Pur
Sang d’Egypte.
Nasr
Marei,
juge,
éleveur et
photographe
passionné, présente « le
plus classique des
chevaux
arabes » dans son dernier
ouvrage.
Entretien.
«
L’élevage se
rapproche plus de
l’art que
de la science »
Al-Ahram
Hebdo
: Sait-on
à quand
remonte
précisément l’origine des
chevaux
arabes ?
Nasr
Marei
:
On
retrouve
certaines traces dans le
Croissant fertile aux alentours
de 2300 av. J.-C. Mais la race
en tant que
telle,
c’est-à-dire l’apparition
de son élevage pour
préserver
ou améliorer
ses
caractéristiques,
remonte aux
IIIe ou
IVe siècles
avant notre
ère dans
la péninsule
arabique. En
Egypte,
c’est avec l’apparition
de l’islam
que se développe
réellement la race
arabe,
alors souvent
associée aux
conquêtes et
aux batailles. Durant de
nombreux
siècles, le cheval arabe
restera un
symbole
d’honneur, de richesse et
de générosité.
Mais c’est
sous
Mohamad Ali que commence
véritablement
l’histoire
moderne de la race arabe
en Egypte. Car
c’est à
cette époque
que l’on
commence à
garder des traces sur les
origines des
chevaux
: leurs
qualités,
leurs défauts,
mais
surtout leur ascendance,
élément central
à tout
élevage.
—
Existe-t-il,
à
proprement parler,
une race
arabe
égyptienne ?
— Il
existe
différents types de chevaux
arabes
ayant développé des
caractéristiques
différentes.
L’histoire
du cheval arabe en Europe
commence avec les croisades,
quand les chevaliers, par les
qualités de
cette race, rapportèrent
dans leurs
pays des modèles
arabes. Par
un jeu de
croisements et de
programmes
d’élevage, il
apparaîtra des branches
bien
distinctes de type arabe,
et l’on
peut aujourd’hui
parler de
chevaux arabes
polonais,
anglais ou de la
péninsule
arabique. Quant à
l’égyptien,
il représente environ 3
à 4 % de la population
mondiale des
chevaux
arabes pour une
population évaluée
entre 4 000 et 5 000
chevaux.
—
Vous êtes
aussi juge
dans les
concours internationaux
de chevaux
arabes, comment décrirez-vous
la race égyptienne
?
— Elle
représente, pour
une
majorité d’experts, le
type le plus classique de
chevaux
arabes. Comparée par
exemple au
polonais, le cheval égyptien
est
plus petit, plus carré.
Sa croupe
est
raccourcie, son chanfrein
plus incurvé.
Ses
naseaux
doivent être
ouverts,
ses oreilles petites. Les
juments ont
une
encolure fine alors
qu’elle
est plus massive chez les
étalons. Le
poitrail est
aussi plus
ouvert. Personnellement,
je place la race
égyptienne
très haute sur
une échelle
de beauté
allant de 1 à 10,
mais ceci
n’engage
que moi
! Et
chaque race possède
ses propres
avantages. Pour
autant,
quand un éleveur
à
l’étranger sent que
sa lignée
s’éloigne trop
du type
arabe traditionnel,
il fait
appel à
du sang
égyptien pour réintroduire,
disons, plus de
classicisme
dans son élevage.
—
Vous êtes
dans votre
famille la
troisième génération
d’éleveurs. Comment
préservez-vous les
caractéristiques
particulières de la race
égyptienne tout en
vous conformant aux
critères de
beauté
internationaux ?
— Les
critères
internationaux varient
d’année en
année. Il serait
aujourd’hui impossible de
remporter un prix avec un cheval
présentant
tous les standards de beauté
d’il y a
dix ans. Pour ne pas
perdre le type
égyptien,
nous avons
établi des points
très simples qui consistent
à garder
la même
ligne de base tout en la
raffinant. Une des
règles les plus
évidentes
est de
ne pas infuser de sang
étranger
dans le modèle
arabe
égyptien. Si
nous
faisons appel
à des
chevaux étrangers,
ils
doivent
impérativement être de
lignée
égyptienne et en présenter
toutes les
caractéristiques. L’essentiel
est,
avant tout, de
voir le long
terme dans
l’élevage, de
ne pas
cesser d’évoluer, de
chercher la perfection
mais à
l’intérieur de
critères de base
préétablis.
L’élevage
est loin d’être
une science
exacte. Certaines
qualités
peuvent sauter
une
génération, un
croisement de
deux
chevaux splendides
ne donnera
pas obligatoirement un
poulain
alliant les qualités
optionnelles de
ses deux
parents. Pour moi,
l’élevage se
rapproche plus de
l’art que
de la science.
—
C’est cela
que vous
avez voulu
montrer
dans vos
photographies
?
—
Bien sûr.
Mais un
cheval n’est pas
une statue.
Je me
désintéresse
d’obtenir des
critères de
beauté remarquables
s’ils ne
sont pas
assortis de qualités
physiques d’endurance
ou de
vitesse, par exemple.
Dans mes
photographies,
mes chevaux
sont
toujours en mouvement,
l’œil
est en
éveil,
attentif. Il
est
fréquent que le cheval
regarde
directement l’objectif de
mon
appareil avec des attitudes
changeantes selon les
clichés. On ressent
une interaction,
un jeu
entre le
photographe et le cheval.
Mais
j’ai aussi
choisi de les
présenter
dans une
grande
liberté d’action.
Les chevaux
ne sont
ni
montés, ni
harnachés,
leurs mouvements
sont
toujours libres
que la
photographie soit
dans une
carrière ou
à
l’extérieur.
— En fin
de compte,
quels sont, en
Egypte, les
moteurs de perpétuation
de l’élevage
du cheval
arabe
égyptien ?
— Il y a
bien sûr
les prix et les
concours qui
sont autant
de récompenses pour les
éleveurs.
Mais l’élevage en
Egypte
est
avant tout une question
de traditions. La beauté,
l’esthétisme
inégalé de la race
égyptienne,
ses qualités
exceptionnelles
viennent
nourrir une passion et un
amour qui existent en Egypte
depuis un grand
nombre de
siècles pour ces
chevaux
très
particuliers.
Propos recueillis par Alban de
Ménonville