Le
secrétaire
général de l’Organisation
de la Conférence
Islamique (OCI), le
Turc
Ekmeleddine
Ihsanoglu,
s’exprime
sur l’attaque
israélienne
contre la flottille
humanitaire
allant à Gaza, la
montée de
l’islamophobie en Europe et
l’action de cette
institution visant
à
promouvoir un islam
moderne et
modéré.
« Les
nouvelles
formes de l’islamophobie
en Occident sont plus
difficiles
à traiter
que les
anciennes »
Al-ahram
hebdo
: Quelle
est votre
réaction aux
attaques
israéliennes contre la
flottille
humanitaire visant de
briser le
blocus contre Gaza et qui
ont causé
la mort de plusieurs
activistes ?
Ekmeleddine
Ihsanoglu
:
Je condamne
dans les
termes les plus fermes
les actes de violence des
militaires
israéliens contre des
civils
voyageant à
bord de la
flottille de la Liberté
allant vers
la Palestine. Ces
personnes
n’avaient aucune
intention sinon
celle
de livrer
l’aide humanitaire et
exprimer
leur solidarité avec le
peuple de Gaza. Pour
cette raison,
je pense
qu’Israël
est
totalement responsable
du
bien-être et de la sécurité
de ceux qui se
trouvaient
sur le navire et
donc les crimes
commis
représentent une
violation délibérée
du droit
international et des valeurs
humaines. Des
enquêtes
sur les crimes commis par
Israël
contre les voyageurs de la
flottille de la Liberté,
qui ont,
d’ailleurs eu lieu
dans des
eaux internationales,
doivent
immédiatement être
menées. De plus,
Israël doit
lever immédiatement le
blocus
imposé sur Gaza, qui a
sévèrement
affaibli l’économie
locale et
provoqué la détérioration
des conditions de vie des habitants.
—
Quels sont
aujourd’hui les
défis les plus
importants de
l’OCI
?
—
Je dois
admettre
que, malgré tout,
nous vivons
en ce
moment, une phase
importante de
notre travail. Pour la première
fois,
aujourd’hui, nous
relevons
que des institutions européennes
comme par
exemple le Conseil de
l’Europe,
l’OSCE (l’Organisation
pour la Sécurité et la
Coopération en Europe), le
Conseil
britannique et d’autres,
reconnaissent
l’existence de
l’islamophobie
sur le
vieux continent.
Ils
partagent maintenant avec
l’OCI de
réelles inquiétudes
sur le
sérieux de la situation et la propagation de
ce
phénomène, qui se traduit
clairement par la
montée dans
les manifestations de discrimination et de
haine
contre les musulmans en
Europe. Je
peux dire que
lorsque
j’ai assumé
cette
fonction (de secrétaire
général de
l’OCI), il
y a cinq
ans, l’ensemble des
responsable
européens essayaient
d’ignorer
l’existence de l’islamophobie.
De nombreuses institutions
aujourd’hui en Europe
sont
préoccupées par la montée
de l’extrême
droite qui
véhicule un
discours de
haine contre les
musulmans pour des
objectifs
politiques. Je
dois dire
que nous,
à l’OCI,
avons
travaillé énormément pour
sensibiliser les
responsables
européens
sur ce
danger.
—
Comment l’OCI
agit-elle pour
traiter ce
phénomène
?
—
Je pense
que les
nouvelles formes de
l’islamophobie en Occident
sont plus
difficiles à
traiter que
les anciennes.
Celles-ci
ont eu lieu
sous
l’aspect des caricatures
offensantes et
peu
civilisées sur
notre
prophète. Elles
ont
sûrement représenté
un abus
des principes
comme celui
de la liberté
d’expression et la
liberté des
médias pour insulter les
musulmans et contribuer
à la propagation des
stéréotypes hostiles.
—
D’autres aspects de
l’islamophobie
ne
devraient-ils pas être
contrés
?
—
Nous sommes
aujourd’hui
parvenus à
une nouvelle
étape que
je
considère encore plus dangereuse
que celle
de la crise des caricatures.
Cela
est
arrivé avec l’interdiction
par le gouvernement
suisse de la construction des
minarets. Cela
est
d’autant plus
dangereux
que nous
sommes face
à une action
produite par un
amendement
constitutionnel approuvé
par un peuple pour
réduire la
liberté pratique
religieuse, qui
constitue
d’ailleurs un droit
fondamental de
l’homme. Il
est vrai
qu’ils
veulent mener
cette action en
utilisant un
processus
démocratique, un référendum,
qui se tient
cependant
dans un pays, où la
majorité de la population
ne semble
pas avoir
une idée correcte et
juste de
l’islam.
Depuis
que cette
initiative a été
lancée,
nous avons
été
confrontés à des images
très
choquantes, représentant
des minarets sous la
forme de missiles
ou des
musulmans comme
étant
naturellement des terroristes.
—
Quelles
seront les conséquences
de ce genre de
manifestations ?
—
Bien sûr,
la première conséquence de
l’interdiction des minarets a
institutionnalisé la
haine à
l’islam. Et
cela aura
certainement des ramifications.
Maintenant, plusieurs
autres pays,
immédiatement après
l’annonce des
résultats
du référendum,
ont
commencé à dire
qu’ils
devraient faire la même
chose. Ensuite,
les groupes
d’extrême droite
ont eux
aussi
commencé à
utiliser des slogans anti-islamiques
pour s’attirer
l’appui de
certaines catégories de
leurs
sociétés. Ainsi,
nous avons
vu même des
partis de la droite
modérée commencer
à entrer
en compétition avec
ceux
d’extrême droite pour
attirer
l’attention de ceux qui
sont
sensibles à
ce
genre de propagande.
Nous
assistons à
une
compétition pour accuser et
stigmatiser
l’islam.
—
Mais
il
faut aussi
parler de
l’autre côté.
Dans le monde
musulman, les
courants
extrémistes ne
cessent de
gagner de la force, ce
qui n’aide pas non plus
à faciliter
le contact avec
l’Occident ...
—
Nous devons
prendre conscience
que
l’extrémisme se trouve
partout. De la même
manière que
nous
soufrons avec nos
extrémistes,
nous
soufrons aussi avec
ceux de
l’autre côté.
Et il
faut dire
que l’interdiction des
minarets en Suisse est un
acte des
extrémistes qui ne font
rien sinon
renforcer les certitudes de
ceux de
notre côté
dans leur
vision antagoniste de
l’Occident.
Mais en parlant
du courant
fondamentaliste dans
notre
région du monde,
je dois
dire que
lorsqu’ils s’expriment,
ils
ne
représentent qu’eux-mêmes.
Personne ne
leur a
donne le
mandat de
parler au nom du monde
musulman. Le monde
musulman a
ses
propres institutions. L’OCI est
une
organisation qui représente
57 pays membres et
elle est
le porte-parole de 1,5
milliard de musulmans.
Il y a aussi
certainement Al-Azhar
Al-Charif qui
représente un
héritage de plus de mille ans. A
l’OCI, nous
avons aussi
l’Académie international
du fiqh
ou la jurisprudence
et c’est
à ces
représentants de
parler au nom de
l’islam.
—
Est-ce que
l’OCI a une
stratégie pour
présenter
l’islam comme
étant une
religion moderne et
adaptée à
la réalité
du 21e siècle ?
— Au
cours du
sommet extraordinaire qui a
eu lieu à
La Mecque en 2005,
nous avons
eu comme
principal sujet de
traiter la question de comment
répondre aux
défis du
21e siècle. Au Sommet de La
Mecque, des
résolutions importantes
ont été
adoptées et la
principale
d’entre elles
était un
programme d’action de 10
ans. En plus de celui-ci,
nous avons
adopté un grand
nombre de
projets et programmes
d’action
dans de nombreux
domaines
: politiques,
sociaux,
économiques, commerciaux,
sciences et technologie,
promotion du
droit de
l’homme, du
droit de la femme et le
renforcement de
leur rôle
dans nos
sociétés.
Nous sommes
sur le point
d’établir un
Conseil du
droit de
l’homme. Nous
venons
également d’adopter la
décision de
créer une
organisation
internationale
de la femme au Caire.
Tous ces
programmes
peuvent être résumés pour
nous en
deux objectifs
principaux
: parvenir
à la
modération et à la
modernité.
Propos recueillis par
Randa
Achmawi