Religion.
Le pape
Chénouda III de l’Eglise
copte
orthodoxe a rejeté le
verdict de la Haute Cour
administrative qui autorise le
remariage des
coptes
ayant obtenu le divorce
dans les
tribunaux civils.
Ce verdict
est
considéré comme
une
ingérence dans les
affaires de l’Eglise.
La
nouvelle bataille de
l’Eglise
«
Personne ne
peut nous
contraindre
à une
décision
quelconque.
Nous sommes
tenus par les instructions de
l’Evangile. Le verdict de la
Cour administrative a
un caractère
civil. Or le mariage
est
un acte
religieux qui doit se
faire dans le respect de la
loi
religieuse ». C’était la
réponse du
pape
Chénouda III de l’Eglise
copte
orthodoxe à la
Cour administrative qui a
autorisé le 29
mai dernier le
remariage des
coptes
ayant obtenu le divorce
dans les
tribunaux civils,
mais à
qui l’Eglise refuse le
remariage, car
ne
reconnaissant pas leur
divorce ou
parce que
leur situation
ne le
permet pas selon les
préceptes de
l’Eglise. Tout commence en 2007
lorsque
deux citoyens
coptes,
Hani Wasfi
et Magdi
William, intentent un
procès
contre l’Eglise qui
refusait
d’autoriser leur
remariage
alors qu’ils
avaient
obtenu le divorce dans
des tribunaux
civils. Les
deux citoyens
obtiennent gain de cause
mais
l’Eglise, qui ne
reconnaît pas les divorces
prononcés par les
tribunaux, refuse
d’appliquer le verdict
et décide
de faire appel
du jugement.
Mais
ce dernier verdict de la
Cour administrative
renvoie
l’ascenseur à
l’Eglise.
L’Eglise
copte
orthodoxe respecte des
règles très
strictes en
matière de divorce et de
mariage. Elle
s’oppose au divorce
sauf en
cas de
changement de rite, de
contraction d’une
maladie grave par
l’un des
époux ou
d’adultère.
Dans ce
dernier cas,
seule la
partie n’ayant pas
commis
l’adultère est
autorisée à
se remarier.
L’Eglise a fait savoir
qu’elle
n’était pas disposée
à renoncer
à ces
principes.
« Aucun
prêtre ne
peut marier
un copte sans
l’autorisation de
l’Eglise
copte orthodoxe et
s’il le fait,
nous allons
le destituer », a
prévenu le
pape.
Dans son verdict, la
Cour administrative
s’est
référée à la Constitution
qui octroie
à tout citoyen,
quelle que
soit sa
confession, le droit de se
remarier pour fonder
une famille.
« Le droit de fonder
une famille
est
un droit
constitutionnel. Le fait
d’en priver
des citoyens
est contre
les principes de la
liberté et des
droits de
l’homme », a déclaré la
Haute Cour administrative
dont le verdict a
apporté de
l’espoir à des
milliers de
coptes qui ont
obtenu des
tribunaux des verdicts de divorce. Or,
l’Eglise
refuse de les reconnaître.
Conséquence
: ces
coptes
n’ont aucune chance de se
remarier, car le
mariage civil
n’existe pas en
Egypte. Le
pape Chénouda III a fait
savoir que
l’Eglise va
présenter un
recours
devant la Haute Cour
constitutionnelle. «
Si la Constitution
donne le
droit au citoyen de se
remarier,
elle doit
aussi
donner le droit
à l’Eglise
d’appliquer
ses principes »,
a annoncé
le pape.
Rejet
Ramsis
Al-Nagar,
avocat de l’Eglise
copte
orthodoxe, monte au
créneau
contre le verdict de la Haute
Cour administrative. Selon
lui,
l’Eglise n’est pas
une instance administrative pour
qu’elle
soit obligée
d’appliquer
un tel verdict. «
C’est une
instance religieuse
spirituelle qui
respecte
uniquement les principes
divins et non pas les verdicts
humains », lance Al-Nagar.
Et d’ajouter
que
l’Eglise n’appliquera pas
le verdict car « l’Evangile
refuse le remariage de la
personne divorcée pour
adultère.
Le tribunal ne
peut pas
obliger l’Eglise
à appliquer
ce verdict ».
Kamil Sediq,
secrétaire
général du
Conseil
communautaire copte,
va
encore plus loin. Selon
lui, les
juges n’ont pas
respecté un
principe
très important de l’islam,
à savoir
qu’un juge
musulman
doit trancher les
affaires relatives aux chrétiens
en se basant
sur leurs
principes.
Même son de cloche pour père
Ibrahim, de
l’Eglise de la Vierge
Marie à
Daher, pour qui la justice ne
doit pas
intervenir dans les
affaires religieuses et
l’islam
reconnaît le droit des
non-musulmans
à appliquer
les instructions de leur
propre religion.
L’Eglise
copte
orthodoxe reçoit
chaque
année des milliers de
demandes de divorce
et de
remariage. Ces
demandes
sont examinées par
l’Eglise au
cas par
cas.
Le
verdict de la Cour
administrative souligne les
contradictions qui existent entre
la position de l’Eglise
et le code civil.
Ce n’est
pas la première fois
que des verdicts de
ce
genre sont
émis par les tribunaux.
En 2002, le tribunal du
statut personnel
du Caire
avait
autorisé les chrétiennes
qui n’ont pas
pu
obtenir le divorce
à travers
l’Eglise à
recourir au
kholea (principe
permettant
à la femme d’obtenir le
divorce de sa
propre initiative
si elle
ne supporte
pas la vie conjugale et
accepte de
renoncer à
ses droits
financiers). Le pape
Chénouda III
avait alors
refusé de
reconnaître cette
forme de divorce,
donnant lieu
à un
débat entre
ceux qui
défendent le droit de
l’Eglise à
interpréter les
textes des
évangiles et à
s’en tenir
et ceux qui
pensent que
l’Eglise
doit se conformer aux verdicts des
tribunaux
civils.
Nécessité
d’un statut personnel
copte
En
réalité,
c’est l’absence
d’une loi
unifiée sur
le statut personnel
copte qui
est à
l’origine de
cette confusion
entre les
lois civiles et
celles de
l’Eglise. Car dans
un tel
contexte, les
juges
appliquent les lois
civiles. Georgette
Qellini,
députée du
Parti National
Démocrate (PND, au
pouvoir),
explique
: « Certaines
lois
examinées au Parlement,
telles que
la loi sur
le statut personnel,
ne sont
promulguées
que si
elles
obéissent aux principes
de la charia.
Il est
logique que
les chrétiens
jouissent
du même
droit
s’agissant du
mariage
chrétien considéré
comme sacré.
Il doit y
avoir une
loi sur
le statut personnel
copte ».
Selon
l’Eglise, c’est
ce
vide juridique qui
pousse les
coptes à faire
appel à
la loi
musulmane de statut
personnel. Pour remédier
à
ce
problème, l’Eglise a
élaboré un
projet de loi
sur le
statut personnel applicable aux
différentes confessions
chrétiennes. «
Toutes les
Eglises ont
accepté
cette loi en 2006,
mais le
projet est
toujours
dans les tiroirs
du
ministère de la Justice.
Nous avons
demandé à
maintes reprises les raisons de
ce retard
mais en vain », ajoute
Georgette Qellini.
Le débat
n’est pas
clos. Et l’Eglise
se prépare
à une nouvelle
bataille face
à la Haute
Cour constitutionnelle.
Mirande
Youssef