Al-Ahram Hebdo,Société |
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
Nos Archives

 Semaine du 14 au 20 avril 2010, numéro 814

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Dossier

  Nulle part ailleurs

  Invité

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Société

  Arts

  Idées

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Société

Artisanat. Derrière l’exposition de Hagaza et Akhmim, tenue au Caire au siège de l’Association de la Haute-Egypte pour l’Education et le Développement (AHEED), se profile un travail de longue haleine qui remonte aux années 1940.

Sculpter sa vie par le bois

Comme chaque année, les artisans arrivent de la ville de Hagaza. Une ville située à une trentaine de kilomètres au nord-est de Louqsor et réputée depuis fort longtemps pour sa menuiserie. Le bois utilisé par ces jeunes apprentis est simple mais rare. Evoquée parmi les villes les plus antiques de l’Egypte, Hagaza a été le passage emprunté par des pèlerins à travers le désert oriental pour se rendre au Hegaz dans la péninsule Arabique, d’où le nom qu’elle porte. C’est à Hagaza que vit l’une des plus importantes communautés chrétiennes du Moyen-Orient : des coptes chrétiens, des évangéliques et des musulmans … Un amalgame de culture et un mélange de traditions d’origine pharaonique, copte et arabo-islamique. Une richesse devenue, au fil des années, une source d’inspiration pour les 20 000 habitants de cette ville.

Ils sont devenus des experts dans la fabrication du bois. Et leur production est aujourd’hui exportée en France, à Oman, en Belgique et beaucoup d’autres pays étrangers. L’atelier de menuiserie dont la superficie atteint les 4 000 m2 est situé au sud de la ville de Hagaza.

Ce projet de fabrication du bois de Hagaza a débuté dans les années 1980 quand le père Pierre, de nationalité française, a débarqué en Egypte. Il avait entendu parler de différentes espèces d’arbres comme le sersou et l’ethle et des habitants de Hagaza pour qui le métier de menuisier se transmet de père en fils. Mais, à l’époque, ces petits artisans fabriquaient seulement des métiers à tisser, des banquettes en bois, du mobilier rudimentaire, des portes ou des fenêtres ordinaires ... Le père Boutros, comme l’ont surnommé les Egyptiens, aimait travailler le bois et a commencé par former les jeunes en leur enseignant la sculpture sur bois.

L’atelier de Hagaza, créé par le père Boutros, reçoit seulement la gent masculine. La première promotion comptait 11 jeunes hommes dont l’âge variait entre 15 et 20 ans. Ils assistaient au cours d’apprentissage, du père Boutros, cinq jours par semaine. Puis le Père a fait appel à cinq autres artistes étrangers pour l’aider dans sa mission.

Tous les trois ans, un nouveau groupe se joint à la formation. Aujourd’hui, la promotion compte près de 60 personnes qui viennent apprendre pour améliorer leurs conditions de vie. La formation dure trois ans, ce qui permet aux jeunes d’acquérir un savoir-faire.

L’initiative du père Boutros a changé la vie et l’avenir de toute une ville. Les jeunes artisans sont fiers de leur renommée et leur réputation à l’étranger. Les uns ont participé à des expositions à Paris, à l’exemple de Shayeb, qui a fait partie de la première promotion de l’atelier de Hagaza. Il a participé en 2009 et 2010 à trois expositions à Maison Objet il a exposé 200 pièces en bois. Cela prend deux mois environ à Shayeb pour fabriquer ses œuvres d’art, tout dépend du style et du design. « J’ai commencé par exporter mes articles en France. Ils sont exposés dans divers magasins », affirme-t-il. Et comme Shayeb est fier de sa ville natale, on l’appelle Shayeb Hagaza.

Shayeb a réussi à vendre 100 articles à 7 000 L.E. « Si je gagne beaucoup d’argent et suis désormais connu, c’est bien grâce au père Boutros. On est, tous, connus autant au niveau local qu’international », confie Yasser qui possède un atelier dans la rue principale de Hagaza.

Pour fabriquer des articles en bois de bonne qualité, les artisans de la ville de Hagaza utilisent trois types de bois, espèces d’arbres plantés dans les régions chaudes de l’Egypte comme Louqsor et Assouan. Des arbres connus sous le nom de sersou (importé d’Inde par les Anglais et acclimaté à l’Egypte), de tamaris ou d’Ethle (un bois blanc) et le kay (un arbre local).

Ces genres de bois sont utilisés dans la fabrication des saladiers, des pots, des boîtes et d’autres ustensiles de table proposés par nos artisans ... Ce mélange de bois leur donne des reflets incomparables. Chaque objet est travaillé à la main et sa fabrication requiert plusieurs heures de travail.

Certains artistes de Hagaza utilisent d’autres genres de bois que l’on trouve au bord des rivières et des canaux. Jadis, on utilisait ce genre de bois pour couvrir les toits des immeubles ou des maisons. Mais aujourd’hui, il se vend à 1 400 L.E. la tonne.

La population de Hagaza, dont la plupart est modeste, vit en principe de la culture du coton et de canne à sucre. La plupart des enfants n’accède pas ou peu à l’enseignement. « J’adore ce que je fais. Je n’ai pas d’horaires fixes et je ne cesse de travailler que lorsque je suis vraiment épuisé », dit Roumani, 40 ans, propriétaire d’un atelier. Ce dernier a abandonné les bancs de l’école à l’âge de 13 ans pour aider son père à gagner sa vie. Contribuant largement aux besoins de sa famille, Roumani a décidé de poursuivre ses études tout en continuant à travailler le bois.

La plupart des jeunes du village ont appris le métier de menuisier dès leur jeune âge et les diplômés de l’enseignement supérieur qui se sont retrouvés au chômage les ont rejoints. Comme Karim, diplômé de tourisme et d’hôtellerie qui pense que ces objets d’art rapportent beaucoup plus d’argent. C’est pourquoi il a suivi une formation de trois ans à l’atelier de Hagaza, espérant ouvrir un jour un petit atelier. Aujourd’hui, il profite pour exposer ses articles à la Foire internationale du Caire

L’Association de la Haute-Egypte pour l’Education et le Développement (AHEED) offre des microcrédits aux jeunes apprentis après la fin de l’apprentissage. Wafa, qui a hérité le métier de son père, produisait deux articles par jour. Il a obtenu un premier microcrédit de 2 000 L.E. en 2002. Il a pu augmenter sa production à trois articles par jour. Il a décidé ensuite de s’élargir et a demandé plusieurs microcrédits à l’association. Il a pu acheter un local de deux pièces et a acheté le matériel nécessaire. Mais à chaque fois qu’il a besoin de découper les troncs d’arbres, il s’adresse à l’atelier-mère se trouvent de grandes scies qui découpent les troncs d’arbre en planches. D’autres prennent un microcrédit de 10 000 ou 15 000. Ceux-ci sont devenus des propriétaires de grands ateliers. Les œuvres de ces artisans sont actuellement exposées au sein de l’AHEED, située à Daher. Un rendez-vous annuel affluent un grand nombre de ministres, d’ambassadeurs et de visiteurs, de tous bords. A visiter jusqu’au 30 avril.

Manar Attiya


 

Un enracinement
de longue date

Un travail qui remonte à loin donc pour cette association créée en 1941 par le père Henri Ayrout. Après avoir étudié la vie et les mœurs des habitants de la Haute-Egypte, ce père Jésuite fonde l’Association de la Haute-Egypte pour l’Education et le Développement (AHEED) dont le but est de créer des écoles gratuites pour les pauvres de cette région laissée-pour-compte.

Il constate que l’éducation est la condition nécessaire au développement de ces zones défavorisées la grande majorité de la population vit au-dessous du seuil de la pauvreté. Le choix de la Haute-Egypte n’est pas un pur hasard. Le taux de chômage, d’analphabétisme et des services de bases y sont quasi absents : 66 % des populations les plus pauvres et qui vivent au-dessus du seuil de la pauvreté vivent en Haute-Egypte. 95 % des villages les plus démunis se situent, aussi, en Haute-Egypte. « Devant toutes ces statistiques, nous continuerons à œuvrer pour le changement de cette situation injuste », disait le père Henri.

Aujourd’hui, l’association s’adresse aux communautés rurales de quatre principales régions de la Haute-Egypte : Minya, Assiout, Sohag et Qéna. Elle gère également une école dans le quartier populaire de la banlieue du Caire de Charabiya pour aider une population ayant migré de la Haute-Egypte. Un centre de promotion féminine est installé à Alexandrie, dans le quartier populaire de Moharrem Bey, dont la population est aussi composée majoritairement de migrants de la Haute-Egypte.

En Haute-Egypte, cette association possède et gère 35 écoles avec, au total, 10 000 élèves. L’AHEED mène également une action pour combattre l’analphabétisme des adultes — les femmes en sont particulièrement touchées en Haute-Egypte — par des programmes d’apprentissage de la lecture mais aussi de développement personnel (hygiène, conscience sociale, travaux manuels ...). Son action s’est concrétisée par la construction d’ateliers d’artisanat de bois à Hagaza, d’ateliers de tissages et de broderies à Akhmim, 48 centres d’alphabétisation, 33 centres de promotion féminine, 60 dispensaires et centres de soins. L’AHEED développe également de plus en plus de microcrédits pour les plus pauvres.

L’association propose aussi des programmes de formation et de développement destinés prioritairement aux enfants, aux femmes et aux jeunes. Il ne s’agit ni d’assistance ni d’aide humanitaire. Il s’agit de donner aux plus pauvres les outils pour changer leur situation économique et participer au développement de leur communauté.

Les projets de microcrédits de l’AHEED ont été créés en 2001. En 2007-2008, le programme a porté sur 4 822 bénéficiaires pour un montant de 18,7 millions de L.E. Les prêts couvrent les domaines d’activité d’élevage d’animaux, de services, de commerce et surtout les activités d’artisanat effectuées dans les villes d’Akhmim et Hagaza.

L’Association des Amis de la Haute-Egypte, dont le siège est en France, apporte son soutien moral et financier à l’association égyptienne. Le soutien financier versé en 2009 de l’Association des amis de la Haute-Egypte à l’AHEED a atteint les 114 824 euros.

Akhmim versus tissage

En plus de Hagaza pour le bois, l’Association de la Haute-Egypte pour l’Education et le Développement (AHEED) est également impliquée à Akhmim. Situé sur la rive droite du Nil en face de Sohag, à environ 130 kilomètres au sud d’Assiout, Akhmim est un tout petit village de la Haute-Egypte les habitants sont réputés pour le tissage. Ce métier se transmet d’une génération à l’autre depuis 4 000 ans et fait vivre de nombreuses familles. Il était essentiellement masculin jusqu’en 1960. Le centre de tissage d’Akhmim a alors commencé à former les femmes.

Marsa brode tous azimuts

Elle confectionne des motifs avec des perles, cousues à la main, des châles multicolores, des nappes, des couvre-lits et des jetés de canapé en coton, soie, viscose ou lin. Marsa Naguib est âgée de 20 ans. Elle a commencé à exercer le métier depuis deux ans. Elle adore la broderie et n’aime pas beaucoup le tissage car ce métier l’oblige à travailler au centre se trouve le métier à tisser. Tandis que l’on peut faire de la broderie chez soi. Marsa ne veut pas suivre le même itinéraire que ses quatre sœurs, membres du centre depuis 40 ans. Elle va bientôt se marier, c’est pourquoi elle a choisi la broderie. Celle qui travaille devant son métier à tisser ne doit pas avoir d’obligations familiales.

Quand la fille arrive à l’âge du mariage, elle abandonne le tissage pour le dessin et la broderie et quand ses enfants commencent à grandir, elle recommence de nouveau à pratiquer le tissage. Un métier ardu et qui a besoin de muscles. « Jadis, les conditions d’admission au centre étaient d’accepter les filles analphabètes, très pauvres. Mais aujourd’hui, ces conditions n’existent plus. L’essentiel est d’être douée, talentueuse et d’avoir des sœurs au centre pour transmettre leur expérience en matière artistique », précise Samira, la directrice du centre d’Akhmim. Avec l’aide de la première génération féminine au centre, appelées les artistes-mères, la future artiste choisit le genre et la couleur du tissu et des fils. Le dessin est important aussi. Avant tout, Marsa dessine sur papier ; ensuite, elle trace à la craie son dessin, puis elle brode dessus.

Et Awatef tisse
comme
elle respire

Assise sur un banc, devant son métier à tisser, penchée sur son ouvrage, son corps est constamment en mouvement. Sa main guide la navette avec aisance et fait des allers-retours sur l’ensouple. Ses gestes sont très précis. Elle doit à la fois respecter les dimensions du tapis, compter le nombre de nœuds et faire attention aux espaces qui existent entre chaque dessin. De grosses bobines sur lesquelles sont enroulés des fils de laine, de soie ou de lin, de différentes couleurs de son choix, sont disposées un peu partout dans une des pièces du centre.

Awatef commence à tisser un tapis splendide. Elle est fière d’avoir comme disciple une grande artiste comme Mariem Azmy. Cette dernière, qui est sa tante maternelle, l’a aidée à adhérer au centre.

Awatef considère que le tissage est la pierre angulaire de tout art manuel. « J’adore ce que je fais. Je n’ai pas d’horaires fixes et je ne n’arrête de travailler que quand je suis vraiment épuisée », lance-t-elle.

Awatef a abandonné les bancs de l’école à 14 ans pour travailler et aider sa famille financièrement. Après le décès de sa mère, elle rejoint le centre. « C’est la première fois que je présente mes œuvres en exposition. J’ai été ravie de voir les gens apprécier mes tapis. Ce travail va me procurer un revenu satisfaisant ». 

 

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Névine Kamel- Howaïda Salah -Thérèse Joseph
Assistant technique: Karim Farouk
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.