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  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 7 au 13 avril 2010, numéro 813

 

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Politique. Mohamad ElBaradei vient de lancer dans le Delta une campagne pour rallier la population à l’idée du changement. Reportage.

Le début d’un long chemin

A 120 km du Caire, dans la ville de Mansoura à Daqahliya, ce vendredi 2 avril n’était pas un jour ordinaire. Il est 10h du matin lorsque les véhicules des partisans de Mohamad ElBaradei, l’ancien directeur de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), et possible candidat aux présidentielles de 2011, se pointent devant la porte principale du centre d’urologie de Mansoura. Son directeur, Mohamad Ghoneim, l’un des plus grands spécialistes des maladies rénales en Egypte, est le coordinateur du « mouvement pour le changement » fondé par ElBaradei. Ghoneim avait invité l’ancien chef de l’AIEA à se rendre à Mansoura pour entamer sa campagne populaire pour le changement en Egypte. Les responsables du mouvement qui accompagnent ElBaradei dans sa tournée tels Mohamad Aboul-Ghar, Hassan Nafaa, et des militants tels Mohamad Abdel-Qoddous et Georges Isaac, avaient convenu de se rendre au centre d’urologie un à un pour éviter les ennuis avec la sécurité. Mais tout le monde a été surpris que la porte du centre est fermée. La sécurité les informe qu’ils ne sont pas autorisés à entrer.

Une discussion tendue s’engage alors avec les membres du mouvement et le ton monte d’un cran. « Nous sommes des invités du Dr Mohamad Ghoneim et nous ne devons pas être traités comme ça », lâche Mohamad Abdel-Qoddous, membre du Conseil du syndicat des Journalistes et sympathisant d’ElBaradei. « De toute façon, on s’attendait à ce genre de choses. L’Etat sait que cette visite d’ElBaradei peut accroître sa popularité », explique pour sa part Hamdi Qandil, militant et célèbre présentateur. Et d’ajouter : « ElBaradei appelle le peuple au changement, et nous sommes derrière lui pour réaliser cette demande ». L’ancien chef de l’AIEA arrive vers 10h30, et entre seul dans le centre d’urologie pour rencontrer son ami, Mohamad Ghoneim. Il ressort une demi-heure plus tard pour entamer une tournée à pied dans les rues de la ville. Vêtu d’une chemise blanche, ElBaradei arbore un sourire radieux. A sa sortie du centre, une foule de partisans vient à sa rencontre. Les partisans commencent à scander : « Oh ! Baradei, dis-le haut et fort, l’Egypte veut la démocratie », ou encore « Il y a mille alternatives en Egypte, ElBaradei en est la preuve ». Entouré d’une centaine de partisans, ElBaradei lance ainsi sa première campagne populaire. Il se dirige vers la mosquée d’Al-Nour, située à 200 mètres du centre, pour y accomplir la prière du vendredi. Il était prévu qu’il se rende à la mosquée du Cheikh Hassanein ou à la mosquée d’Al-Nasr, toutes deux situées dans un quartier populaire de Mansoura, mais cette demande a été rejetée par les services de sécurité. Toujours est-il qu’ElBaradei poursuit sa tournée. Autour de lui, de jeunes étudiants portant des T-shirts à son effigie, des militants, des médecins, des avocats et des vendeurs qui soutiennent son appel à la réforme politique. Le tout encadré par des policiers, pour la majorité en civil.

Symbole de changement

Agé de 67 ans, le prix Nobel de la paix 2005 est rentré en Egypte en février dernier et s’est engagé dans la politique. Il se dit prêt à se présenter aux élections présidentielles de 2011 face au président Moubarak, à condition que le scrutin soit libre et exempt de fraudes et que la Constitution soit révisée pour lever les restrictions pesant sur les candidats. Fort de son expérience internationale, de sa réputation, il se pose déjà en symbole de changement. Pour certains, cet homme à l’écart des vicissitudes de la politique traditionnelle est la solution pour l’Egypte. « Cette fois-ci, j’ai le sentiment que c’est sérieux. C’est quelqu’un de responsable et j’ai un grand espoir qu’il réussisse », dit Hag Ibrahim, un homme âgé d’une cinquantaine d’années, en se frayant un chemin dans la foule. De jeunes membres de la campagne, portant des T-shirts blancs à son effigie, demandaient aux personnes présentes de signer une pétition de soutien à ElBaradei. « Nous avons décidé de commencer cette campagne populaire par une visite au Dr Mohamad Ghoneim, et cela revêt un caractère symbolique. Le but est de prouver que l’Egypte possède beaucoup de génies », explique Abdel-Rahmane Youssef, coordinnateur général de la campagne d’ElBaradei, et poète dissident célèbre. Les jeunes de la campagne demandaient aux personnes qui ne pouvaient pas s’inscrire par Internet de signer une pétition de soutien à ElBaradei. Selon Abdel-Rahmane Youssef, un grand nombre de signatures a été recueilli.

A 12h30, ElBaradei entre dans la mosquée avec beaucoup de difficultés, à cause des partisans rassemblés autour de lui et des caméras de télévision. En sortant, il est acclamé par un millier de personnes qui lui demandent de chanter l’hymne national. « Tout le monde à Mansoura soutient ElBaradei, mais j’ai peur de le déclarer publiquement, car on dit que les services de sécurité arrêteront celui qui soutient ElBaradei. Je vends du pain dans la rue depuis 4 ans. Les habitants vivent dans la misère. Si ElBaradei peut améliorer nos conditions de vie, nous serons derrière lui », lance Naïma, jeune fille de 24 ans. Elle ajoute que la visite d’ElBaradei inquiète les autorités : « La preuve en est que le gouverneur de Mansoura, Samir Sallam, a visité le marché de la ville la veille pour entendre les doléances des plus pauvres ». « Nous soutenons ElBaradei parce que nous voulons autre chose que le régime en place. Nous n’avons d’autre alternative qu’ElBaradei », assure Hamdi Al-Zaki, un avocat de 45 ans. Oum Ali, femme de ménage qui a pris place sur le trottoir pour voir ElBaradei, assure qu’elle est venue avec son mari et a laissé ses enfants à la maison pour assister à cet événement. « Par le passé, je craignais pour la présence de mon mari dans les manifestations, mais aujourd’hui, je l’ai encouragé à venir voir ElBaradei », exprime Oum Ali.

Le cortège d’ElBaradei a traversé les rues principales de la ville de Mansoura et s’est arrêté devant le jardin public « Chagaret Al-Dorr », pour se reposer. Ensuite, ElBaradei s’est rendu au village de Maniat Samannoud, où il devait rencontrer des responsables du parti du Rassemblement. Devant le domicile de ce dernier, ElBaradei a tenu une conférence de presse. Il a demandé au peuple égyptien de se joindre au mouvement national pour le changement, car selon lui, c’est la seule voie vers la démocratie. Le mouvement appelle à des élections libres permettant au peuple de devenir le véritable décideur. ElBaradei a déclaré avoir détecté, lors de sa tournée à Mansoura, « un véritable désir des citoyens au changement ». « La justice sociale en Egypte a presque disparu. 40 % de la population vit au-dessous du seuil de la pauvreté, 30 % sont analphabètes et l’état de l’agriculture n’est pas bon », a assuré ElBaradei. Il a appelé tout le monde à s’unir loin de toutes les idéologies ou divergences politiques. « Nous sommes tous les propriétaires du pays. On ne doit pas avoir peur, chacun a le droit de vivre une vie digne », a déclaré ElBaradei. Et d’ajouter : « Nous devons être tous partenaires au changement, et la réforme politique est le début de toutes les réformes du pays ». La campagne pour les présidentielles de 2011 en Egypte vient de commencer.

Ola Hamdi


3 question à Ammar Ali Hassan, politologue et directeur du Centre d’études du Proche-Orient.

« Je crois que pour le moment, l’Etat va laisser faire »

Al-Ahram Hebdo : Comment évaluez-vous la visite d’ElBaradei à Mansoura ?

Ammar Ali Hassan : Je pense que c’est une étape importante vers la rupture de la culture de la peur dans la population. Cette visite a montré que les Egyptiens veulent le changement. Je pense qu’ElBaradei sera le noyau d’autres événements plus organisés. Je crois que le mouvement national pour le changement va créer un réseau étendu au niveau des gouvernorats pour soutenir le changement.

— Quelle sera la réaction de l’Etat face à cette campagne ?

— Je crois que pour le moment, l’Etat va laisser faire. Mais si cela dépasse certaines proportions, le régime pourrait avoir recours à des méthodes traditionnelles pour affaiblir ElBaradei, comme déformer son image et peut-être aller encore plus loin.

— Quels sont les atouts d’ElBaradei dans cette campagne ?

— Je pense qu’il est différent des autres personnalités de l’opposition. Il bénéficie d’une protection internationale. Il est courageux et têtu et il a pu faire face à Bush durant son mandat à l’AIEA. Mais ce ne sera pas facile. Car le régime aussi est très intelligent et sait parfaitement traiter avec ce genre de situations. Le soutien populaire est pour lui le facteur déterminant.

Propos recueillis par Ola Hamdi

 

Les 6 revendications d’ElBaradei

Depuis son retour en Egypte, Mohamad ElBaradei a dressé une liste de revendications. Il réclame :

1- La fin de l’état d’urgence en Egypte en vigueur depuis l’assassinat du président Sadate en 1981.

2- Une surveillance totale des élections par la justice et par les organisations de la société civile locales et internationales.

3- La modification des articles 76, 77 et 88 de la Constitution de façon à limiter la présidence de la République à deux mandats seulement et permettre à tout Egyptien de se présenter aux élections présidentielles sans entraves.

4- Assurer l’égalité des chances dans les médias à tous les candidats aux élections, en particulier à l’élection présidentielle.

5- Permettre aux Egyptiens à l’étranger d’exercer leur droit de vote dans les ambassades et les consulats.

6- Permettre le vote aux élections sur présentation de la carte d’identité.

 

 

 




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