Al-Ahram Hebdo, Littérature | La fleur de la beauté, de la gloire et de l’éternité
  Président Abdel-Moneim Saïd
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 14 au 20 avril 2010, numéro 814

 

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Littérature

Dans le 6e de ses Dix Papyrus, Mohamed Salmawy retrace, avec poésie, l’histoire d’amour passionnée entre Kptah, le brave prince du pays, et la belle Lotus, devenue après sa mort symbole de l’Egypte ancienne.

La fleur de la beauté, de la gloire et de l’éternité

Lotus était la plus belle et la plus envoûtante parmi les filles. Kptah était le plus courageux et le plus fort parmi les garçons. Lotus s’éprit de Kptah à la folie alors qu’il l’aima, lui, encore plus que la vie elle-même.

Kptah était le prince du pays alors que Lotus était la fille du médecin de pharaon. Ils se rencontraient tous les jours de l’année en hiver lorsque le soleil brillait et propageait sa chaleur sur terre et durant les nuits d’été lorsque la lune apparaissait et emplissait de charme la vie des hommes. Le lieu des retrouvailles n’était autre que les berges du magnifique fleuve, Hapy, qui apportait le bien-être à la terre noire, celle de la Haute-Egypte et de la terre rouge, celle de la Basse-Egypte.

Dans l’une des agréables soirées d’été, la lune apparut de bonne heure pour protéger de son charme argenté la rencontre des amoureux et le soleil n’avait pas encore quitté l’horizon. Ainsi, le soleil se trouvait d’un côté du ciel et la lune de l’autre. La lune et le soleil se retrouvèrent conjointement de manière exceptionnelle comme pour répéter à travers leur rencontre dans les cieux, celle de Kptah et Lotus sur terre.

Kptah était un beau jeune homme au corps musclé. Il vint à la rencontre de sa bien-aimée portant dans les mains un rouleau de papyrus scellé du sceau royal. Dès qu’il s’approcha de Lotus, il posa un baiser sur sa tête et posa le rouleau de papyrus entre ses mains. « Qu’est-ce que c’est ? », demanda Lotus étonnée. « C’est une lettre d’amour inspirée des épanchements de mon cœur ».

Lotus déchiqueta le sceau rapidement et déroula le papyrus. Elle fut séduite par les beaux dessins aux couleurs rayonnantes qui le garnissaient alors que Kptah contemplait ses longs cheveux noirs et sa peau limpide. Après avoir ouvert le papyrus, Lotus le présenta à Kptah en lui disant : « Fais--en la lecture pour moi. Je veux l’écouter de ta voix ». Kptah se mit à le lire à sa bien-aimée. Et alors la lune se courba pour mieux suivre les mots et le soleil du couchant écarta les nuages pour illuminer de son éclat les merveilleux dessins.

 

Tu es parmi les femmes, la plus belle

Tu n’as pas de pareil

Tu es l’étoile rayonnante

Au début d’une nouvelle année

Tu es les gouttes d’eau

En un jour de crue …

Et moi, je suis complètement noyé

Sous les vagues de l’amour.

Ta bouche est l’œillet d’une fleur,

Ton sein est une figue

Et ton front un cerceau d’ivoire …

Et moi, je suis une oie sauvage,

Tombée en toute sérénité

Dans les filets de l’amour.

Ton amour est dans mon cœur

Semblable à un roseau au cœur des vents

Qui peut l’arracher et le faire voler

D’un jardin à un autre

Et le projeter dans les abîmes de l’amour.

 

Lotus s’accrocha au cou de Kptah comme si elle était le signe de Ankh, la clé de la vie, qui pendait en médaillon autour de son cou. Il l’enlaça et la fit tourner comme le font les astres autour du soleil en scandant de mémoire le reste de son poème :

Regarde-la Hapy,

Ô dieu de la crue,

Qui surgit à l’horizon,

Telle l’aube d’un nouveau jour

Qui sème encore plus de bonnes choses

Et répand l’abondance.

Regarde la fraîcheur de sa peau,

Elle t’envoûte de son regard,

Elle t’ensorcelle par les mots sortis de ses lèvres.

Son long cou est de marbre,

Ses cheveux sont encore plus merveilleux

Que les plantes majestueuses,

Ses bras encore plus beaux que l’éclat de l’or,

Son vêtement est tiré au bas du dos

Elle séduit la terre lorsqu’elle la foule du pied

Au dehors de noblesse, elle est svelte et élégante,

De présence agréable, sa voix est douce

Elle est le soleil du jour et la lune de la nuit

Elle est seule à être la fiancée du Nil.

 

Lotus s’écria, prise de vertige : « Suffit, suffit, la terre tourne autour de moi. Ton visage tourne au milieu des nuages et le soleil et la lune font de même ». Elle tomba à terre et son amoureux la suivit et leurs lèvres se relièrent en un long baiser qui fit des envieux parmi les dieux du mal dans les souterrains de la terre.

Kptah la releva de ses robustes bras et la posa sous un grand sycomore qui avait rassemblé des volées de huppes avant le coucher du soleil. Lotus soupira en contemplant le visage de son bien-aimé et dit : « Mon amour pour toi n’a ni début ni fin ». Elle lui offrit une petite amulette de porcelaine verte sous la forme du Shen, symbole de l’infini qui représente une corde nouée à la base qui est devenue un cerceau qui n’a ni début ni fin. Kptah prit l’amulette et y posa un baiser en disant : « Je vais la garder à mon cou de jour comme de nuit, mais il te faut auparavant accepter mon présent ». Lotus dit : « Mais ton poème est le plus beau des présents ». Il répondit : « Ce n’était que l’expression de ce qui remplissait mon cœur. Mon cadeau, le voilà ». Kptah prit la main de Lotus et lui enfila au doigt une bague en or garnie de la pierre de Khosbd, l’authentique lapis lazuli qui ne se trouvait pas en Egypte et qu’on rapportait des terres lointaines d’Asie. Khosbd était la pierre la plus précieuse et la plus belle. Kptah dit : « Le lapis lazuli foncé veiné d’or symbole du ciel bleu, patrie des dieux, est le symbole de notre liaison spirituelle à tout jamais ». Ils s’engagèrent à devenir époux dès que Kptah deviendrait roi et elle serait par conséquent reine.

Dans les bas fonds de la terre, où règne l’obscurité et les ombres, Seth, dieu du mal, fut envahi par des sentiments d’envie et de jalousie et il se précipita vers la lionne Sekhmet, déesse de la guerre, et lui narra ce qui s’était passé entre Lotus, la plus belle des filles, et Kptah, le plus fort des hommes, et leur pacte d’amour. La lionne dit : « S’ils venaient à se marier, ils apporteraient au monde une descendance encore plus belle et plus robuste que tous les dieux ».

Le crocodile Sobek, dieu des fleuves et des lacs, entendit leur dialogue et sortit du ventre de la terre en criant : « C’est ce qui ne doit pas se produire ».

La soirée du même jour, les dieux du mal dans le monde des bas-fonds firent une réunion de guerre sous la présidence de Sekhmet aux sources du Nil souterraines qui coulent sous terre en parallèle avec le Nil du haut. En moins d’une heure, le plan avait pris forme afin de se libérer du danger qui menaçait les dieux.

A l’aube, Sekhmet se départit de la forme de lionne et prit celle de sa bonne sœur Hathor au visage arrondi et aux oreilles de vache et se dirigea vers Lotus dans son lit et la réveilla, alors qu’elle se sentait remplie d’un désir passionné pour Kptah qu’elle venait de quitter depuis peu. De même, Seth prit la forme de son frère Osiris et réveilla Kptah qui ressentait également un désir ardent de rencontrer Lotus.

Lotus se précipita à la pointe de l’aube vers le fleuve au même endroit où elle avait l’habitude de rencontrer son bien-aimé. Avec la percée du jour, la lumière du matin se refléta sur l’eau qui devint semblable à un miroir. Elle s’y mira pour s’assurer de son maquillage avant la venue de Kptah et le crocodile Sobek surgit des eaux, prit la forme de son chéri et avança ses mains pour la convier à le rejoindre. Sans réfléchir, Lotus se jeta dans les bras de son bien-aimé et elle fut engloutie par les eaux du fleuve. Les vents se déclenchèrent violemment aussitôt en protestation à ce crime honni. Les sables venus du désert firent partie de cette rébellion contre cet acte monstrueux qu’avaient commis cette lionne et ce crocodile, alors que Sobek tirait Lotus vers les fonds des eaux.

En quelques instants, Kptah arriva au lieu de la rencontre de sa bien-aimée sans rendez-vous préalable mais avec un sentiment profond qu’il allait la rencontrer. Il la chercha partout sans pour autant la trouver. Il pensa qu’elle avait tardé. Il lança un regard vers l’eau et découvrit le beau visage de sa bien-aimée. Il lança un cri qui épouvanta les huppes sur le sycomore et pleura comme nul autre ne l’avait fait auparavant. L’arbre lui demanda la raison de son épouvantable tristesse. Il dit :

 

Ma bien-aimée toute belle est là bas

Sur les berges du monde souterrain

Elle est descendue dans les eaux

Et a été noyée par les vagues.

C’est la bien-aimée la plus parfaite

Et qui n’a de semblable

Elle était comme une étoile scintillante dans les cieux

Elle a sombré telle une pierre au fond des eaux

Ses beaux cheveux flottants,

Vont dans tous les sens sous les vagues.

 

Le vieux sycomore courba une des ses branches pour caresser Kptah alors que la huppe lui raconta ce qui s’était passé. Quant à l’oiseau sacré Ibis, symbole de la sagesse, il lui dit : « Lorsque tu deviendras roi, tu accorderas à Lotus l’éternité et ta bien-aimée sera la plus célèbre parmi les belles du monde ».

Mais cela n’affaiblit pas la tristesse de Kptah dont les larmes ne cessèrent de couler sur les bords du fleuve sans arrêt. A la fin de la journée, une petite fleur délicate d’une beauté sans pareille avait fleuri à l’endroit même où les larmes du prince avaient coulé, comme si c’était le dieu Atoum qui avait créé les êtres humains de ses larmes. La fleur était aussi pure que la couleur de la peau de sa bien-aimée, aussi délicate et merveilleusement belle. Le prince la nomma fleur de Lotus. Et lorsqu’il devint roi par la suite, il ordonna que le Lotus soit une fleur sacrée. Elle garnissait les murs des palais et on fit construire les colonnes des temples sous sa forme.

Dans les anciens papyrus, certains décrivent la création de la fleur de Lotus en ces mots :

La fleur pure de lotus, née de la terre humide du dieu Amon-Rê, dans le berceau de l’astre doré du soleil, car la fleur est d’or alors que sa tige est d’argent. C’est une image superbe qui symbolise le moment qui a précédé la naissance de l’étoile scintillante, sous-jacente et brillante au cœur de la fleur.

A chaque fois que le pharaon Kptah regardait la fleur de lotus qui s’était répandue à travers le pays, il lui semblait entendre les lamentations funèbres d’Isis envers Osiris conservées dans un ancien papyrus :

 

Je ne te vois plus

Ô toi dont le cœur est rempli de désir

Mes yeux te recherchent

Viens vers celle que tu aimes

Approche de ta sœur

Toi dont le cœur a cessé de battre

Je t’appelle de toutes mes ardeurs

Et mes lamentations s’élèvent jusqu’à se faire entendre par les cieux

Mais toi, tu ne m’écoutes pas

Moi, ta sœur que tu as aimé

Sans jamais aimé nulle autre

Mon bien-aimé pour l’éternité.

 

La fleur de lotus devint depuis, le principal symbole de l’Egypte ancienne de par sa beauté, sa gloire et son éternité.

Traduction de Soheir Fahmi

 

La semaine prochaine, le 7e Papyrus

 




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