fameux avocat, spécialiste dans ce genre de procès, Nabih Al-Wahch (lire entretien).

Saadeddine Ibrahim, réfugié aux Etats-Unis, subit le même sort avant d’être acquitté. Mais la censure qui lui est imposée est plutôt politique. Le système coercitif se nourrit des mêmes conceptions. Une censure religieuse qui inspire aussi bien les chrétiens, à l’instar de celui qui s’en est pris à l’écrivain Youssef Zidane, pour ses écrits sur les moines dans Azazil par exemple.

C’est la lutte entre un esprit moderniste et ouvert et un autre tyrannique et coercitif qui se sert de la religion. L’exemple historique le plus patent date de l’époque dite de la nahda ; une forme de censure, souvent exercée aux prétextes d’atteinte à l’islam, d’« humiliation » du prophète ou de Dieu ou d’infraction à la charia. Ainsi, en 1925, le cheikh d’Al-Azhar Ali Abdel-Razeq est radié de l’université et interdit de publication par ses propres collègues, parce qu’il a proposé de séparer la religion de l’Etat. Son livre incriminé, Islam et principes de gouvernement, est interdit pour hérésie. Celui-ci, en fait, dénonçait le maintien du système du califat, notamment après la chute de l’Empire ottoman qui a rendu ce système obsolète. L’année d’après, c’est l’affaire la plus retentissante avec l’interdiction du livre de Taha Hussein, La poésie pré-islamique. L’écrivain est expulsé en 1931 de l’université par le ministre de l’Education. C’est en fait l’affaire la plus retentissante, et celle de Nasr Hamed Abou-Zeid lui est souvent comparée. C’est l’exemple qu’on cite quand il est sujet de hesba aujourd’hui.

L’affaire des Mille et une nuits

Mais l’affaire la plus récente est tout aussi significative. Elle remonte à il y a deux mois. Là aussi, « un groupe d’avocats » dépose une plainte auprès du Parquet appelant à interdire le fameux recueil des Mille et une nuits, s’appuyant sur l’article 178 du code pénal qui punit d’amendes et de deux ans de prison la publication de textes indécents.

Le tout se mélange, la hesba, aux textes qualifiés d’indécents, le mépris de la religion. Sur le fond, rappellent les spécialistes, la hesba n’existait ni aux temps du prophète Mohamad ni à ceux de ses compagnons, et lorsqu’elle surgit après l’époque des Omeyyades, c’était surtout une « hesba des marchés », soit une sorte de protection des consommateurs contre la hausse des prix et le monopole des marchandises. Bizarrement, ce n’est qu’après la chute du califat islamique que la hesba religieuse éclôt et devient synonyme d’accusation d’apostasie.

Les militants des droits de l’homme tirent la sonnette d’alarme. Le Réseau arabe pour l’information sur les droits de l’homme exprime « sa profonde inquiétude concernant le phénomène accéléré des affaires de la hesba, qui vise la liberté d’expression, soit sur le plan religieux ou intellectuel, de l’échelle politique ou artistique » (lire page 5).

Le Réseau réitère sa demande de réviser la structure juridique qui permet aux tribunaux d’accepter ce genre de cas.

Mais si les organisations des droits de l’homme se disent préoccupées, l’Etat égyptien, qui dit vouloir combattre le radicalisme religieux, ne lève pas le doigt. Les ONG estiment que la « faible réaction » du gouvernement face à la hesba encourage plus de citoyens et les avocats de déposer des centaines de cas de hesba contre des écrivains, des journalistes et des militants « en mal de publicité ou de l’attention gouvernementale, ou tout simplement d’être des fanatiques religieux ».

Ce sont les réalités complexes de la société égyptienne qui éprouve du mal à gérer son rapport avec la religion. Une dynamique d’islamisation et de conservatisme chrétien qui semble investir de haut en bas la société égyptienne.

Vrai, d’autant plus que dans certains cas, ce sont des membres de la classe dirigeante qui se montrent parfois plus islamistes que les islamistes, et vont, eux, poursuivre les intellectuels par l’épée de la hesba.

Le vrai problème pourtant c’est qu’il n’existe pas de véritable débat sur ces points de « droit et liberté intellectuelle » et sur les « valeurs de la société et principes de la religion ».

Samar Al-Gamal

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