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 Semaine du 7 au 13 avril 2010, numéro 813

 

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Professeur de droit et éminent juriste, Mohamad Nour Farahat n’a qu’un cheval de bataille : l’Etat de droit d’où découlent la citoyenneté, la démocratie et la liberté d’expression. Sur ce point, il ne fait aucune concession.

Le Citoyen

Dans un monde tenté par des doctrines oppressives, cet homme a décidé de se vouer à défendre une cause qui se veut à l’encontre de l’oppression : La démocratie, la liberté et les droits de l’homme. Un concept inaliénable et universel qui n’est pas fondé sur les particularités culturelles mais plutôt sur la raison. Pour Mohamad Nour Farahat, la profession d’avocat est la mise en fonction de la Constitution et des lois pour servir l’existence de l’individu et de l’humanité.

Jeune, Farahat était à la fois épris par l’étude du journalisme, de la philosophie et du droit. Une fois le baccalauréat en poche, le choix n’était pas évident. Les trois disciplines n’ont-elles pas en commun les soucis de questionnement, de réflexion et de la recherche des trois grandes valeurs : la vérité, le bien et le mal ? Fils d’avocat, il a enfin décidé d’effectuer des études en droit, pour se spécialiser plus tard dans la philosophie de la loi. « On est toujours inconsciemment influencé par son père », dit-il avec le sourire. Partant de son principe de vie, la liberté, il a donné libre cours aux tendances de ses deux fils. L’aîné, Ali, est chercheur en science de l’espace. Or, le cadet Omar a choisi de suivre le même chemin que son père.

« Après la licence, j’ai été nommé chercheur au Centre de recherches juridiques et criminelles où j’ai appris la complémentarité entre les sciences sociales et le système de pensée interdisciplinaire grâce au professeur Ahmad Khalifa, le fondateur du centre et plus tard ministre de l’Etat pour les Affaires sociales sous Nasser ». Le cercle des penseurs qui fréquentaient ce centre à l’époque était formé d’éminences grises dont, entre autres, le sociologue Hassan Al-Saati, l’anthropologue Ahmad Abou-Zeid et Al-Sayed Yassine, l’expert en sociologie politique. Sa thèse de doctorat en 1975 s’est inscrite donc dans la logique de ses recherches, centrées sur une étude comparée entre le système juridique dans les pays de l’Occident et de l’Orient. Et le mot démocratie s’installe ainsi pour tout de bon dans sa vie.

Après plus de 30 ans, comment évaluer la démocratie dans le monde arabe ? « En état de gestation », répond-il rapidement. « Non. Aucun pays arabe ne peut être qualifié de démocratique. En outre, cet état de gestation a commencé dès les années 1920, puis a été avorté sous les régimes militaires. Mais à partir de la moitié des années 1980, il y a des tentatives entreprises par l’élite, lesquelles ont contribué à la fondation de plusieurs organisations des droits de l’homme et à la revendication de la réforme politique ». Mais pourquoi l’aboutissement tarde-t-il à venir ? « La réforme trébuche pour trois raisons principales : les régimes arabes n’acceptent pas de renoncer à leurs acquis, surtout que le pouvoir octroie des privilèges à l’infini. Une autre raison consiste en la nature élitiste des sociétés arabes : les revendications de réforme sont formulées par l’élite et n’ont aucun rapport avec le petit peuple. Et, enfin, l’effet redoutable de l’islam politique. Celui-ci est tiraillé entre une tendance extrémiste qui réfute l’idée de la réforme démocratique (sous prétexte qu’elle est une invention occidentale moderne) et une autre tendance modérée comme celle représentée par les Frères musulmans (ceux-ci n’ont pas réussi à proposer un projet de réforme faisant l’unanimité) ». Selon Farahat, ces deux tendances de l’islam politique ont donné un prétexte pour freiner la démocratie et avoir recours à la loi d’urgence. Il n’hésite pas d’ailleurs à mentionner Mohamad Elbaradei, l’ex-directeur de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA). Le contexte actuel l’exige. « Le mouvement d’Elbaradei a le mérite, par contre, de lier réforme politique et conditions sociales ». Un avis qu’il a exprimé à plusieurs reprises dans ses articles et colloques. « Je regarde Elbaradei en tant que phénomène et non pas en tant qu’homme ». Elbaradei se distingue, selon lui, par rapport aux partis politiques par le fait qu’il a revendiqué un changement de la Constitution comme condition préalable à sa candidature aux élections. De quoi mettre terme à la fraude électorale, alors que les autres demandent de faire quelques rectifications ou amendements dans le cadre de la Constitution actuelle. « Avec Elbaradei, saute à l’esprit l’image de Gandhi qui a adopté la méthode de la non-violence. Celle-ci consiste à convaincre en ayant recours à la sagesse et à la pensée, à qui de droit à réclamer son dû ». Mais dans un contexte sociopolitique pareil où le peuple est préoccupé par le fait de trouver de quoi manger, cette démarche réussira-t-elle ? « Je suis optimiste. Les Egyptiens cherchaient, tout au long de l’Histoire, un candidat qui répond essentiellement à deux conditions : être pur, ne pas être souillé par la politique, et être vacciné contre l’oppression. De plus, lui, compte tenu de ses postes antérieurs, il a sans doute une dimension internationale ». Farahat considère que le fait qu’Elbaradei soit indépendant est aussi un privilège, expliquant : « Pour être apte à penser clairement, il faut être loin des partis politiques ».

Mohamad Nour Farahat procède toujours dans l’ordre des choses. Il sait quand et comment avancer ses arguments. Et il insiste sur le fait qu’Elbaradei est une « voie » respectable qui aboutira au changement. Le changement doit-il être lié à une personne ? « Le changement ne se fait pas par une personne. Mais aussi, il ne faut pas oublier qu’historiquement parlant, l’individu a joué un rôle important au niveau du changement public comme cela s’est fait avec De Gaule, Churchill, Nasser, etc. ».

La Constitution égyptienne a fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps, notamment l’article 76 qui traite de la candidature à la présidence de la République, empêchant tout candidat indépendant d’y accéder. Un article que Farahat juge comme « entravant le peuple de participer à la vie politique et exigeant que le nom du futur président commence par un G et se termine par un K ». Pour lui, le départ c’est l’Etat de droit qui repose d’abord sur l’article 40 concernant la citoyenneté qui réfute toute discrimination de race, d’origine, de langue, de religion ou de conviction.

C’est ainsi que la question de la femme est « un problème, d’une part, dans la mentalité de certains parlementaires complices. La femme est toujours opprimée aux niveaux culturel et politique. Et il faut rappeler que le pouvoir en Egypte est un homme et l’homme est le pouvoir. La preuve c’est que le Parti National Démocrate (PND, au pouvoir) n’opte jamais pour des femmes. D’une autre part, traiter des droits de la femme reflète une image idéale du régime arabe. Or, celui-ci soutient la femme pour camoufler des actes de corruption comme la fraude, la torture, etc. ». Farahat, qui était contre le fait de remettre en question l’accès des femmes aux postes juridiques, un droit affirmé par la Constitution, conçoit cependant la question des coptes comme une affaire simple par rapport aux problèmes des minorités au Soudan, en Iraq ou même en Irlande.

Farahat s’élève également contre la distinction socioéconomique qui ne cesse de croître dans la société égyptienne en raison du fossé entre riches et pauvres. « Un jeune homme est venu me voir un jour dans mon bureau. Il était dans un état lamentable et m’a raconté qu’il était parmi les premiers de sa promotion à la faculté de droit. Mais on a refusé de le recruter dans un poste juridique parce que son père appartient à une classe sociale au-dessous de la moyenne ». Selon lui, ce genre de choses ronge la société. « La solution serait de légiférer une loi incriminant tout acte de discrimination. Il faut enraciner une culture constitutionnelle dans la société égyptienne. Cela, dans le sens de faire connaître aux citoyens que la mise en œuvre de la Constitution mènera au bien du pays et de chaque citoyen, en dépit de ses convictions et de ses origines ». Et dans cette lignée, la laïcité est, pour lui, une solution idéale, dans le sens où elle assure une séparation entre la religion et l’Etat. Le professeur est catégorique, il aime faire la part des choses. « Ici, le petit peuple confond laïcité et athéisme, mais il est impératif que le principe de la citoyenneté soit le fondement du pouvoir ».

Lamiaa Al-Sadaty 

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Jalons

Septembre 1941 : Naissance au Caire.

1975 : Doctorat en la philosophie des lois, Université de Moscou.

21 juillet 1977 : Mariage avec la présentatrice de radio Hala Al-Beyali.

Avril 1978 : Naissance de son fils aîné Ali.

1982 : Naissance de son fils Omar.

1983 : Instauration de l’Organisme arabe des droits de l’homme avec Fathi Radwane.

1984-1994 : Directeur du Centre de recherches juridiques à l’Union des avocats arabes.

1995-2000 : Responsable des programmes des Nations-Unies pour les droits de l’homme, dans plusieurs pays asiatiques, entre autres la Mongolie et l’Ouzbékistan.

2000 : Parution de Al-Bahs an al-adl (la recherche de la justice) chez Sotour, et Al-Tarikh al-igtemaï lil qanoun fi Masr al-haditha (l’histoire sociale du droit de l’Egypte moderne) aux éditions Soad Al-Sabbah.

1985 et jusqu’aujourd’hui : Professeur de philosophie de la loi à l’Université de Zagazig, au gouvernorat de Charqiya.

 

 

 




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