Al-Ahram Hebdo, Evénement |

  Président
Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef exécutif
Hicham Mourad
  Conseiller de la rédaction
  Mohamed Salmawy

Nos Archives

 Semaine du 14 au 22 juillet 2010, numéro 827

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Dossier

  Nulle part ailleurs

  Invité

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Société

  Arts

  Idées

  Livres

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Evénement

Sinaï . Dans le cadre d’un accord passé avec les chefs des tribus, le ministère de l’Intérieur a libéré cette semaine plusieurs dizaines de bédouins arrêtés lors d’incidents dans la péninsule.

Répit mais pas de solution

Il est midi en ce lundi 12 juillet dans la ville d’Al-Arich, à 350 km du Caire. Au siège du ministère de l’Intérieur, des scènes de liesse. Un cortège de femmes et d’hommes a pris place devant le bâtiment. Des youyous se font entendre et se mêlent aux cris de joie des enfants. Tout le monde attend la libération par le ministère de l’Intérieur d’un groupe de prisonniers politiques et de droit commun bédouins. « Dans chaque famille il y a un père, un frère ou un mari qui a été arrêté il y un an ou plus. Je n’ai pas vu mon frère depuis un an et 4 mois », crie Amr Soliman. Soliman a rédigé plusieurs plaintes au commissariat de police pour avoir des nouvelles de son frère, mais en vain. « Personne ne nous prête attention », dit-il avec amertume. Aujourd’hui, il est l’un de nombreux bédouins venus dans l’espoir de voir leurs proches libérés. « La police a annoncé que mon frère va être libéré aujourd’hui », dit-il. Il est interrompu par sa mère, une femme très âgée venue prier le président Moubarak et le ministre de l’Intérieur, Habib Al-Adeli, de libérer son fils. Quant à l’épouse du détenu, c’est un mélange de joie et de chagrin qui se dessine sur son visage. « Je ne sais pas pourquoi il a été arrêté et pourquoi il est libéré, mais l’important est qu’il dorme ce soir à la maison », lance Sayeda qui cache son visage des caméras pour qu’on ne remarque pas sa colère.

Il est 1h30 tappante et sonnante et deux grands camions transportant des prisonniers font leur apparition. Les familles des prisonniers se ruent sur le camion. Et dès que les portes de celui-ci se sont ouvertes, des voix se sont élevées en scandant : « Allah akbar, Allah akbar ». On se serait cru sur un champ de bataille. Les prisonniers descendent du véhicule et vont à l’encontre de leurs familles. L’amertume apparaît sur leurs visages las. « Je remercie Dieu d’être enfin libre. Je ne sais pas jusqu’à maintenant pourquoi j’ai fait tant de prison. J’ai passé deux ans dans une cellule sans le moindre jugement », explique Mohamad en pleurant. « Cette libération est le résultat d’un marché conclu entre l’Etat, ou plutôt le ministère de l’Intérieur, et les chefs des tribus, mais ce n’est pas la solution à nos problèmes, nous les bédouins du Nord-Sinaï », ajoute Mohamad.

 

Au départ, les attentats

Depuis les attentats terroristes de Taba et de Dahab en 2004 et 2006, le dispositif de sécurité a été renforcé dans le Sinaï. Les bédouins qui habitent la péninsule affirment souffrir de harcèlement par les appareils de sécurité et d’arrestations arbitraires. Cet état de fait a donné lieu à des tensions. En 2008, deux bédouins sont morts sous les balles d’un policier. Selon la police, les deux hommes roulaient dans une voiture sans plaque d’immatriculation. L’incident a provoqué la colère des habitants qui ont manifesté leur colère en se rassemblant près de la frontière avec Israël, mais plusieurs députés du Sinaï sont intervenus pour calmer la situation. Cependant, six mois plus tard, un autre policier a tiré sur un autre bédouin. Les habitants, furieux, avaient alors pris en otage un grand nombre de soldats antiémeutes dans la ville de Rafah. Le principal suspect dans cette opération, un certain Salem Abou-Lafi, a été arrêté, avant d’être libéré par ses camarades dans une opération dans laquelle un officier a été tué et deux autres policiers blessés. La fuite d’un trafiquant de drogue avec l’aide de sa famille avait également exacerbé la police.

La semaine dernière, la tension était à nouveau montée entre les deux camps lorsque des rumeurs avaient circulé sur l’intention des bédouins de faire exploser un pipeline d’exportation de gaz naturel, ce qui a été ultérieurement démenti par le gouverneur du Nord-Sinaï.

Face à cette tension, Habib Al-Adeli a décidé de recevoir, la semaine dernière au Caire, les chefs des tribus bédouines. Ces derniers avaient alors élaboré une liste de revendications comprenant notamment l’allégement des « contraintes et harcèlements » sécuritaires, la cessation des arrestations arbitraires, la libération des détenus et le réexamen des procès de ceux qui ont été condamnés par contumace. C’est dans ce contexte qu’intervient la présente libération. Une libération perçue par les bédouins comme un calmant, car les problèmes de fonds ne sont pas réglés. « Le ministère de l’Intérieur paye le prix de l’échec étatique. L’Etat ne s’est jamais intéressé à nous. Il n’y a pas de projet de développement, pas de boulot pour les jeunes. Comment peut-on vivre ? », interroge un cheikh qui a requis l’anonymat. Il ajoute : « Comment ce jeune homme peut se marier et avoir une maison ? Il est obligé de travailler dans le trafic de drogues, d’armes ou de devises. C’est de que vient la mauvaise relation entre nous et le ministère de l’Intérieur ». Le cheikh a tellement haussé la voix que quelques policiers se sont approchés de lui mais rien ne semblait l’arrêter. « Le ministère de l’Intérieur a commis une faute en laissant prospérer certains trafiquants et hors-la-loi et maintenant il n’arrive plus à les arrêter », dit-il.

De nombreux bédouins vivent en effet du trafic de drogue et des armes, ce qui a accru la tension entre eux et les appareils de sécurité.

Sous le signe du doute

Les bédouins sont à présent divisés en deux groupes. Un groupe pense que l’initiative du ministère de l’Intérieur de libérer les prisonniers est un simple sédatif qui ne va rien changer et un autre groupe pense qu’il ne faut pas être pessimiste et que c’est quand même un bon signe de la part de l’Etat, surtout que durant ce mois, d’autres prisonniers seront libérés. Amr Moussa, jeune bédouin, pense que cette crise est due à un sentiment chez les bédouins qu’ils sont des citoyens de seconde zone. « L’Etat doit changer cette attitude surtout envers les jeunes générations qui ne respectent plus les cheikhs des tribus comme auparavant », dit-il. Et d’expliquer que la plupart de cheikhs de tribus sont manipulés par l’Etat et même par les députés du PND. D’après Moussa, il faut travailler pour rendre aux cheikhs des tribus leur prestige et leur respect d’autrefois. Un responsable du ministère de l’Intérieur trouve que cette libération est un début encourageant pour améliorer la relation entre l’Etat et les bédouins. « Il ne faut jamais oublier que ces bédouins sont la première ligne de défense pour l’Egypte sur le front est. Il ne faut pas les marginaliser ». La même source pense que pour faire des projets de développement, il faut rétablir d’abord la sécurité afin d’attirer les investisseurs. « Le ministère de l’Intérieur fait son possible pour améliorer les services rendus aux bédouins. Des groupes d’officiers du département de la circulation se sont rendus dans le Sinaï. Aussi le ministère a construit de nouveaux bureaux dans de différentes régions du Sinaï et l’année dernière, nous avons pu faire 47 000 cartes d’identité », affirme la source. Mais il faudra aussi et surtout changer les mentalités.

Chérine Abdel-Azim

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Névine Kamel- Howaïda Salah -Thérèse Joseph
Assistant technique: Karim Farouk
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.