Al-Ahram Hebdo, Enquête | La nouvelle bataille de l’Eglise

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 Semaine du 9 au 15 juin 2010, numéro 822

 

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Enquête

Religion. Le pape Chénouda III de l’Eglise copte orthodoxe a rejeté le verdict de la Haute Cour administrative qui autorise le remariage des coptes ayant obtenu le divorce dans les tribunaux civils. Ce verdict est considéré comme une ingérence dans les affaires de l’Eglise.

La nouvelle bataille de l’Eglise

« Personne ne peut nous contraindre à une décision quelconque. Nous sommes tenus par les instructions de l’Evangile. Le verdict de la Cour administrative a un caractère civil. Or le mariage est un acte religieux qui doit se faire dans le respect de la loi religieuse ». C’était la réponse du pape Chénouda III de l’Eglise copte orthodoxe à la Cour administrative qui a autorisé le 29 mai dernier le remariage des coptes ayant obtenu le divorce dans les tribunaux civils, mais à qui l’Eglise refuse le remariage, car ne reconnaissant pas leur divorce ou parce que leur situation ne le permet pas selon les préceptes de l’Eglise. Tout commence en 2007 lorsque deux citoyens coptes, Hani Wasfi et Magdi William, intentent un procès contre l’Eglise qui refusait d’autoriser leur remariage alors qu’ils avaient obtenu le divorce dans des tribunaux civils. Les deux citoyens obtiennent gain de cause mais l’Eglise, qui ne reconnaît pas les divorces prononcés par les tribunaux, refuse d’appliquer le verdict et décide de faire appel du jugement. Mais ce dernier verdict de la Cour administrative renvoie l’ascenseur à l’Eglise.

L’Eglise copte orthodoxe respecte des règles très strictes en matière de divorce et de mariage. Elle s’oppose au divorce sauf en cas de changement de rite, de contraction d’une maladie grave par l’un des époux ou d’adultère. Dans ce dernier cas, seule la partie n’ayant pas commis l’adultère est autorisée à se remarier. L’Eglise a fait savoir qu’elle n’était pas disposée à renoncer à ces principes. « Aucun prêtre ne peut marier un copte sans l’autorisation de l’Eglise copte orthodoxe et s’il le fait, nous allons le destituer », a prévenu le pape. Dans son verdict, la Cour administrative s’est référée à la Constitution qui octroie à tout citoyen, quelle que soit sa confession, le droit de se remarier pour fonder une famille. « Le droit de fonder une famille est un droit constitutionnel. Le fait d’en priver des citoyens est contre les principes de la liberté et des droits de l’homme », a déclaré la Haute Cour administrative dont le verdict a apporté de l’espoir à des milliers de coptes qui ont obtenu des tribunaux des verdicts de divorce. Or, l’Eglise refuse de les reconnaître. Conséquence : ces coptes n’ont aucune chance de se remarier, car le mariage civil n’existe pas en Egypte. Le pape Chénouda III a fait savoir que l’Eglise va présenter un recours devant la Haute Cour constitutionnelle. « Si la Constitution donne le droit au citoyen de se remarier, elle doit aussi donner le droit à l’Eglise d’appliquer ses principes », a annoncé le pape.

Rejet

Ramsis Al-Nagar, avocat de l’Eglise copte orthodoxe, monte au créneau contre le verdict de la Haute Cour administrative. Selon lui, l’Eglise n’est pas une instance administrative pour qu’elle soit obligée d’appliquer un tel verdict. « C’est une instance religieuse spirituelle qui respecte uniquement les principes divins et non pas les verdicts humains », lance Al-Nagar. Et d’ajouter que l’Eglise n’appliquera pas le verdict car « l’Evangile refuse le remariage de la personne divorcée pour adultère. Le tribunal ne peut pas obliger l’Eglise à appliquer ce verdict ». Kamil Sediq, secrétaire général du Conseil communautaire copte, va encore plus loin. Selon lui, les juges n’ont pas respecté un principe très important de l’islam, à savoir qu’un juge musulman doit trancher les affaires relatives aux chrétiens en se basant sur leurs principes. Même son de cloche pour père Ibrahim, de l’Eglise de la Vierge Marie à Daher, pour qui la justice ne doit pas intervenir dans les affaires religieuses et l’islam reconnaît le droit des non-musulmans à appliquer les instructions de leur propre religion.

L’Eglise copte orthodoxe reçoit chaque année des milliers de demandes de divorce et de remariage. Ces demandes sont examinées par l’Eglise au cas par cas.

Le verdict de la Cour administrative souligne les contradictions qui existent entre la position de l’Eglise et le code civil. Ce n’est pas la première fois que des verdicts de ce genre sont émis par les tribunaux. En 2002, le tribunal du statut personnel du Caire avait autorisé les chrétiennes qui n’ont pas pu obtenir le divorce à travers l’Eglise à recourir au kholea (principe permettant à la femme d’obtenir le divorce de sa propre initiative si elle ne supporte pas la vie conjugale et accepte de renoncer à ses droits financiers). Le pape Chénouda III avait alors refusé de reconnaître cette forme de divorce, donnant lieu à un débat entre ceux qui défendent le droit de l’Eglise à interpréter les textes des évangiles et à s’en tenir et ceux qui pensent que l’Eglise doit se conformer aux verdicts des tribunaux civils.

Nécessité d’un statut personnel copte

En réalité, c’est l’absence d’une loi unifiée sur le statut personnel copte qui est à l’origine de cette confusion entre les lois civiles et celles de l’Eglise. Car dans un tel contexte, les juges appliquent les lois civiles. Georgette Qellini, députée du Parti National Démocrate (PND, au pouvoir), explique : « Certaines lois examinées au Parlement, telles que la loi sur le statut personnel, ne sont promulguées que si elles obéissent aux principes de la charia. Il est logique que les chrétiens jouissent du même droit s’agissant du mariage chrétien considéré comme sacré. Il doit y avoir une loi sur le statut personnel copte ». Selon l’Eglise, c’est ce vide juridique qui pousse les coptes à faire appel à la loi musulmane de statut personnel. Pour remédier à ce problème, l’Eglise a élaboré un projet de loi sur le statut personnel applicable aux différentes confessions chrétiennes. « Toutes les Eglises ont accepté cette loi en 2006, mais le projet est toujours dans les tiroirs du ministère de la Justice. Nous avons demandé à maintes reprises les raisons de ce retard mais en vain », ajoute Georgette Qellini. Le débat n’est pas clos. Et l’Eglise se prépare à une nouvelle bataille face à la Haute Cour constitutionnelle.

Mirande Youssef

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