LRA.
La rébellion ougandaise de l’Armée de résistance du Seigneur
multiplie ses attaques en Centrafrique et en RD Congo, menaçant
la stabilité de la région dans sa totalité.
La menace devient régionale
Réputée pour être une des
plus brutales au monde, la rébellion de l’Armée de résistance du
Seigneur (LRA) est active depuis 1988 dans le nord de l’Ouganda,
mais depuis 2005, ses combattants se sont installés dans
l’extrême nord-est de la République Démocratique du Congo (RDC),
ainsi qu’en Centrafrique et au Sud-Soudan. Depuis plusieurs
semaines, les attaques de la LRA se sont intensifiées dans la
région, au moins neuf depuis fin février en Centrafrique. De
récentes informations ont fait état de nouvelles attaques fin
mars de la LRA qui ont fait 26 morts, dont 10 civils dans le
sud-est de la Centrafrique. En même temps, un autre massacre de
par la LRA en RDC vient d’être révélé.
Selon une source militaire
centrafricaine, « l’attaque d’Agoumar a entraîné la mort de onze
personnes, dix civils centrafricains dont une femme brûlée vive
par les rebelles, et un élément de la LRA tué par les villageois
qui s’organisent désormais en autodéfense ». A Dembia, « les
éléments de la LRA ont été pris en chasse par l’armée ougandaise,
qui a abattu au moins quinze rebelles ». Les rebelles ont
utilisé lors de chaque attaque « les mêmes procédés de
porte-à-porte, faisant des otages au sein de la population et
emportant des biens de valeur, ainsi que des provisions », selon
l’officier. Plus de quarante personnes auraient été prises en
otage dans ces trois villages, a indiqué à l’AFP, également sous
couvert de l’anonymat, un fonctionnaire de Bangassou (principale
ville du sud-est de Centrafrique), où 400 personnes se sont
réfugiées, fuyant les combats.
Ces récents développements
risquent de jeter un froid dans les relations entre l’Ouganda et
la Centrafrique. La semaine dernière, les habitants de Bangassou
ont manifesté dans les rues de la ville à l’appel des autorités,
dont le préfet Rémy Semndouto, pour exiger le départ des forces
ougandaises qui opèrent régulièrement en Centrafrique depuis
juin 2009. De plus, selon eux, il existerait une complicité
entre l’armée ougandaise et les rebelles de la LRA, parce que
ces derniers attaquent les villages aussitôt après le passage
des militaires ougandais.
L’est de la Centrafrique
est ainsi en proie à un harcèlement incessant. A chaque fois les
méthodes de la LRA sont les mêmes : ses rebelles font du «
porte-à-porte » dans les villages et prennent « des otages,
emportant des biens de valeur, ainsi que des provisions », selon
un officier centrafricain basé à Bangassou. « Nous n’avons
jamais connu une telle cruauté. Des jeunes, des adultes et
vieillards, des deux sexes confondus, sont systématiquement
abattus selon les humeurs des rebelles », raconte à l’AFP Eusèbe
Moutizon, fonctionnaire, habitant de Rafai actuellement réfugié
à Bangassou.
Le bilan en RCA (République
CentrAfricaine) est difficile à établir, mais il se chiffrerait
en dizaines pour les morts et en centaines pour les otages. Des
centaines d’habitants ont déjà fui leurs villages pour se
réfugier dans des villes mieux protégées. « C’est une guerre qui
nous est imposée », a affirmé à l’AFP Jean-Francis Bozizé,
ministre délégué à la Défense nationale centrafricaine,
soulignant : « Nous vivons une situation qui n’est pas propre à
notre pays ». La RCA, déjà très instable sur le plan
politico-militaire avec l’existence de nombreuses rébellions aux
quatre coins du pays, a donné son feu vert en juin 2009 pour que
l’armée ougandaise poursuive la LRA sur son territoire.
Le chef de la LRA, Joseph
Kony, recherché pour crimes de guerre par la Cour Pénale
Internationale (CPI), « circule entre le Darfour, Bahr Al-Gazal
(deux provinces du Soudan) et la RCA », explique le porte-parole
de l’armée ougandaise, le lieutenant-colonel Felix Kulayigye. La
Centrafrique est pour la LRA un terrain plus favorable que le
Soudan semi-désertique pour se cacher ou pour voler des vivres
dans les villages, a-t-il ajouté. « Cela fait un certain temps
qu’il joue ce jeu ».
L’Onu a fait état de 290
tués
Outre la Centrafrique, la
RDC est elle aussi la proie d’attaques meurtrières de la LRA.
Selon un rapport de l’organisation Human Rights Watch (HRW), un
massacre « planifié » par la LRA a tué au moins 321 civils mi-décembre
2009 dans des villages du nord-est de la RDC. L’Onu a fait état
de 290 tués alors que le gouvernement de la RDC a minimisé
l’ampleur de ce massacre, évoquant un bilan de 25 morts et que
la LRA a réfuté ces accusations.
Le Haut commissariat des
Nations-Unies aux droits de l’homme a également publié deux
rapports étayant les accusations de « crimes contre l’humanité »
à l’encontre de la LRA en RDC et au Sud-Soudan. L’un de ces
rapports recommande à la communauté internationale d’améliorer
la qualité des forces de sécurité de la RDC et leur capacité à
protéger les civils et « de coopérer avec la CPI pour rechercher,
arrêter, transférer et traduire en justice les dirigeants de la
LRA auteurs présumés de crimes internationaux ». Dans ces deux
rapports, le Haut commissariat des Nations-Unies aux droits de
l’homme fait état de près de 1 300 personnes tuées en RDC et au
Sud-Soudan entre septembre 2008 et juin 2009 et détaille nombre
« de violations systématiques et généralisées des droits de
l’homme menées par la LRA contre les civils ». « Ces attaques et
violations systématiques et généralisées des droits de l’homme »
menées par la LRA ont également provoqué le déplacement
d’environ 230 000 personnes dans les districts du Haut-Uélé et
du Bas-Uélé de la Province Orientale en RDC, précise le rapport
de l’Onu. Selon ce rapport, « elles pourraient constituer des
crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ».
Abir Taleb |