Etats-unis - Russie
.
L’échange
d’agents secrets n’est
plus ce
qu’il était.
Il se fait désormais en
plein jour,
démontrant que la guerre
froide
est
définitivement révolue.
Nouvelle
époque, nouveaux procédés
Espions,
renseignement,
échange … On se
croirait
revenu au temps de la guerre
froide, un
peu comme
si elle
n’avait
jamais vraiment
pris fin.
Mais vendredi dernier,
Russie et
Etats-Unis
ont procédé
à l’échange
des 10 supposés agents secrets
russes,
arrêtés en juin aux
Etats-Unis, et de
quatre
espions américains
d’origine
russe, à
Vienne. Ce
procédé
est
désormais symbole
du «
redémarrage » effectif
des relations diplomatiques
entre les
deux pays longtemps
ennemis.
C’est
à bord
d’un Boeing 767 que les
dix
agents expulsés des
Etats-Unis
sont arrivés
sur le tarmac
d’une piste
de l’aéroport de
Vienne.
Parmi eux, Anna Chapman,
jeune
rousse de 28 ans. Elle, qui se
prétendait entrepreneuse
dans
l’immobilier, était
surtout
connue pour les détails
de sa vie
sexuelle dont les
médias
avaient fait leurs choux
gras après les
révélations de son ex-mari.
Les « Dix », comme les a
surnommés la
presse
américaine, étaient
inculpés pour «
avoir
comploté comme agents
secrets aux Etats-Unis pour le
compte de la
Fédération de
Russie ».
Neuf d’entre
eux
l’étaient également pour
blanchiment.
Pourtant,
vendredi, alors
que les
poursuites contre
eux ont
été
abandonnées,
ils
ont rejoint
l’avion du
ministère
russe des Situations d’urgence.
L’échange
s’est
déroulé selon les
termes
prévus.
Contre les « Dix »,
quatre
agents russes,
dont
l’expert en armement,
Igor Soutiaguine,
sont remis
aux autorités
américaines.
Graciés
jeudi soir par le
président
russe Dimitri
Medvedev,
ils avaient
été
condamnés en Russie
à
différentes peines,
allant de 13
à 18 ans
de prison, pour espionnage au
profit de Washington et de Londres.
Curieusement, le
quatrième
homme est
Guennadi
Vassilenko, ancien agent
du KGB
reconverti dans la
sécurité
privée et condamné
à trois
ans pour des
délits sans rapport avec
l’univers
du renseignement.
Côté russe
et côté
américain,
tous les espions
ont reconnu
leur
culpabilité. Selon
un haut
responsable américain,
cité par
l’AFP sous
couvert
d’anonymat, les quatre
n’ont « eu
d’autre
choix » que
celui de signer des
aveux
contre leur
liberté.
Le
démantèlement d’un réseau
russe
d’espions par les autorités
américaines,
à l’origine
de cet
accord, avait
pourtant
créé quelques
remous dans
les relations entre
Etats-Unis et
Russie.
Alors que le
président
Medvedev venait
d’effectuer
une visite de
deux jours
aux Etats-Unis pour
approfondir les relations
économiques,
signe
positif
dans le rapprochement, l’affaire
a provoqué la suspicion
parmi les
Américains. Et la colère
russe
: « De telles actions
sont
infondées et malintentionnées
», avait
dénoncé la diplomatie
du pays,
évoquant les arrestations
et le discours qui les a
accompagnées.
L’affaire
est
embarrassante pour les
deux
protagonistes et la politique
extérieure
qu’ils mènent
l’un envers
l’autre.
Pourtant, d’une
manière
assez surprenante,
ils
s’en
saisissent pour en faire le
témoin de leur engagement
et de leur
capacité à
traiter ensemble.
Avec succès.
En quelques
jours seulement (les «
Dix » ont
été arrêtés le 27
juin,
l’échange a eu lieu le 9
juillet, NDLR), les
termes de
l’échange sont
fixés et
approuvés par les
deux Etats.
« La décision
empressée et
inattendue (d’organiser
l’échange
d’agents, NDLR) témoigne
avant tout
du fait que les
deux camps
ne veulent pas
gâcher
leurs relations à cause
du scandale
d’espionnage »,
explique
Viatcheslav Nikonov,
président
du centre d’analyse
Politika,
cité par l’agence de
presse
Interfax.
Surveillance
russe
peu dangereuse
La
tâche n’était
pourtant pas
aisée et
nécessitait des
compromis de part et
d’autre. Les
Etats-Unis
n’ont fait libérer
que quatre
agents, mais
ce
sont « de
très bons
espions »
selon le vice-président
américain, Joe
Biden, qui
s’exprimait vendredi
lors de
l’émission The Tonight Show With Jay Leno.
Et ont
dû passer
sur le fait qu’une
surveillance russe,
bien que
peu
dangereuse selon les
apparences,
opérait sur
leur
territoire. Tandis
que les « Dix »,
obtenus en
contrepartie par Moscou,
sont
largement décriés pour
leur
amateurisme
: communication en morse
ou à
l’encre invisible,
utilisation de gadgets,
échange de sacs
identiques pour transmission de
faux passeports, etc. «
Cela a
l’air d’une farce.
Soit
ce n’est
pas de l’espionnage,
soit les
espions ont
travaillé par
dessus la
jambe », estime
Mikhaïl
Lioubimov, colonel du
service des renseignements
extérieurs
dans le quotidien
populaire
Komsomolskaïa Pravda.
Mais
l’enjeu
était de taille.
Symbole principal de
ce
rapprochement, l’accord Start
sur la
réduction de l’arsenal
nucléaire
stratégique des pays, signé
en avril par les
deux parties,
est débattu
en ce moment au
Sénat
américain. Une
montée de tension
aurait pu
compromettre
sa ratification et
servir les
milieux conservateurs
anti-Russie,
d’ailleurs
accusés par des experts russes
d’avoir
voulu porter un coup à la
politique
du président
Obama en
surmédiatisant le démantèlement
du réseau
d’espions
quelques jours
seulement après la venue,
à des fins
économiques, de M. Medvedev.
Mais «
cet accord
donne
toutes les raisons de croire
que la
politique (de relance)
des dirigeants de la
Russie et des
Etats-Unis
va se poursuivre et
que les
tentatives d’écarter les
parties de ce
chemin
échoueront », estime le
ministre
russe des Affaires étrangères.
Reste
pourtant une question en
suspens
: les « Dix » étaient-ils
vraiment
aussi incompétents
qu’on veut
bien le faire
croire ou
ne
servaient-ils en fait que
de couverture
à une
opération plus
vaste et
mieux organisée ?
Auquel
cas le «
compromis »
consenti par la Russie
ne
servirait pas exactement
la politique de rapprochement.
Sandra Gérard