Déchets.
Leur propagation
dans les rues
du Caire
est
un casse-tête pour les
autorités et les habitants. Le
Dr Laïla
Iskandar,
spécialiste de
ces questions,
assure qu’un
tri à la source
mettra un
terme au problème.
« Il
faut mettre
en place un système
intégré de
gestion »
Al-ahram
hebdo
: Les rues du
Caire sont
jonchées
d’ordures. Que font les
responsables et les
sociétés
étrangères chargées de
leur
nettoyage
?
Laïla
Iskandar
:
D’abord, il
faut
préciser que Le
Caire
produit au quotidien 14
000 tonnes de
déchets
solides. Seule la
moitié de
ces déchets
est
récupérée par les
zabbalines (les
éboueurs).
Cela veut dire
que 7 000
tonnes de déchets
s’accumulent
dans les rues au
quotidien,
donc 210 000 tonnes par
mois
! Le problème
est
devenu encore plus grave
à la suite de
l’abattage des
cochons
lors de la grippe porcine. En
ce qui
concerne les
compagnies
étrangères, elles
sont venues en
Egypte avec
leur culture, qui est
basée sur
les grandes
bennes dans les rues. Les
Egyptiens, qui
n’ont pas
cette culture, les ont
même volées
pour les utiliser
autrement,
comme par exemple pour
stocker l’eau.
Alors,
ces
compagnies ne
sont pas à
blâmer.
Elles
ne peuvent
pas fournir sans
cesse de
nouvelles bennes.
Résultat
: les ordures
s’accumulent
dans les rues.
L’affaire
est
donc compliquée.
—
Alors,
pourquoi ne pas
revenir aux chiffonniers qui
ramassent les
déchets
directement à la
porte des
logements
?
—
Cet ancien
système
avait quand
même
ses
inconvénients.
Seuls
les quartiers riches
étaient
propres sous le
système des chiffonniers.
Les quartiers
pauvres ou
populaires
vivaient une catastrophe
au quotidien. Les
ordures
s’accumulaient et menaçaient
la santé des habitants pour deux
raisons : La première
est que
les habitants n’avaient pas les
moyens de payer les
chiffonniers. Et la
deuxième
est que
ces
derniers faisaient le tri
des ordures en
plein air
dans la rue. Donc,
ni
l’ancien
système ni le
système
actuel ne
conviennent.
Il nous
faut un nouveau
système capable de
garantir la
propreté partout en Egypte.
—
Vous dites
souvent que
les déchets qui
s’accumulent
dans nos
rues sont un
trésor qui
pourrait améliorer la
situation économique
du pays. Comment
cela
serait-il possible ?
— Les
ordures
sont un
vrai trésor,
surtout
dans une
ville aussi
peuplée que
Le Caire. Il
est
nécessaire de voir les
ordures
autrement. Les voir
comme des
matières premières pour
l’industrie égyptienne,
ainsi,
notre comportement
changera
complètement. Une chose
très
importante est
à
mentionner
: l’Egypte
possède
l’infrastructure nécessaire
pour tirer le
meilleur profit des
déchets. Aux
alentours
du Caire,
il existe
5 industries d’engrais
organiques
: une
à Madinet
Al-Salam,
une dans la
ville du
15 Mai, une
à Chabramante et
deux à
Qattamiya.
Mais
malheureusement,
elles ne
travaillent pas
à leur
capacité
maximale. Les 5 usines
ne
reçoivent que 750
tonnes de
déchets organiques par
jour, qui sont
dans la
plupart des déchets
agricoles,
bien que 50 %
du volume
quotidien des ordures
du Caire,
soit 7 000
tonnes, soient des
déchets
organiques. Donc,
seuls 10 % des
déchets
organiques sont
recyclés et
90 % de ce
trésor sont
perdus. En
ce qui
concerne le
recyclage des déchets non
organiques,
il suffit de savoir
qu’il
existe 1 500 ateliers de
recyclage à
Manchiyet Nasser
seulement. La surprise
c’est que
ces usines
ne trouvent
que
difficilement leurs
matières premières, qui
sont les
ordures, malgré
leur
abondance dans les rues.
—
Comment expliquez-vous
cela
?
—
C’est que
les déchets
ne sont pas
triés à
la source. Et les camions des
sociétés
ramassent toutes
sortes de
déchets et les compressent
pour réduire
leurs volumes et les
transférer
vers les décharges.
C’est-à-dire
que
ce
trésor est
juste
déplacé. Surtout pour les
déchets
organiques, qui sont les
matières premières des
industries d’engrais
organiques,
ces déchets,
une fois
compressés avec
du verre
par exemple,
perdent
toute leur importance,
car on ne
trouvera jamais
un
agriculteur qui utilisera
volontiers
du composte
mélangé au
verre. Donc,
la seule solution pour
profiter des
ordures,
c’est de les trier
à la source.
— Et
comment s’effectuerait
ce tri à
la source ?
—
C’est très
simple. Nous
avons
exécuté plusieurs
projets de
sensibilisation
pour apprendre aux
citoyens à
trier leurs
déchets
dans des quartiers
aisés ainsi
que dans
des quartiers
populaires. On
leur
apprend à faire
deux sacs
poubelles, une pour les
restes de
nourriture et
l’autre pour
tous les
autres déchets.
Ce
n’est pas
coûteux, car on ne
demande pas
d’acheter de sacs poubelles,
mais
simplement de se servir
des sacs en plastiques
ramenés à
la maison après les
achats. Il
faut que
les citoyens
ressentent
l’importance de ce
comportement,
ils doivent
savoir qu’en
agissant
ainsi, ils font le
premier pas pour encourager l’industrie
égyptienne
!
— Et
à quoi sert
ce tri si
les ordures
sont à nouveau
mélangées
dans les rues ou
dans les camions qui les
transportent
vers les
décharges
?
—
Dans
ce
cas, il
ne sert
à rien,
bien sûr.
C’est
pourquoi il
nous faut
mettre en place un
système
intégré de gestion des
déchets
ménagers, qui commence par un tri
à la source
dans les logements et
arrivant
vers les industries tout en passant par un
transfert qui
respecte le tri. La
gestion des
déchets peut
créer 98 000
emplois au
Caire seulement,
soit 7
emplois par tonne de
déchets. Si
les déchets
sont triés
comme
il le
faut, de jeunes
diplômés
pourront travailler
dans ce
domaine et
élaborer une
chaîne de
valeur pour soutenir
l’industrie locale.
Propos recueillis par
Dalia
Abdel-Salam