Al-Ahram Hebdo, Visages | Basma Al-Husseini, Vie et art sont indissociables
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 12 au 18 mai 2010, numéro 818

 

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Visages

« Travailler avec les gens pour créer », telle est la devise de Basma Al-Husseini. Sommité dans le monde du management culturel, elle représente un espoir incontesté pour les jeunes artistes avec l’institution qu’elle a fondée, Al-Mawred al-saqafi (ressource culturelle).

Vie et art sont indissociables

Basma al-husseini, grande, mince, toujours habillée de façon originale, sourire franc et pleine d’assurance, est une femme à l’allure active, d’un esprit de large envergure. Sa profonde connaissance de l’être humain, elle l’a acquise grâce à son travail assidu dans le monde artistique. Pour dire combien la vie et l’art peuvent être une expérience indivisible. L’une émanant de l’autre et vice versa. Comme si ces deux éléments ne trouvaient leur sens qu’en se confondant. D’ailleurs, son parcours, d’amatrice à professionnelle, le montre bien.

Elle n’avait pas encore terminé sa quatrième année de licence alors qu’elle se trouvait à Beyrouth pour rejoindre son père en été, Basma va rejoindre la troupe de Roger Assaf Al-Hakawati, où le principe du travail collectif était de rassembler les histoires des gens pour ensuite constituer un texte à partir d’improvisations basées sur des expériences personnelles. C’est là et c’est ainsi qu’elle va adopter ce concept — qu’elle gardera d’ailleurs toujours — qui rassemble vie et art dans une fusion exceptionnelle. Elle a à peine 22 ans.

Très vite, elle fonde (avec l’écrivain Raouf Mossaad) sa propre troupe au Liban, formée par des Egyptiens qui habitaient les bidonvilles de Herch où elle a élu domicile elle-même durant six mois. Beaucoup de ses compatriotes, devenus artistes le temps d’un spectacle, avaient participé à ce que le gouvernement avait appelé « le soulèvement des voleurs » alors que les prix avaient augmenté subitement, en une nuit, et que le peuple, en réaction, était descendu spontanément dans la rue pour exprimer son mécontentement. Ces deux journées mémorables (17 et 18 janvier 1977) sont à la source de la pièce intitulée Les histoires de janvier. Chacun avait rapporté des incidents vécus, des souvenirs encore frais et une habilité artistique qui cherchait à s’épanouir. Ainsi, l’un chantait, l’autre dansait, un troisième jouait d’un instrument tandis que la plupart se sont découverts des dons de comédien. Une petite tournée, en plus des représentations dans les camps palestiniens, ont fait la joie de tous ceux qui ont toujours été privés de tout divertissement et qui n’ont jamais eu accès à la moindre part de culture. La guerre civile terminée, Basma rentre au Caire.

Avec ce bagage communautaire et artistique, avec une confiance en soi et un enthousiasme débordant, elle a un but : continuer ce genre de travail dans un quartier populaire. Avoir un objectif et décider avec obstination et persévérance de le réaliser, c’est ce qu’elle a appris de sa mère dont la persistance est la règle. Elle se met alors d’accord (nous sommes en 1987) avec le député de Bab Al-Chaariya Mahmoud Zeinhom, pour travailler sur la terrasse d’une association qu’il dirigeait. A ce propos, elle raconte : « C’est ce théâtre, avec les gens, que j’aime et je crois savoir faire. Il y avait un groupe de Nassériens, dont le poète Omar Negm, avec qui nous avons rassemblé les faits et récits de L’histoire des passants à tout venant. Parmi ces chroniques anecdotiques figurait celle d’un cordonnier qui vivait avec sa famille dans une échoppe de 5 m2 ; à leur réveil, ils devaient changer la scénographie de l’espace afin de recevoir les clients et leurs godasses. Un tableau non moins émouvant était la scène d’un architecte à qui, partout, on refusait un poste à cause de son adresse, étant domicilié dans une ruelle, et de son ignorance de la langue anglaise. En réalité, c’était une question de classe ». Elle a la chance d’avoir Chant Avedissian pour le décor. Et la malchance de devoir traiter avec les « officiers » de la censure. Situation étonnante : la police se mêle de ce qui ne la regarde pas. Avertie par la non-légalité de leur présence, Basma ne cède pas, elle tient ferme. Ainsi, le spectacle fut présenté sans y rien omettre. Première des petites et grandes victoires qu’elle continuera de remporter tout au long de sa carrière ininterrompue, où elle ne cesse de rencontrer de petits et gros problèmes. C’est grâce à des stages de négociations (cela existe !) qu’elle a appris à régler les situations difficiles.

La décision de Basma Al-Husseini de travailler avec les gens semble être un choix politique. « Peut-être, dit-elle, mais c’est surtout le côté collectif qui m’intéresse. Quant à la politique, j’appartiens à une famille de gauche. Du socialiste au communiste, partisan ou sympathisant. De cette tribu, j’ai retenu une valeur à laquelle je ne déroge pas : la justice ». Son père, Moustapha Al-Husseini, journaliste de renommée dont elle a été profondément influencée et qu’elle prend souvent en exemple, est connu pour son esprit critique et indépendant ainsi que sa liberté d’action. Elle aussi croit à l’autonomie et la responsabilité légitime et morale des individus, elle dénie tout pouvoir central ou autorité non justifiée. Elle déteste la hiérarchie, cette forme pyramidale qui va à l’encontre de la liberté, et où, au haut, ne se trouvent en général que ceux qui crient le plus fort, les imposteurs et corrompus. Elle ne reconnaît que le mérite des principes moraux qui, seuls, permettent d’accéder au sommet.

Du grand poète Fouad Haddad, elle a appris l’engagement envers la majorité, les démunis de la société. « En ce temps, j’ai cru que l’islam pouvait me réconcilier avec la majorité, voulant me soustraire aux exceptions. Je portais des blouses à manches longues mais je n’ai pas été voilée. Ensuite, quand la majorité est devenue wahabite, je ne voulais plus lui ressembler. Eux qui dénigrent les femmes ». Elle avait appris de Haddad que l’on pouvait être croyant sans se soumettre à la religion officielle et aux idées islamistes régnantes, la religion étant une idée abstraite. A chacun sa religion, aurait-elle dit. Elle a trente ans.

Fonctionnaire de bureau, employée, secrétaire, agent de publicité, elle accepte différents travaux pour gagner sa vie jusqu’au jour où le British Council lui propose enfin un poste qui va rendre possible un rêve tant souhaité : travailler au service de la culture. Gagner sa vie dans le domaine culturel. Un tournant décisif. Durant dix ans, elle va programmer les manifestations de ce centre qui sait investir le potentiel actif de ses animateurs culturels. Une longue et solide expérience qui lui garantira un poste exécutif et de haute responsabilité auprès de la fondation Ford. Un poste régional, au niveau des pays arabes. Dix ans encore où elle assure la gestion culturelle et artistique. Elle sait imaginer un plan de travail, réalisable et durable, pour un horizon plus vaste qu’auparavant, elle sait comment peuvent se compléter et se croiser différents domaines artistiques, elle sait surtout résoudre les problèmes inattendus, elle prend des décisions, elle fait travailler des équipes avec souplesse et fermeté.

Nous sommes en 2004. Basma Al-Husseini est prête pour fonder sa propre institution culturelle : Al-Mawred al-saqafi (ressource culturelle). Les 20 ans passés dans ce domaine ont fait mûrir sa vision globale de ce que pourrait être un travail ciblé pour les jeunes de moins de 35 ans ; elle travaille par étapes afin de consolider un cumul artistique et culturel, seule caution pour l’épanouissement d’un projet de longue haleine. Elle a bien retenu l’un des principes de vie que son père avait toujours adoptés : classer par ordre d’importance les priorités. « Je voudrais user d’un cliché pour définir ma conception : la culture est aussi vitale que le pain. Mais cela nécessite de l’imagination. Ainsi, comme pour réaliser un produit artistique, savoir gagner son pain exige de l’imagination. Cette faculté, en plus de l’appréciation de la beauté, peuvent sortir les gens de leur misère. J’en suis convaincue ». Le problème que rencontrent les artistes, à son avis, n’est ni les instances officielles, ni les lois, encore moins l’argent. Le handicap qui freine le processus de création se situe au niveau des artistes eux-mêmes : manque d’imagination et de courage, mais aussi précarité d’institutions culturelles. Basma pense que son devoir est de préparer le train pour que chaque passager trouve sa place. Elle veut soutenir les artistes pour qu’ils puissent mieux s’exprimer, à condition que leur art soit à la portée de tous.

Al-Mawred affronte actuellement des problèmes budgétaires qui inquiètent sa directrice, étant donné que les subventions proviennent d’institutions étrangères et que la crise mondiale lance constamment des défis. Basma se demande comment pourra-t-elle développer son travail sans le soutien de « locaux », disons, par exemple, du Fonds de développement culturel égyptien ? Ce dernier a quand même mis la base d’une future coopération possible en offrant au Mawred des locaux pour son festival du printemps qui se déroule jusqu’au 22 mai 2010.

Menha el Batraoui 

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Jalons

26 novembre 1983 : Naissance de son fils Moustapha.
29 novembre 1989 :
Naissance de sa fille Leïla.
1er avril 2004 :
Fondation d’Al-Mawred al-saqafi (ressource culturelle).

 




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