Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Am Chédid, l’homme à femmes

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 Semaine du 9 au 15 juin 2010, numéro 822

 

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Nulle part ailleurs

Polygamie. Pour certains, épouser une femme, c’est déjà le calvaire. Ce n’est pas le cas de Am Sayed Chédid, qui en a épousé une vingtaine et a engendré 49 enfants et 64 petits-enfants. Avec une famille aussi nombreuse, il se sent protégé.

Am Chédid, l’homme à femmes

« Moi, j’ai toujours eu de la chance ! Souvent quand un homme a plusieurs femmes, elles se disputent. Mais pas les miennes. Je n’ai pas de problèmes avec elles ». Combien en as-tu eu ? Il réfléchit. Il compte sur ses doigts. « Vingt ! Enfin … quatre actuellement, puisque c’est la charia, j’en ai répudié quinze car elles ne m’écoutaient pas ». Une favorite ? « Non. Je les apprécie toutes ! Mais celle que j’ai vraiment aimée, je ne l’ai pas épousée », dit Am Sayed Chédid. Hors norme ? Décalé ? Faisant un pied au nez du planning familial ? Am Sayed Chédid a fait exception à la règle, il est même très envié par certains. Sa réputation dépasse les bornes et son histoire est une légende. Et pourquoi pas, et il a pris le dessus sur Hag Métoualli, ce personnage singulier du feuilleton, marié avec quatre femmes en même temps. Agé d’une soixantaine d’années, Am Sayed en a épousé une vingtaine, et a eu quarante garçons et neuf filles. Il a aussi 64 petits-enfants. Choix de vie, bien sûr ! Enfant unique et souffrant de la solitude, il a désiré reproduire un noyau différent de ce qu’il a vécu. « Je ne veux pas mourir sans laisser de traces. Mes enfants sont la preuve que je suis bien viril et fécond, mais c’est aussi une richesse que personne d’autres ne peut m’apporter. C’est pour cela que j’ai choisi de me marier avec plusieurs femmes et avoir beaucoup d’enfants. Aujourd’hui, ma smala compte 113 personnes. C’est ma ezoueti (ma parenté), ma tribu », dit-il avec fierté. Pêcheur et vendeur de poissons, Am Sayed vit à Kotsika, dans la banlieue de Hélouan, avec ses quatre femmes. Son premier mariage date de 1967 alors qu’il avait 16 ans. Depuis, il n’a cessé d’avoir quatre femmes en même temps. Dans cette série, une seule épouse est morte mais il en a divorcé de quinze. Des divorces sans problèmes et à consentement mutuel. Quant à ses enfants, il s’en occupe et refuse qu’ils grandissent loin de lui. « J’aime le halal (licite). Une seule femme ne peut pas me suffire. Je suis comme la voiture qui roule avec quatre pneus, moi, je ne peux pas vivre sans quatre femmes. C’est pour cela que lorsque je divorce de l’une d’elles, elle est vite remplacée par une autre », confie-t-il tout en ajoutant qu’il a deux femmes qu’il garde depuis 1974 et 76 car elles ont un bon caractère. « Ce qui compte pour moi c’est le tempérament, la beauté c’est secondaire. Pourtant, je tiens toujours à choisir une jeune dont l’âge ne dépasse pas les 17 ans », explique Am Sayed qui n’a laissé aucun gouvernorat sans frapper à ses portes pour demander une femme en mariage. Autrement dit, il en a épousé trois de Minya, trois autres d’Assiout, une de Sohag, et de la Basse-Egypte, il n’a pas oublié d’avoir une de Mansoura ainsi que quelques-unes de Guiza. Pour lui, l’homme ressemble à la mer et la femme au rivage. Elle doit le contenir et supporter son flux et reflux. Une comparaison allant de pair avec son métier de pêcheur. Et pour être juste et équitable, il alterne quotidiennement les nuitées entre ses quatre femmes. « Il est normal que ce soit l’homme qui se déplace et non l’inverse, c’est pour cela que tout se passe bien entre nous », explique Am Sayed qui a réuni sa grande famille dans trois immeubles. Sinon comment aurait-il pu rassembler tout ce monde ?  

La polygamie, un art de vivre

En fait, ses femmes sont catégoriques sur le fait qu’elles ont réussi à vivre ensemble parce qu’elles ont formé une « alliance », une complicité développée au fil des années. Le mari est de mauvaise humeur, malade, ou absent ? Elles cherchent à s’en informer mutuellement et à développer une stratégie commune. Dès l’arrivée de la deuxième épouse, le « partage » du mari se fait selon des règles dictées et elles se font un devoir de le respecter pour leur bien-être. « Le mari ne doit pas passer plus d’une nuit chez chacune de ses femmes », affirme Héba l’une de ses femmes. La vérité est que si l’homme a la possibilité de choisir combien de temps il peut passer chez l’une, il finira par avoir des préférences et une épouse sera privilégiée aux dépens de l’autre ou des autres. « Et c’est là que la rivalité commence, que les conflits sont générés, toujours du fait de l’homme qui en est le provocateur », selon la deuxième épouse. Le conflit aurait toujours une cause matérielle ou affective : le mari donne plus de cadeaux à une femme ou à ses enfants. Il a donc établi dès le départ le système d’alternance qui fait que le mari change de femme chaque nuit sauf en cas de maladie, où on lui reconnaît le droit de se faire soigner par l’épouse chez qui il se trouvait la nuit précédente. L’autre exception se situe lors de l’arrivée de l’épouse suivante à qui on concède les sept premières nuits avec l’époux ... bien que maintenant, la norme les réduise à trois nuits. « Il ne faut jamais délaisser la plus vieille dès qu’on entre dans une nouvelle relation », dit-il avec philosophie.

Affable et chaleureux, l’homme élude les questions lorsqu’on évoque la place et la liberté des femmes dans un ménage polygame. Héba, une de ses épouses, fait une moue ironique quand son mari assure qu’il lui a demandé son avis avant de se remarier. Cependant, on découvre une chose bien étrange lors de la conversation avec Am Sayed pour compléter la particularité de cet homme, à savoir toutes ses femmes acceptent cette polygamie et confient que ces mariages n’ont pas eu de répercussions inattendues puisque leur mari n’avait pas changé de comportement envers elles. « Tout allait bien sur les plans matériel et sentimental. Il devient de plus en plus attentionné et disponible comme s’il voulait se faire pardonner la faute qu’il vient de commettre. Il veut une nouvelle vie et il en a les moyens. Pourquoi l’en priver et détruire nos ménages alors que nous, toutes ses femmes, sommes heureuses ? », avance l’une de ses épouses avec indifférence mais ayant l’air bien gênée. Chose étonnante encore est que la plupart de ces femmes ont fait le premier pas et voulaient vivre avec lui. Héba, l’avant-dernière épouse, confie que c’est elle qui a demandé à Am Sayed de l’épouser, bien qu’elle soit belle, diplômée et plus jeune que lui d’une trentaine d’années. « Non seulement c’est un homme complet, bon partenaire, mais aussi un excellent père », dit Héba en ajoutant qu’il ressemble au célèbre acteur Farid Chawqi, car il est aussi costaud, musclé et tout le monde le craint, d’où son surnom Sayed Chédid (fort).

L’homme heureux

D’ailleurs, pour Am Sayed, la polygamie n’est pas en soi traumatisante pour les enfants. Cela dépend beaucoup de la relation entre les épouses et des conditions socio-économiques de la famille. « Un mari sans pouvoir économique est un mari qui ne peut pas commander et qui doit accepter ce que ses femmes lui disent ! Dans mon cocon familial, je suis le maître. Ma famille est plutôt une petite école de la vie, voire même une micro-société. Chaque membre doit apprendre très tôt à se frôler à divers tempéraments et caractères. Il existe bien sûr des pièges et des problèmes, mais c’est toujours à moi de les résoudre et de faire instaurer une relation particulière et unique avec chaque enfant. Et aussi d’encourager les enfants à s’ouvrir vers des relations extra-familiales. Bref, une famille nombreuse exige concessions, privations et don de soi, c’est bien certain. Mais au-delà de ces préoccupations, ce type de famille apporte une richesse que rien d’autre ne peut apporter », affirme-t-il. Sameh, Dina, Racha, Naglaa, Hind, Yousra, Mahmoud, Ahmad, Ayman, Karim, Moustafa, Emad, Hamada … tels sont les prénoms des enfants de Am Sayed qu’il énumère sans oublier personne. Mahmoud, l’aîné, a 38 ans et le tout dernier enfant, Chahd, 3 ans, et qui lors de la conversation ne cesse de donner des bisous à son père. Pourtant, Am Sayed, qui possède six bateaux de pêche et un magasin de poissons, se plaint de la cherté de la vie. « Je me rappelle avoir payé 6,5 L.E. comme dot pour le premier mariage, contre 20 000 L.E. pour le dernier qui a eu lieu en 2005. Je verse 600 L.E. par mois pour chaque ménage, c’est-à-dire 2400 L.E. pour les quatre foyers, sans compter la viande, les légumes, les fruits, les vêtements et l’argent de poche versé à chaque enfant. Même les grands qui sont mariés, je ne les oublie pas. Je les aide tous, je leur donne de la nourriture, de l’argent, j’aide aussi leurs familles, sans distinction. C’est pourquoi petits et grands sont heureux », souligne Am Sayed tout en ajoutant qu’il n’apprécie pas beaucoup que ses fils soient polygames. « Une seule suffit, la satisfaction est un trésor intarissable. Et puis c’est moi qui dois aller voir la femme que mon fils a choisie, je suis devenu un expert dans ces affaires », s’exprime-t-il en riant. Pourtant, deux seulement de ses 40 fils sont polygames. Quant à sa fille Samah, 19 ans, encore célibataire, elle pense que son père est idéal, mais refuse catégoriquement d’avoir un époux polygame. Mais peu importe. A en juger par sa mine réjouie et ses yeux rayonnants, aucun doute, Am Sayed est un homme heureux. Ragab, 50 ans, vendeur de poissons, envie son ami. Il a prévu de prendre une seconde épouse. « Deux femmes, c’est bien », décrète Am Sayed. Et d’ajouter : « A ton avis, qu’est-ce qui est mieux : avoir une livre ou deux livres ? ». Puis il révèle ne pas être le seul dans ce cas, puisque Am Abdel-Rahmane Al-Naggar, Palestinien âgé de 83 ans, a eu 11 femmes, 32 enfants et plus de 430 petits-enfants. Toutefois, Am Sayed annonce une bonne nouvelle : il a décidé de ne plus se remarier afin de donner plus de chance aux jeunes de se marier. Son seul rêve aujourd’hui est que le gouvernement lui accorde les deux feddans sur lesquels il a campé toute sa vie. Un havre de paix au bord du Nil qui représente tout pour lui. « Il suffit de m’asseoir à l’heure du crépuscule sur ma banquette, entouré de ma grande famille, pour écouter Al-Sett (la célèbre chanteuse Oum Kalsoum) pour me sentir bien heureux », conclut-il avec émotion.

Chahinaz Gheith

 




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