Personnage influent auprès du pouvoir politique et de
l’Eglise copte orthodoxe, l’entrepreneur
Hani Aziz est un
homme d’équilibre, de communication et entièrement dédié à
l’avancement de son pays par ses multiples activités.
Un
socle pour l’entente
Rancune,
convoitise, envie. Rien n’y fait. Le calme, l’assurance et
le pouvoir de l’homme d’affaires copte Hani Aziz sont
imperturbables. C’est par excellence l’homme de liaison
entre l’Eglise copte orthodoxe et l’Etat. Hani Aziz, 59 ans,
est le PDG de la Compagnie Internationale des Services
Economiques, mais il a d’autres responsabilités et titres.
L’homme d’affaires est aussi conseiller et secrétaire
général de l’Union des Egyptiens à l’étranger, conseiller du
ministre de la Main-d’œuvre et de l’Immigration, membre aux
commissions des conseils et des organisations populaires,
des médias et du Secrétariat des affaires étrangères au
Parti National Démocrate (PND, au pouvoir), conseiller de la
commission des affaires étrangères à l’Assemblée du peuple
(session 2006-2007) ... Sans compter ses activités bénévoles
et œuvres de charité. D’où son activité au sein de Lion’s
Club d’Egypte, dont il est président.
Ce
dernier penchant, il l’a hérité de son père, Aziz Hénein,
ancien premier sous-secrétaire d’Etat au ministère de la
Communication. Une charge ministérielle qui ne l’a jamais
empêché de secourir les personnes dans le besoin, notamment
les habitants de son quartier de Zeitoun. « On n’a jamais eu
dans notre quartier d’incidents opposant chrétiens et
musulmans. Les familles vivaient dans une ambiance très
saine et conviviale », témoigne Hani Aziz. Et d’ajouter : «
Dans ce même quartier, j’ai été impliqué très jeune dans la
politique, depuis ma participation à l’Ittihad al-ichtéraki
(union socialiste), sous Nasser. Je me souviens de ma
première recommandation par la circonscription d’Al-Zeitoun,
lorsqu’on m’a choisi comme membre du Conseil municipal.
Passer par les municipalités, c’est comme avoir son bac,
cela permet ensuite d’accéder au Parlement », déclare Hani
Aziz, qui n’a jamais été très friand d’études universitaires
et qui s’est contenté d’un diplôme technique. Car ce qui lui
importait, c’était de s’immiscer dans la politique et le
bénévolat.
Dans les
locaux de son entreprise à Héliopolis, une grande photo le
montre avec le pape Chénouda III. Ils sont toujours
ensemble, que ce soit durant les fêtes coptes ou les
rencontres ministérielles. Est-il son conseiller, un ami
proche ? D’aucuns objectent : « Il n’a pas de titre officiel
au sein de l’Eglise mère copte orthodoxe », une précision
qu’il ne cesse d’entendre. Mais il se défend : « Le pape
Chénouda n’a pas besoin de moi pour le conseiller. C’est un
homme qui a une grande sensibilité et beaucoup de charisme.
Il est cultivé, poète, politicien, orateur ... Il lui suffit
de lire les journaux le matin pour comprendre tout ce qui se
passe autour de lui ». Et d’ajouter : « Je suis un des
proches du pape ». Une amitié qui s’est nouée il y a plus de
30 ans, lorsque Aziz assistait à ses prêches avant même sa
nomination comme pape. « Le pape Chénouda reconnaît souvent
devant le public et les médias que j’ai un rôle privilégié
quant au renforcement du lien entre l’Etat et l’Eglise copte,
de manière à assurer une véritable entente et remédier à
tout éventuel problème de sédition confessionnelle »,
affirme-t-il.
Issu
d’une famille aisée, sa tâche a été facilitée par les
réseaux de ses proches, qui lui ont permis d’élargir son
champ d’action et de s’introduire dans le monde des
affaires. « Illuminer et embellir les rues du Caire,
protéger le Nil de la pollution, opérer des échanges
culturels, organiser des colloques religieux sur l’amour, la
paix et la tolérance … Notre travail consiste à servir le
pays », déclare Hani Aziz, en guise de présentation de la
société de bienfaisance Mohébi Misr al-salam (les amoureux
de l’Egypte en paix) dont il est secrétaire général depuis
2005. C’est un vrai « mécène », comme le disent ses proches,
expliquant que le Lion’s Club n’est pas conçu pour servir
ses membres de l’élite, mais pour aider les gens en détresse.
« On est en train de bâtir un hôpital à Moqattam », déclare
Aziz, dont les photos reviennent souvent dans la presse
People. De quoi lui valoir des commentaires, parfois
déplaisants. « On croit que je travaille 24 heures sur 24.
Mais j’ai quand même droit à une vie sociale et privée »,
rétorque-t-il, comme pour se justifier face à ses
adversaires, pour qui « ses contacts et rapports personnels
» sont derrière ses réussites. Et à lui d’ajouter sur un ton
confiant : « L’argent ne fait pas le bonheur et ne peut
susciter l’amour des gens. Il y a les atouts personnels, la
bénédiction de Dieu, le caractère … Tous ces aspects
décident du succès de l’un ou de l’autre ». Les critiques
semblent lui donner de la force, une persistance à faire ses
preuves. « En Egypte, il existe deux camps : les ennemis de
la réussite et les jaloux ou rancuniers. Récemment, j’ai été
la cible permanente des journaux de l’opposition, mais cela
ne m’a guère affecté. Jamais je n’ai échoué dans la vie »,
dit Hani Aziz, qui renvoie ses réussites à la grâce divine
avant toute autre chose. « J’ai un bon cœur, je suis
généreux, mais c’est aux autres de me juger », affirme-t-il.
De fil
en aiguille, Hani Aziz est devenu membre du PND dans les
années 1970. « C’est le parti le plus puissant ; il est
suivi par le néo-Wafd qui attirait historiquement un bon
nombre de coptes », dit-il. Aziz énumère alors les
accomplissements du PND, notamment dans les domaines de
l’éclairage et de la communication. Il ne manque pas de
citer des exemples appuyant son jugement : « Des anciens
ministres comme Maher Abaza et Solimane Métwalli ont fait
beaucoup de choses pour le bien de tous. Les gens
choisissent souvent un parti puissant qui parvient à rendre
service, mais cela n’empêche que le PND a quelques problèmes
en ce moment ». Hani Aziz est fidèle à son parti, il dit
apprécier l’ouverture économique de Sadate et la démocratie
de Moubarak. Il reproche tout de même au régime de ne pas
pouvoir remédier au chômage et à la pauvreté qui, selon lui,
freinent la croissance du pays. « La plupart des
municipalités regroupent des coptes. Dans le temps, on se
tenait un peu à l’écart de la politique et l’on s’abstenait
d’y prendre part. Cela a changé de nos jours, il y a même
pas mal de coptes qui se joignent au PND au pouvoir », dit
Hani Aziz, accusé par ses adversaires d’être « simplement à
la recherche de ses propres intérêts et de ne pas accorder
beaucoup d’attention aux problèmes des coptes d’Egypte,
et qui parle surtout du principe de la citoyenneté ». Un
terme qui signifie plutôt, à ses yeux, l’acceptation et le
respect de l’autre.
« On ne
peut pas affirmer qu’en Egypte, les coptes sont discriminés
ou persécutés, sauf à quelques exceptions près. Nous sommes
tous, à la différence de notre religion, des citoyens
égyptiens. Personnellement, je n’ai jamais refusé de rendre
service, mais parfois, c’est l’Eglise-mère qui doit trancher
certaines questions », indique Aziz, qui est, rappelons-le,
conseiller de l’Union des Egyptiens à l’étranger. Un poste
qui l’intéresse plus que les autres, même s’il rejette
l’appellation courante de « Aqbat al-mahgar » (coptes
émigrés). Il revendique par ailleurs le droit de vote des
Egyptiens à l’étranger, « puisqu’ils possèdent des cartes
d’identité égyptiennes ». « Ma mission est de viser surtout
les troisième et quatrième générations d’Egyptiens à
l’étranger. Ceux qui ignorent totalement la grandeur de
l’Egypte et sa gloire passée », précise Aziz. Et au
businessman d’ajouter : « Je suis en train de fonder une ONG
que j’autofinance, pour prendre soin des besoins et
problèmes des Egyptiens à l’étranger ». Cette ONG n’est pas
censée remplacer l’Union des Egyptiens à l’étranger, « mais
elle doit compléter. Elle aura plus de prérogatives et une
plus grande flexibilité, et va recourir à des bureaux
d’expertise occidentaux. Car les ambassades égyptiennes à
l’étranger n’ont ni cabinets d’avocat ni de budget pour
prendre tous les problèmes en charge ». Aziz a commencé les
procédures nécessaires à la création de son ONG il y a près
d’un an environ. Et sa demande va bon train. Entre-temps, il
organise des colloques du 29 au 31 juillet prochain aux
Etats-Unis pour venir à bout des clichés. Cela, avec la
participation de plus de 1 000 jeunes Egyptiens résidents
dans ce pays. « Avec ces colloques, les jeunes rencontreront
le grand cheikh d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayeb, et le pape
Chénouda III », dit Hani Aziz, ajoutant : « Nous étions très
anxieux de savoir qui prendrait la tête d’Al-Azhar après le
vénérable cheikh Tantawi, mort subitement. Nous sommes
chanceux d’avoir le cheikh Al-Tayeb, c’est quelqu’un de très
cultivé et ouvert d’esprit. Il est capable de s’adresser à
l’Occident et de protéger l’islam ».
Névine Lameï