Al-Ahram Hebdo,Invité | Alfred dan moussa, «  Nous menons campagne pour qu’un journaliste ne se retrouve pas en prison »

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 Semaine du 16 au 22 juin 2010, numéro 823

 

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Invité

Alfred Dan Moussa, président international de l’Union internationale de la Presse Francophone (UPF), s’exprime sur les missions, les ambitions et les objectifs de cette organisation qui, avec plus de 3 000 membres dans 110 pays et régions du monde, célèbre cette année ses 60 ans.

«  Nous menons campagne pour qu’un journaliste ne se retrouve pas en prison »

Al-ahram Hebdo : Comment percevez-vous votre mission en tant que successeur d’Hervé Bourges, également ancien président de Radio France Internationale (RFI) ?

Alfred Dan Moussa : C’est en effet en 2007 que j’ai succédé à M. Hervé Bourges, qui est un grand homme de médias et à réputation internationale. Je tiens ici à lui rendre hommage non seulement de ma modeste part, mais aussi de la part des professionnels qui se reconnaissent comme tels. Il m’a fallu donc prendre pleine possession de mes responsabilités, approcher les uns et les autres à travers une lettre circulaire que j’ai pensé nécessaire d’envoyer tous les mois aux différentes sections de l’Union. Pour moi, cela était important non seulement parce que je venais d’être porté à la présidence internationale de l’UPF mais aussi parce que j’ai réalisé qu’il fallait donner un signal régulier, c’est-à-dire tous les mois, à tous les membres, de façon à ce que chacun et chacune se rappelle qu’il a des engagements vis-à-vis de cette Union et que tous, nous devions travailler à la conforter, à faire en sorte qu’elle soit au rendez-vous des organisations professionnelles internationales et qu’elle puisse tirer son épingle du jeu. Cette lettre circulaire s’appelle « Trait d’union » parce que justement, il faut créer entre les membres un trait d’union. Ensuite, je me suis imposé un calendrier de travail traduit en actes. Je veux ici prendre un exemple qui pourrait suffire à voir la dimension des autres projets, et qui est de numériser le fonds documentaire de l’UFP. Car je pense qu’il est temps pour ses 60 ans, et à l’heure du numérique, que tous les documents physiques du siège puissent être accessibles au plus grand nombre. Cela fait partie des projets pour lesquels je cherche avec les vice-présidents internationaux et les autres personnes de bonne volonté, un financement pour traduire en réalité ce projet.

— L’UPF est reconnue auprès d’organisations internationales comme l’OIF et l’Onu. Quelles actions concrètes mène-t-elle auprès de ces organismes ?

— L’UPF n’a pas d’action particulière à mener vis-à-vis des organisations internationales. Ce qu’elle fait, c’est de s’occuper des journalistes, de leur donner rendez-vous chaque année, comme elle réussit à le faire à travers les Assises internationales de l’UPF, pour que chaque professionnel de l’information se rappelle que c’est un métier qui se renouvelle d’une année à l’autre et si les uns ont la chance de se former dans des écoles de formations professionnelles, d’autres après des diplômes universitaires atterrissent directement dans les rédactions. Ceux-là ont besoin d’être aidés, d’être soutenus. Certains ont des expériences éditoriales réussies, d’autres des expériences qui ont échoué, mais ces échanges entre ces différentes expériences devraient pouvoir être des moments de renforcement de capacités. Je pense que les Assises internationales sont un appel fort qui est lancé aux rédactions, aux journalistes, aux confrères et aux consœurs. Et je voudrais féliciter le bureau international, le comité international et le secrétaire général qui ont ensemble redoublé d’efforts pour créer, en l’espace de six mois, deux Assises internationales. En novembre 2009, nous étions à Yaoundé au Cameroun et 6 mois plus tard, nous nous retrouvons au mois de juin 2010 au Maroc, à Rabat. Je pense que c’est ce genre d’initiatives dont nous avons besoin pour ramener dans la maison commune tous ceux d’entre nous qui doutent encore de l’efficacité de notre Union. Elle est d’ailleurs rejointe par un certain nombre d’organisations comme le Comité de protection des journalistes qui a une dimension internationale, la Fédération internationale des journalistes, Reporters sans frontières et l’Association mondiale des journaux. Alors l’UPF n’est plus seule, il faut qu’elle le sache, qu’elle s’en rende compte en posant des actes forts pour renforcer sa position de leader, de plus vieille association francophone.

— L’UPF peut-elle vraiment atteindre ses objectifs sans un rapprochement ou même simplement des échanges avec les organisations de la presse anglo-saxonne ?

— L’UPF entretient des relations diverses avec tout ce qui peut exister dans ce secteur comme organisations, parce que, après tout, nous avons en commun non seulement de faire le même métier avec les mêmes règles mais aussi une préoccupation et des principes chers des journalistes qui sont tout le temps en difficulté dans telle région ou telle autre au moment même où ils s’en vont collecter l’information pour le plus grand bien du public. A partir de ce moment-là, les organisations professionnelles, qu’elles soient francophones ou anglo-saxonnes, ne peuvent pas s’ignorer. D’ailleurs, elles se connaissent, se fréquentent et sont aux côtés de tous les journalistes quelles que soient leur origine ou leur nationalité, qui rencontrent des difficultés dans l’exercice de leur métier.

— De nombreux pays, et certains sont membres de l’Organisation internationale de la Francophonie, exercent des peines privatives de liberté. Comment luttez-vous contre cela?

— L’UPF a à cœur de mener ce combat depuis une dizaine d’années, en saisissant le sommet des chefs d’Etat francophones pour qu’il en fasse sa préoccupation, mais l’Union va aussi de pays en pays pour expliquer le bien-fondé de la dépénalisation des délits de presse. L’emprisonnement d’un journaliste s’apparente à l’emprisonnement pour délit d’opinion. Or, nul ne peut emprisonner un journaliste pour délit d’opinion. Je pense que les Etats qui sont signataires de la Déclaration universelle des droits de l’homme doivent s’abstenir d’emprisonner un journaliste pour délit d’opinion. Même lorsqu’il s’agit de délits de presse, nous menons campagne pour qu’un journaliste ne se retrouve pas en prison. Un Etat ne peut avoir un ministère des Affaires étrangères pour s’occuper de son image et en même temps se surprendre à emprisonner les journalistes. La sanction des rédactions et des journalistes doit être le fait des instances d’autorégulation qui sont des instances mises en place par les journalistes, qui eux-mêmes savent comment balayer devant leur porte. Nous avons nos arguments pour assainir notre profession, alors que les pouvoirs politiques et les pouvoirs publics fassent confiance aux journalistes et à leurs organisations professionnelles.

— Mais une telle mission nécessite aussi que les journalistes reçoivent une formation adéquate. Pourquoi l’UPF ne prend-elle pas des mesures dans ce sens ?

— Mais l’UPF est elle-même une école qui dispense des formations intenses et de courtes durées. Les Assises que l’UPF organise sont des espaces de renforcement de capacités. Lorsqu’un thème comme celui de la responsabilité sociétale et politique des médias est à l’ordre du jour des 42es Assises au Maroc en juin 2010, l’UPF fait intervenir des journalistes chevronnés pour interpréter et expliquer le thème et après 3-4 jours de débats, un journaliste revient dans sa rédaction plus fort et plus édifié qu’il ne l’était avant de venir aux Assises. L’Union est aussi préoccupée par le fait que le public même qui assiste à ces Assises a besoin d’être éduqué aux médias.

— Après les 41es Assises de Yaoundé en 2009, quelles avancées observez-vous sur le thème de la liberté et de la responsabilité des journalistes ?

— Comme je l’ai dit, à partir du moment où ces Assises sont des espaces de renforcement des capacités, chacun en part avec des idées. Lorsque vous êtes un responsable d’organisation professionnelle, que vous retrouvez vos pairs avec lesquels vous partagez les mêmes préoccupations, vous leur faites part de ce que vous avez vécu. Les organisations professionnelles deviennent de cette façon plus fortes, se nourrissent des idées qui ont été défendues au cours des Assises. Les journalistes qui y participent se rendent donc compte que la question de la liberté de la presse est un débat qui n’est jamais épuisé, que pour mieux revendiquer la liberté de la presse, il faut soi-même être irréprochable, il faut rester collé aux règles du métier pour être en très bonne position de revendiquer cette liberté et pour ne pas être pris à défaut dans l’exercice de son métier. Les journalistes comprennent l’appel que l’UPF leur lance à l’occasion de ces rencontres périodiques organisées d’un pays à un autre.

— Mais malgré cela, la crise économique actuelle et les restrictions budgétaires qu’elle provoque de toutes parts, n’est-elle pas un danger pour l’existence de la presse francophone ?

— Les rédactions n’ont pas à avoir peur de la crise. La notion de crise est, à mes yeux, permanente et il ne faut pas partir battus car dans ce cas, on ne fera rien pour renforcer nos entreprises. Nous devons nous armer d’imagination, d’initiatives et faire un travail propre qui accroche le public qui veut nous lire, nous écouter, nous regarder. Donc, il faut lui proposer un produit qui soit digeste. Donc les crises sont des appels qui sont lancés pour imaginer un contenu éditorial qui accroche. C’est important, on ne doit pas démissionner au nom de la crise. Au contraire, les crises doivent être là pour réveiller notre attention. Car le public, lui, attend toujours de savoir. Et nous devons répondre à cette attente par obligation morale. C’est vrai qu’il y a de la concurrence et de la compétition entre les médias, mais à un moment donné, nous devons nous souvenir de ces impératifs.

— Au-delà du défi posé par la crise économique, quel est votre objectif le plus cher ?

— Mon souci est de faire de l’UPF une Union où la gestion, où le mode de fonctionnement, est un souci pour chacun et chacune. Nous pourrons ainsi affronter le cœur vaillant les difficultés qui pourraient se présenter à nous, et nous n’avons pas le droit de faillir. Toutes les organisations qui naissent, pour certaines, n’arrivent pas à traverser les 20, 30 ou 40 ans. L’UPF a réussi à atteindre 60 ans et s’achemine donc allègrement vers ses 100 ans. Cela doit être des motivations assez fortes pour nous permettre de penser et repenser l’UPF. C’est un devoir pour moi et je me bats pour qu’il en soit ainsi et pour qu’au rendez-vous des organisations professionnelles des médias, l’UPF n’ait pas honte.

Taïmour Hubert

 




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