Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Un éden de verdure
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 14 au 20 avril 2010, numéro 814

 

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Nulle part ailleurs

Art Floral. L’Exposition du printemps est le rendez-vous annuel entre exposants et amateurs. Elle est la preuve que l’intérêt pour la végétation a retrouvé son ampleur d’antan.

Un éden de verdure

Réda se tient au milieu de ses plantes et fleurs comme un styliste devant ses modèles. Il expose aux visiteurs ébahis les plantes et les fleurs aménagées dans son pavillon. Selon lui, les plantes comme les vêtements et les voitures ont des modèles qui changent chaque année. L’un des modèles de la collection 2010 est un arbuste d’intérieur aux grandes feuilles plissées appelé Licuala. « Notre clientèle, surtout féminine, tient à acquérir tout ce qu’il y a de nouveau. Elle veut montrer à ses voisines ou à ses amies qu’elle possède une voiture dernier modèle et même une plante dernier cri », déclare Réda Mohamad. Ce jeune homme de 27 ans est l’un des 200 exposants qui présentent leurs produits à l’exposition annuelle de plantes et de fleurs. Un événement organisé chaque année par le ministère de l’Agriculture à l’occasion du début du printemps dans le parc public d’Al-Ormane à Guiza, en face de l’Université du Caire, l’un des plus anciens parcs de la capitale, riche par la diversité de sa végétation. Pendant les 5 semaines de l’exposition, le parc ouvre gratuitement ses portes pour encourager le public à découvrir cet éden de verdure.

Wafaa se tient devant le coffre ouvert de sa voiture. Elle y dépose avec grand soin des géraniums de toutes les couleurs et des cactus de formes et de tailles différentes. Elle possède une grande terrasse qu’elle a transformée en un jardin verdoyant et vient chaque année visiter l’exposition. « Je tiens à ce que mes petits-enfants fassent du jardinage avec moi pour leur apprendre que la beauté émane de choses simples comme les plantes et les fleurs », déclare Wafaa, une grand-mère qui possède encore le goût de la beauté.

En franchissant les grandes portes monumentales du parc, les visiteurs découvrent qu’il a été complètement métamorphosé pour accueillir l’exposition. Des pavillons couverts ont été montés avec de belles toiles vertes pour protéger les plantes et les fleurs des rayons du soleil. Les parterres ont été couverts de sable et de carrés de gazon et des allées couvertes de sable fin ont été aménagées pour faciliter la promenade entre les pavillons.

« Ces fleurs sont le fruit de plus de 40 ans de travail. Elles ont leur clientèle qui tient à s’approprier quelque chose de distingué, de différent », déclare Ahmad Naguib, avec une fierté non dissimulée en parlant de ses orchidées. Ce médecin octogénaire est tombé amoureux de cette fleur lors de son séjour à l’étranger. Il a alors décidé de l’introduire en Egypte et a commencé sa culture dans sa pépinière. Les orchidées blanches sont les plus classiques, mais les autres couleurs rivalisent de beauté. En passant devant ce pavillon, Soad ne peut que s’arrêter. « J’ai été attirée par son décor raffiné ainsi que par la beauté exceptionnelle des fleurs », raconte Soad Mohamad, présidente d’une association caritative venue visiter l’exposition sur l’invitation d’un exposant. Ahmad traite ses fleurs comme des princesses. Les branches sont exposées dans des pots en porcelaine disposés sur des étagères couvertes de nappes blanches et vertes en satin. Une petite carte portant des informations sur la fleur et les conseils d’entretien est accrochée à chaque branche. Ahmad répond inlassablement aux questions de Soad bien qu’il sache qu’elle n’achètera pas ses fleurs à cause de leur prix relativement élevé. Ces fleurs, bien qu’elles ne vivent que de 2 à 4 mois, coûtent de 120 à 150 L.E. « Le seul fait de répandre la culture de cette fleur me fait plaisir. D’ailleurs, au fil des années, les gens ont commencé à connaître l’orchidée et elle a maintenant sa clientèle », déclare Ahmad. 

Une prise de conscience

Les visiteurs de l’exposition augmentent d’une année à l’autre comme le confirme Mohamad Moustapha, responsable actuel de l’exposition et sous-secrétaire auprès du ministère de l’Agriculture. Selon lui, la culture des visiteurs a changé ces dernières années. La création des nouveaux compounds et des villages touristiques sur la Côte-Nord et en mer Rouge ont donné un grand essor à la culture des plantes d’ornements et des fleurs. « N’oublions pas aussi qu’il y a toujours une certaine concurrence entre les membres de la classe aisée. Si l’un d’eux s’achète une nouvelle voiture, l’autre s’appropriera une voiture encore plus belle. C’est la même chose pour les plantes », déclare Mohamad.

En effet, on remarque du premier coup d’œil que c’est la classe aisée qui représente la principale clientèle de l’exposition. La marque des voitures stationnées, l’allure des visiteurs, la quantité et la variété de plantes achetées le reflètent clairement.

« Je suis là de bon matin. Cependant, je n’ai pas trouvé toute la quantité de pots de géranium dont j’ai besoin », déclare Hala, qui veut embellir le jardin de sa villa dans la nouvelle cité du 6 Octobre avec près de 50 pots de fleurs. Elle raconte que cet exposant présente ses géraniums depuis 20 ans au même endroit et qu’elle vient chaque année pour découvrir les nouvelles couleurs hybridées. Le sol est jonché de centaines de pots de géranium classés selon leurs couleurs. Les couleurs traditionnelles comme le blanc, le rouge et le rose côtoient les couleurs plus originales comme le mauve, le fuchsia et le saumon. « Ici, le pot est vendu à 9 L.E. mais le prix n’est pas à débattre, même si l’on veut acheter une grande quantité. Cet exposant a bâti une réputation solide depuis longue date », explique Hala, professeur à l’université, qui n’a pas réussi à réduire le montant de sa commande qui lui sera livrée à domicile le lendemain. En fait, cette dernière a un abonnement avec le fleuriste du quartier qui lui livre des fleurs une fois par semaine. « Pour moi, avoir des fleurs dans mes vases est aussi important que l’eau et la nourriture », dit-elle en parlant de son mode de vie. 

Du gagne-pain, aussi

Tout un monde tourne autour de cet événement. Chacun y trouve son gagne-pain. Khodeir, vêtu de sa modeste djellaba, pousse sa brouette devant lui, prêt à se précipiter vers les visiteurs pour les aider à transporter leurs achats. Simple journalier pendant toute l’année, il attend l’événement de l’exposition pour se faire une petite somme. « Cinq livres par-ci, 10 livres par-là. A la fin de la journée, je me retrouve avec une bonne somme qui me fait oublier toute ma fatigue », dit Khodeir, l’une des nombreuses personnes qui profitent de l’événement. D’autres chauffeurs de camionnettes stationnent à l’entrée du parc et offrent leurs services aux visiteurs désireux de transporter leurs achats nombreux à de longues distances ou aux exposants qui apportent leurs marchandises.

Malgré l’importance de l’événement, l’exposition n’est pas bien médiatisée. La radio en a parlé juste le jour de son inauguration. Rien à la télévision ni dans les journaux. Pas une seule publicité si ce n’est une pancarte à l’entrée du parc. Rares sont les personnes qui en ont entendu parler.

« C’est la première fois que je viens visiter cette exposition après avoir entendu à la radio la nouvelle de son inauguration. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit aussi belle », conclut Hind, fière d’avoir pu, avec 100 livres, acheter une variété de pots et de plantes. Un joli arbuste aux belles fleurs mauves à 8 L.E., des pots de menthe et de rose marie à 2 L.E., quelques pots de géranium blanc à 9 livres chacun, tels étaient les choix de Hind Moussa, femme au foyer.

Pourtant, l’idée de l’exposition du printemps remonte à l’ère du roi Fouad. A l’époque, elle était organisée par l’Association égyptienne de la culture des jardins. Une dizaine d’exposants s’adressaient à la classe aristocratique qui avait le luxe de posséder des jardins et d’acheter des fleurs. Lors de la présentation d’une nouvelle fleur hybridée, on lui attribuait même le nom d’un roi ou d’une princesse. Mais aujourd’hui, les choses ont bien changé. C’est le ministère de l’Agriculture qui organise l’exposition, en coopération avec l’Association de la culture des jardins. Cette année, plus de 200 exposants présentent des produits de plusieurs milliers de livres sur une superficie de 32 000 m2. Le ministère donne l’occasion à une large panoplie d’exposants de venir présenter leurs produits. Il ne s’agit pas seulement des plantes d’ornement et des fleurs, mais aussi des arbres fruitiers et de tout ce qui se relie au monde de l’agriculture et des jardins.

« Ces meubles sont fabriqués en bois naturel, des bois qu’utilisaient les pharaons comme le sycomore et le manguier. Les motifs aussi sont inspirés de l’art pharaonique », explique fièrement Hag Mohamad aux visiteurs qui s’arrêtent devant son pavillon. Cet officier de l’armée a décidé de se lancer dans ce projet après être sorti à la retraite. Il a découvert un artisan qui travaillait ces bois mais avec des moyens modestes et un goût peu raffiné. « Nous avons alors consulté des revues étrangères et avons développé la production. Aujourd’hui, nous n’introduisons aucun clou dans nos meubles », déclare Hag Mohamad, en expliquant qu’il travaille dur pour pouvoir entrer en concurrence avec les meubles de jardin asiatiques qui se vendent à bas prix mais qui ne sont ni en bois naturel ni aussi solides que les siens. 

De la persévérance surtout

Les professionnels préparent l’exposition pendant toute l’année. Ils apportent des catalogues de l’étranger, importent des graines et des germes et les cultivent dans leurs pépinières bien avant l’exposition.

La concurrence est acharnée entre les exposants. Chacun tente de présenter une nouveauté le distinguant des autres.

« Les exposants profitent de l’ignorance des clients et ne révèlent pas les noms scientifiques des plantes. Ils prétendent qu’une telle ou telle plante est exposée pour la première fois, alors qu’elle existe depuis des années sur le marché, mais ils mettent en lumière chaque année une plante différente », explique Ihab, ingénieur agricole de 40 ans qui suit chaque année le développement de l’exposition.

Malgré la beauté des fleurs et de la végétation exposée, le parc est rempli de dizaines d’étudiants universitaires assis en couples qui ne songent nullement à aller découvrir l’éden de végétation qui les entoure. Ils y sont complètement indifférents. Ils semblent avoir perdu le goût de la beauté dans le tumulte du matérialisme et le poids des crises financières. Pourvu que l’Exposition du printemps contribue à leur faire redécouvrir le goût de la beauté.

Racha Darwich

 




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