L’ambassadeur
Mahmoud
Rached
Ghaleb, directeur
de l’Administration de
l’observatoire de la
société
civile auprès de la
Ligue arabe,
évoque les rapports
tendus
entre les gouvernements
et les ONG arabes.
«
Il y a un
manque de confiance
entre
gouvernements arabes et
ONG »
Al-ahram
hebdo
: En quoi consiste le
rôle de
votre administration ?
Mahmoud
Rached
Ghaleb :
Depuis que
l’Observatoire a
été fondé
il y a 8
ans, il a
été chargé de
coordonner
entre les organisations
de la société
civile et
entre ces
dernières et les
gouvernements
arabes.
Ceci a permis de
jeter des
ponts de coopération
entre les ONG au
niveau international
et les
organisations arabes et
ce, dans
le cadre de la tendance de la
Ligue à
encourager le dialogue et l’action
arabe commune.
En
effet,
l’expérience occidentale
dans la
société civile
est très
riche et très
développée en
comparaison avec
l’expérience
arabe qui fait encore
ses
premiers pas. Dans
ce
contexte,
nous préparons
une
conférence pour les ONG arabes
et européennes
à Berlin.
—
Pensez-vous
avoir réalisé les
objectifs de la
création de
l’Observatoire
?
— La
gestion
pratique a prouvé
que
l’Observatoire n’a pas
encore réalisé
tous
ses
objectifs. Malheureusement,
il y
a toujours un
manque de
confiance entre les 2
parties. D’un côté, les ONG se
plaignent
toujours des tentatives
des gouvernements de
marginaliser
leur rôle
et, en
contrepartie, les gouvernements
craignent
certaines organisations
accusées
d’avoir un agenda étranger
et œuvrent
à l’encontre des
objectifs
nationaux de la nation arabe.
Le
problème
essentiel réside
dans le fait
que dans
les tentatives de
rapprocher les points de
vue entre
les deux,
nous trouvons
qu’il y a
une exagération de la
part des ONG. Nous
tentons
donc de parvenir
à des points
communs en
assurant que les ONG
ne sont
pas des partis
politiques
et ne
peuvent
remplacer les gouvernements.
Elles
sont
partenaires dans la
constitution d’une
société
civile. Et en
même temps,
l’autre partenaire,
c’est-à-dire les
gouvernements,
doit donner
aux ONG l’occasion
d’exercer
leur rôle et de
participer au
processus de
développement. En
effet, si
les efforts de développement de
la société
civile sont
entravés,
ce n’est pas
à cause de
l’absence du
financement
mais de la non-application du
principe
essentiel dans la
fondation de
toute
société civile et qui
consiste à
placer chaque
personne là
où elle
doit être.
Les gouvernements
et parfois
certaines ONG
commettent
une erreur grave en
octroyant les
postes
importants à
une seule
famille ou
à un groupe
de personnes qui
ont les
mêmes intérêts.
C’est
ce
qu’on appelle la culture
de propriété
privée
concernant la nation.
Il y a
également un
autre
problème
: l’absence de la culture
de la société
civile dans
les pays arabes.
En effet,
peu sont
ceux qui
croient que les ONG
peuvent
collaborer au développement.
Les gens
ont l’habitude de
croire que
le gouvernement
doit
résoudre tous les
problèmes avec son
bâton
magique, ce
qui est faux. Par
exemple, après la
Seconde guerre
mondiale, les ONG
ont
contribué au développement
du Japon
et des Etats
européens qui
ont été
affectés par la guerre.
A
ce
propos, les législations
relatives à la
société
civile sont
très
importantes. Il
faut aussi
que les ONG
œuvrent à
gagner la
confiance du public et
à être
plus proches des
problèmes des
citoyens. Il
faut
cependant reconnaître
que dans
de nombreux pays
arabes, les
gouvernements ont
commencé à
accorder un intérêt
particulier aux ONG et
à leur
accorder un rôle plus grand
dans le
développement de la société,
ce qui
constitue un bon signe.
Il
y a également la question des
législations relatives
à l’action
des ONG dont
une grande
partie a
besoin d’amendements pour
devenir plus
utiles et
permettre aux ONG de mieux
agir dans
la société.
—
Est-ce que
vous pouvez
nous donner
des exemples des
réalisations
accomplies par
l’administration
?
—
Nous avons
organisé
une réunion des ONG
arabes en
décembre 2009 pour connaître
leurs
demandes. Nous
avons
surtout remarqué
que la
plupart des ONG se sont
plaintes de la
marginalisation
et réclament
plus d’intérêt et
d’opportunités pour
accomplir un
rôle plus
effectif dans la
société
arabe. Les ONG étaient
très
reconnaissantes pour cette
invitation ;
quelques-unes ont
appelé à
une surveillance des
élections et
à leur
permettre
d’exprimer leurs avis
dans
l’agenda du
Conseil
économique et social de la Ligue
arabe.
Nous
avons
recommandé l’étude de
ces
réclamations.
Nous
avons
également appelé
à la discussion
d’une question
arabe critique qui
est
le déracinement des mines
antipersonnel enterrées par les
forces étrangères
dans le monde
arabe comme
c’est le
cas à Al-Alamein
en Egypte.
Ces mines ont en
effet fait de
nombreuses
victimes et
ont, en
même temps, empêché les
pays arabes de
profiter de
vastes superficies de
territoires qui peuvent
aider à
leur
développement. De plus, Israël
a laissé des mines
dans
certains territoires
arabes.
Nous
avons donc
décidé
d’aider les ONG dans
cette mission
et les
gouvernements ont
favorablement
accueilli
cette initiative.
—
Que
pensez-vous des organisations
classées
comme observateurs au
sein du
Conseil
économique et social de la Ligue
arabe
?
—
Vous serez
surpris de savoir
que c’est
le département des
droits de
l’homme qui a donné
cette
qualité aux ONG, malgré
la délicatesse
du dossier.
Lorsque la Ligue
arabe a
voulu ouvrir
la porte
aux ONG au sein
du Conseil
économique et social,
elle s’est
référée à
l’expérience
du comité
arabe permanent des
droits de
l’homme. Nous
avons
aujourd’hui au moins 34
organisations
observatrices
œuvrant
dans différents
domaines
comme l’enfance, les
médias,
l’environnement, le Forum arabe
des médias et de
l’environnement
ainsi que
l’Union des
hommes de droits
arabes qui
regroupe un nombre de
personnalités
éminents
dont Mohsen
Aïni, ex-premier
ministre du
Yémen et le Dr
Moufid
Chéhab …
—
Que
pensez-vous du
principe du
financement
étranger
?
— Le
financement
étranger est
une arme
à double
tranchant. Il procure
à
l’organisation des fonds
qui lui
sont peut-être
nécessaires,
mais il
constitue en
même temps
une chaîne
serrée
autour de son cou, car
elle est
obligée
d’exécuter les désirs
du donateur
et non pas les siens.
Il est
vrai que
certains rapports
sont
exagérés et je
crois que
ceci est
dû au fait
que les organisations
adressent
leurs rapports aux pays
donateurs en contrepartie
du
financement qu’elles
perçoivent.
Cela est
dangereux
parce qu’il
affecte la
crédibilité de l’organisation
et la prive de son
indépendance. En
lisant les rapports de
certaines
organisations, nous
découvrons
qu’elles dépassent les
lignes rouges relatives aux
valeurs de la
société et
ses
croyances, ce qui a
affecté la
crédibilité de ces
organisations
dans leur
environnement local. En
effet,
certaines organisations
ont acquis
une
renommée à
l’étranger,
alors qu’elles
passent
quasiment inaperçues
dans les pays
arabes et
dans leurs
propres pays.
Toute
atteinte aux valeurs
et aux cultures des
peuples les
amène à
repousser
ces organisations et
à refuser
leurs interventions
dans la
société civile,
même si
cette intervention
est utile.
Propos recueillis par
Atef Saqr