Projet
de Loi.
Le Conseil
consultatif vient
d’approuver
un texte, premier en son
genre, contre les
diverses
formes de trafic
humain.
Un
vide juridique
comblé
Signataire
de la Convention
internationale contre
le trafic
humain, l’Egypte
ne dispose
toujours pas d’outils
législatifs pour faire face
à cette
activité
criminelle. En approuvant
la semaine
dernière un
projet de
loi présenté par le
ministère des Affaires
étrangères, le
Conseil
consultatif vient
d’entreprendre le premier pas
pour combler
cette
lacune juridique. Le
projet de
loi se veut
avant tout
dissuasif
: il
prévoit de lourdes
peines de prison
entre 7 et 20
ans, ainsi
qu’une
amende entre 50 000 et
200 000 L.E. contre
toute
personne impliquée
dans une
activité
ayant trait au trafic
humain.
Phénomène aussi
ancien que
l’homme, le
trafic humain a
pris de
nouvelles formes
durant
les dernières
décennies
du XXe siècle.
Les victimes
peuvent
être forcées
ou leurrées
en vue de
leur exploitation par des
réseaux de prostitution, de
tourisme sexuel, de
trafic
d’organes ou de
mariages
sexuels. En Egypte,
ce
sont
surtout les femmes et les jeunes
filles issues des
milieux
défavorisés qui représentent
la proie
principale de ce
trafic.
« Le
trafic
humain est
un phénomène
que
facilite l’emplacement
géographique de
l’Egypte,
ainsi que
sa
politique qui facilite
l’accès à
son territoire des
ressortissants
étrangers »,
souligne
Sayed Eleiwa,
professeur de
droit à
l’Université
du Caire.
« L’Egypte
accueille des danseuses de
plusieurs pays comme
l’Ouzbékistan,
l’Ukraine et
la Russie,
ainsi que
d’autres pays de
l’Europe de
l’Est. Ce
recrutement
peut très
facilement
basculer vers le
tourisme
sexuel à
travers
des réseaux
transnationaux », assure Eleiwa.
Selon
Nagui
Chéhabi, membre
du Conseil
consultatif,
deux
facteurs contribuent
à la
perpétuation du
phénomène
: la mondialisation et la
pauvreté. «
Les organisations
impliquées
dans la traite
humaine
sont devenues plus
complexes. La combinaison
de la pauvreté,
du manque
d’éducation et de
l’instabilité
régionale
offre un terrain
propice à
leurs
activités », assure Chéhabi.
Une
activité de plus en plus décriée
par la presse
et les ONG
consiste à
fabriquer des
contrats de
mariage des filles
mineures avec de
vieux
Arabes venus
du Golfe
pour donner
une façade légitime
à leur
exploitation sexuelle. «
L’Egypte a
commencé à
réaliser
l’importance de la promulgation
d’une telle
loi,
d’autant plus que
ce
genre de trafic
représente
actuellement une des
trois
activités criminelles les
plus répandues
du fait
qu’elle est
une des plus
lucratives après le
trafic de la drogue et des
armes »,
explique Ibrahim Al-Dessouqi,
membre du
comité
législatif du
Conseil
consultatif.
Officiellement,
le gouvernement
essaye de
mettre en avant
l’importance de
lutter, à
travers
une
législation, contre un
phénomène qui
touche
aussi bien les
enfants de la rue (dans
le cadre du
trafic des organes)
que les
jeunes filles issues des
familles
pauvres (dans le cadre
des réseaux de prostitution
ou du
mariage
sexuel à de
richissimes
Arabes). Deux
catégories qui
représentent les premières
victimes locales de
ce
trafic.
Gasser
Abdel-Razeq,
directeur
du Centre d’études
juridiques (ONG),
estime
pourtant que
l’initiative
égyptienne de faire adopter
une nouvelle
loi anti-trafic
humain
répond à des
pressions
internationales. Elle
s’est
impliquée par la ratification en 2003 de la
Convention
internationale contre
le trafic
humain. « Le tourisme
sexuel
représente une source de
revenus que
le pays doit
sacrifier », note-t-il.
Dimension sociale
négligée
«
Bien que
draconienne,
cette
législation n’apportera
pas à elle
seule la solution
à un
problème principalement
socioéconomique,
l’implication de la
société
civile est
primordiale »,
ajoute
Abdel-Razeq qui compare
ce
phénomène à
ceux de
l’excision ou des
enfants de la rue.
Il propose de
créer un
fonds pour l’aide des
victimes de
ce trafic. «
Nous
travaillons avec d’autres
ONG dans les
petits villages pour
sensibiliser les
parents
contre le tourisme
sexuel.
Nous
leur
expliquons les dangers et les
préjudices que
ce genre de
mariage est susceptible
de porter à
leurs filles …
c’est un travail de
longue
haleine », explique
Abdel-Razeq.
D’autres
activistes,
notamment ceux
travaillant
dans le domaine des
droits des femmes, font
remarquer
que le projet de
loi en question
insiste sur
les pénalités sans accorder
assez
d’importance à « la
dimension sociale ».
C’est
ce
qu’explique Azza
Solimane,
féministe. « Les femmes victimes
de ce
trafic sont,
dans la
plupart des cas,
arrêtées et mal
traitées par la police,
alors
qu’elles doivent
être plutôt
protégées et soumises
à un
programme de réinsertion
sociale et
réhabilitation psychologique
», affirme
Solimane.
Même
s’il
représente une
grande source de satisfaction,
ce
projet de
loi, d’après la
société
civile, reste un premier
pas sur le
chemin.
Marianne Youssef