L’Unesco et
les événements de Jérusalem
Mohamed Salmawy
Où en est
l’Unesco des agressions sur le patrimoine architectural et religieux de la
ville sainte de Jérusalem ? La judaïsation et l’israélisation de tout ce qui
est arabe et musulman ont commencé à susciter la colère de l’opinion publique
mondiale de manière générale. D’ailleurs, nombreuses sont les déclarations qui
ont été émises de parties connues pour leur alignement aveugle sur Israël,
exprimant leur rejet des agressions israéliennes sur les lieux sacrés à
Jérusalem, en plus du sanctuaire d’Abraham (le Caveau des patriarches).
Cette vague s’est
manifestée dans la construction de colonies juives à Jérusalem-Est occupée par
Israël en 1967. L’Unesco, quant à elle, n’a pas pris la position pour la condamnation
de ces crimes tout au long des derniers mois.
Je dis cela en prenant en
considération la première mission de l’Unesco en vertu de sa principale charte
qui stipule la sauvegarde du patrimoine. Toutefois, jamais un patrimoine humain
n’a fait l’objet d’une campagne aussi organisée pour sa destruction et
l’effacement de son identité arabe et musulmane, comme c’est le cas
actuellement à Jérusalem.
J’ai récemment rencontré
Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco, à Riyad, lors du jubilé d’argent
de la Janadireya (festival culturel) auquel elle était invitée d’honneur. Je
lui ai parlé de ce silence inacceptable de la part de la première organisation
internationale concernée par le patrimoine humain. J’ai ajouté que même le
secrétaire général de l’Onu, à laquelle est rattachée l’Unesco, s’était enfin
exprimé, déclarant que la construction de colonies israéliennes à Jérusalem
déstabilisait toutes les tentatives de règlement dans la région. Mais il semble
que l’Unesco n’est point concernée, lui ai-je dis pour conclure. La directrice
bulgare a rétorqué qu’au contraire, l’Unesco est concernée et qu’elle prendrait
une position à cet égard.
Quelques jours plus tard,
une déclaration décevante a été publiée en son nom selon laquelle
l’organisation internationale ressent de l’inquiétude face aux événements de
Jérusalem. A mon sens, si tout ce que l’Unesco peut faire est de ressentir de
l’inquiétude, le monde n’a plus besoin de cette organisation qui a été dépassée
même par l’administration américaine, par le biais de la secrétaire d’Etat
Hillary Clinton, connue pour son alignement sur Israël.
Le premier ministre
israélien, Benyamin Netanyahu, a totalement ignoré toutes ces déclarations et a
annoncé que Jérusalem était la capitale d’Israël et non pas une terre occupée.
Ce qui veut dire que son gouvernement peut agir comme bon lui semble. Dans cet
ordre d’idées, les Arabes de Jérusalem qui y vivaient bien avant l’entrée des
forces d’occupation israélienne sont devenus, eux, les occupants. C’est en se
servant de cette logique que s’inscrivent les agissements d’Israël qui
procèdent à l’évacuation, à la confiscation des propriétés palestiniennes, à la
destruction des lieux de prière et au changement des noms des rues. Tout ceci
sans que l’Unesco ne fasse aucun pas positif. L’organisation internationale
s’est contentée de dire, des mois plus tard, qu’elle était tout simplement «
inquiète » à cause de ces violations !
En réalité, je ne suis pas
surpris par la position de Bokova. J’avais d’ailleurs écrit à ce même endroit,
durant la dernière campagne électorale pour le poste de directeur général de
l’Unesco, que le lobby juif qui s’était opposé dès le début à la candidature de
Farouk Hosni ne se souciait aucunement de ces quelques mots dits de manière
spontanée à un moment d’émotion au sujet des livres israéliens. J’avais dit que
la raison essentielle derrière le refus qu’un Arabe musulman accède à l’Unesco
est le dossier de Jérusalem qui avait besoin d’être revu, à cause de la
négligence qui a été de son ressort voilà des années. J’avais également dit
qu’Israël avait des plans affichés pour changer la physionomie des lieux à
Jérusalem et pour la transformer en une ville israélo-juive et que les
opérations de judaïsation et d’israélisation allaient s’accélérer, comme jamais
cela n’avait eu lieu depuis l’accession de Benyamin Netanyahu à la tête du
gouvernement.
Il y avait effectivement
ceux qui ont été assez naïfs et qui ont cru les Israéliens sur parole en
s’imaginant que la raison du refus d’Israël et ses alliés à l’accession du
ministre égyptien de la Culture à la tête de l’organisation internationale
était le fait qu’ils craignaient que l’on brûle les livres israéliens s’il se
trouvait à la tête de l’Unesco. Parmi ceux-là, il y avait des grandes
puissances, telles que la France qui avait exercé des pressions sur le candidat
égyptien pour revenir sur ses dires afin de pouvoir le soutenir. Des sources au
sein de l’Elysée avaient d’ailleurs déclaré que l’instance présidentielle était
avec le candidat de l’Egypte et du groupe arabe et musulman. Mais que l’unique
obstacle l’empêchant d’afficher sa position était sa déclaration suscitant
l’inquiétude des cercles juifs.
Le candidat égyptien a
alors pris l’initiative courageuse de revenir sur cette déclaration qui n’était
guère révélatrice de sa position vis-à-vis des livres et de la culture en
général. Mais la déclaration précitée n’était pas l’origine du refus manifesté
à la candidature égyptienne par les cercles sionistes alliés d’Israël, puisque
la position juive à son égard n’a pas changé. Même après que le quotidien
prestigieux Le Monde eut publié que cette déclaration était spontanée et que
Farouk Hosni ne croyait pas à l’autodafé. D’ailleurs, les trois chevaliers du
sionisme qui ont fait campagne contre le candidat arabo-musulman dans les
médias français sous la houlette de Bernard-Henri Lévy qui aime à se qualifier
de philosophe, avaient publié un autre communiqué à la veille des élections,
mettant en garde contre l’élection du candidat égyptien qui s’était engagé
officiellement devant le Parlement égyptien — pour reprendre les propos de
Bernard-Henri Lévy rapporté dans un entretien à la télévision française — de
brûler tous les livres hébreux, de ses deux mains. Toutefois, la campagne
électorale a commencé et a pris fin sans que la France n’affiche sa position
officielle, tel qu’elle l’avait promis.
Ce n’est pas uniquement la
France qui s’est alignée et qui a cru à la position juive, mais il y avait des
Arabes qui se sont mis à répéter, même après la fin de la bataille, que la
raison derrière l’échec du candidat égyptien était ses déclarations.
Quelques mois après
l’accession d’Irina Bokova à la tête de l’Unesco, Israël s’est empressé
d’exécuter sur le terrain le plan de judaïsation et d’israélisation de
Jérusalem. Il défiait ainsi le monde entier, y compris ses alliés traditionnels
et il était protégé par le silence attendu de l’organisation internationale
chargée de préserver le patrimoine humain et qui a pris la peine de ressentir
de l’inquiétude face à de tels agissements.