Al-Ahram Hebdo, Egypte |Négociations au goutte à goutte
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 Semaine du 19 au 25 mai 2010, numéro 819

 

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Egypte

Nil. L’Egypte a rejeté vendredi un nouvel accord signé entre quatre pays d’Afrique de l’Est sur le partage des eaux du fleuve, alors que des voix s’élèvent pour appeler le gouvernement à plus d’engagement dans son environnement africain.

Négociations au goutte à goutte

« L’Egypte n’adhérera et ne signera aucun accord qui affectera sa part » dans l’utilisation des eaux du Nil, a déclaré dans un communiqué le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hossam Zaki, en réaction à l’accord paraphé vendredi par quatre pays riverains et qui remet en question son quota des eaux du fleuve. Le ministre des Ressources hydrauliques, Mohamad Allam qui, pendant des mois, a relayé ce genre de messages fermes et inconditionnels et a attendu jusqu’à samedi pour parler de « négociations et de coopérations ». Tout en assurant que l’Egypte prendra « les mesures légales et diplomatiques nécessaires pour défendre ses droits ». Le ministre a révélé une réunion — encore hypothétiqueà Alexandrie des pays du Bassin du Nil pour discuter des points litigieux et aboutir à un nouvel accord susceptible d’assurer « le développement et la paix sociale » de tous les pays concernés.

Réunis vendredi à Entebbe, les représentants de l’Ethiopie, de l’Ouganda, du Rwanda et de la Tanzanie ont signé cet accord en négociation depuis une dizaine d’années entre les neuf pays riverains du fleuve pour un partage qu’ils jugent « plus équitable » de ses eaux. L’Egypte et le Soudan, intransigeants sur leurs droits historiques sur le Nil, avaient clairement exprimé depuis plusieurs mois leur hostilité à ce projet de nouvel accord-cadre.

Le traité actuel de partage des eaux, élaboré en 1929 par le colonisateur britannique, puis amendé 30 ans plus tard, attribue 55,5 milliards de m3 à l’Egypte et 18,5 milliards au Soudan, soit au total 87 % du débit du fleuve. Il octroie en outre au Caire un droit de veto sur tous les travaux susceptibles d’affecter le débit du fleuve, qui fournit à l’Egypte 90 % de ses besoins en eau.

L’Ethiopie, la Tanzanie, l’Ouganda, le Kenya et la RDC contestent cette répartition. Les négociations menées depuis dix ans se sont soldées mi-avril à Charm Al-Cheikh par un constat de désaccord entre l’Egypte et le Soudan d’une part et sept autres pays de l’amont, porteurs du projet d’Entebbe.

Le Caire et Khartoum craignent que leur approvisionnement en eau ne soit drastiquement réduit avec ce nouvel accord-cadre, qui prévoit de nombreux projets d’irrigations et de barrages hydroélectriques dans les pays en amont.

Le nouveau texte ne mentionne aucun chiffre, ni en volume ni en m3, sur le futur partage des eaux, mais il « annule » les traités de 1929 et 1959. Il autorise les pays du bassin à utiliser toute l’eau qu’ils jugent nécessaire, dans la mesure ils ne portent pas préjudice aux autres pays de l’aval.

Une commission du Bassin du Nil, qui serait basée à Addis-Abeba, devrait se charger de recevoir et approuver tous les projets (irrigation, barrages ...) concernant le fleuve. Elle devra compter des représentants des neuf pays concernés.

Hani Raslane, chercheur au Centre d’Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, dénombre trois points contentieux dans l’accord-cadre signé vendredi. « Le texte n’a souligné explicitement ni le respect du quota de l’Egypte ni son droit de veto sur les travaux susceptibles d’affecter le débit du fleuve. De plus, son adoption a eu lieu sans l’unanimité pourtant requise des pays concernés », affirme-t-il.

Concernant l’impact de cette évolution, Raslane pense qu’il ne sera pas ressenti dans l’immédiat étant donné que les pays signataires n’ont ni intérêt à provoquer un excès d’eau derrière des barrages, ni les moyens financiers ou l’expertise nécessaire pour ériger des travaux de taille. « Cela dit, le danger se profile à l’horizon, surtout que ces pays ont officiellement exprimé leur intention de s’engager dans des projets sans tenir compte du quota de l’Egypte », estime le chercheur.

Pourtant, selon le ministre des Affaires parlementaires et juridiques, Moufid Chéhab, l’accord d’Entebbe ne sera tout simplement pas appliqué, Le Caire et Khartoum n’étant pas signataires.

Outre son droit « incontestable », l’Egypte compte sur la position de la collaboration des bailleurs de fonds pour bloquer le financement nécessaire pour les travaux susceptibles d’empiéter sur son quota. En effet, la Banque mondiale et les donateurs occidentaux ont toujours exprimé leur rejet de financer de tels projets sans l’aval de l’Egypte.

Et dans le tumulte des déclarations officielles condamnant l’accord d’Entebbe, des voix s’élèvent appelant à une réévaluation des priorités de la diplomatie égyptienne qui a depuis longtemps « tourné le dos » au continent africain.

Amin Al-Mahdi, expert en droit international et ancien juge au Tribunal Pénal International (TPI), critique le ton défiant des officiels qui se contentent d’invoquer les « droits historiques » de l’Egypte sur le Nil. « Ceux qui sont confiants en la légitimité de leur position n’ont pas besoin de hausser le ton en multipliant les non, les impossibles et les jamais », dit-il. Sans remettre en question lesdits droits de l’Egypte, il estime que « se contenter des revendications ne servira pas beaucoup la cause ».

La solution ? Le magistrat écartedu moins pour le moment — l’option de l’arbitrage international dans la mesure celle-ci nécessite l’acceptation de toutes les parties impliquées. Selon lui,  « la dimension politique du dossier exige la recherche d’un compromis fixant les droits et les obligations des divers pays », affirme-t-il. Il estime que l’Union africaine serait un cadre idéal pour de telles négociations et appelle le gouvernement à solliciter la médiation de personnalités de  poids, connues dans les cercles africains, notamment l’ancien secrétaire général de l’Onu Boutros Boutros-Ghali.

Pour le chercheur Raslane, la solution se trouve dans le cadre de la coopération. « Les pays en amont aiment parler du débit du fleuve sans tenir compte des eaux perdues par évaporation et par infiltration dans les milieux équatoriaux. Celles-ci tenues en compte, les quotas de l’Egypte et du Soudan ne sont, en fait, pas à hauteur de 87 %, mais de 5 % », explique-t-il. Ce qu’il faut donc c’est s’engager avec ces pays dans des projets de développement pour minimiser les pertes et assurer une meilleure exploitation de cette ressource. Les déclarations officielles les plus récentes indiquent que l’Egypte irait dans cette direction.

Chérif Albert

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