Iraq. Le vainqueur des législatives, Iyad Allawi, a lancé les négociations marathon avec l’ensemble des forces politiques pour former un gouvernement. Mais avec une faible majorité, sa tâche s’annonce difficile.

 

Trouver une coalition

 

Après avoir remporté les élections législatives en Iraq, Iyad Allawi a lancé cette semaine les négociations pour former une coalition gouvernementale avec l’ensemble des forces politiques. Une tâche qui s’annonce difficile et de longue durée. D’un côté, le nouveau gouvernement ne devrait pas voir le jour avant plusieurs semaines car le vainqueur ne dispose pas d’une majorité absolue pour former, seul, le cabinet et devra se livrer à des tractations difficiles pour rassembler une coalition gouvernementale. De l’autre côté, un avis de la Cour suprême sur une interprétation d’un article de la Constitution lié à la désignation du chef du gouvernement pourrait générer une grave crise politique et retarder encore plus la formation du cabinet. Réclamé par le premier ministre iraqien sortant Nouri Al-Maliki, un avis de la Cour suprême a jugé que la formation d’un gouvernement pouvait être confiée à une alliance de listes qui se sont présentées indépendamment au scrutin mais qui ensemble totalisent le plus grand nombre de sièges au Parlement. Si la liste de M. Maliki réussit à former une plus grande coalition avec d’autres listes, notamment l’Alliance des partis chiites religieux (70 sièges) ou l’Alliance kurde (43 sièges),  elle pourrait ainsi être chargée de former le cabinet. Déjà, M. Maliki a annoncé que « les prochains jours verront l’annonce d’une coalition qui formera le prochain gouvernement. La coalition sera composée des forces qui ont été au cœur du processus politique : l’Alliance de l’Etat de droit (son parti), l’Alliance nationale irakienne (chiite), le Front de la concorde (sunnite) et l’Alliance kurde ».

Des déclarations rejetées par l’autre camp. Allawi a contesté l’avis de la Cour suprême. « La Constitution est claire. Le bloc qui a remporté le plus (de sièges) est celui chargé de former le gouvernement même s’il n’a gagné que d’une demi-personne », a affirmé Allawi en expliquant que « le gouvernement actuel du frère Maliki comprenait des alliances comprenant les Sadristes, le Conseil islamique et d’autres qui se sont retirés de l’alliance ». « Si l’on applique cette règle, le gouvernement aurait démissionner depuis longtemps car il ne représente plus la majorité », a affirmé Allawi.

Pour accélérer la formation du gouvernement, Allawi a chargé le vice-premier ministre sortant, le sunnite Rifaa Al-Issawi, de mener les négociations avec les autres partis. « Le dialogue se déroule avec les différentes forces politiques sans exception. Nous pensons qu’il doit y avoir un gouvernement fort capable de prendre des décisions qui servent le peuple iraqien et permettent à l’Iraq d’atteindre la paix et la stabilité et de reprendre sa place dans le monde arabo-islamique et au sein de la communauté internationale », a ajouté M. Allawi. Il a aussi déclaré que des membres de sa liste avaient mené un « dialogue » avec le Dawa, le parti de M. Maliki, mais qu’il n’y avait « en vérité pas de rapprochement ».

 

« Nouvelle page » avec les voisins

M. Allawi, un chiite laïque qui avait dirigé en 2004 le premier gouvernement iraqien après l’invasion américaine, a en outre attiré l’attention de la communauté internationale et régionale en assurant qu’il entendait ouvrir une « nouvelle page » avec les voisins de l’Iraq — la Syrie, l’Iran, l’Arabie saoudite et le Koweït — et établir avec eux de « meilleures relations » basées sur « la coopération et la fraternité ».

Des idées qui ont favorisé Allawi lors du scrutin des législatives du 7 mars. Selon les résultats officiels, la commission électorale iraqienne a annoncé vendredi dernier que le Bloc de M. Allawi avait obtenu 91 sièges au Parlement contre 89 pour l’Alliance pour l’Etat de droit de M. Maliki sur un total de 325. Une fois ces résultats annoncés, le premier ministre sortant a refusé de reconnaître sa défaite. Maliki a contesté les résultats en arguant que les résultats du scrutin n’étaient « pas définitifs ». La Cour suprême doit encore les approuver après l’examen par la commission électorale d’éventuelles plaintes que les candidats pourront déposer à partir de samedi. Les partisans de M. Maliki, qui évoque des irrégularités dans le décompte des voix, ont réclamé un nouveau décompte manuel des bulletins, une demande rejetée par la commission électorale. « J’ai demandé à la commission électorale indépendante d’Iraq un nouveau décompte manuel, ils ont refusé et les Nations-Unies se sont montrées hostiles à ma demande de manière plus véhémente » que la commission, a poursuivi M. Maliki.

Aussi, ce dernier a sévèrement critiqué dimanche l’envoyé spécial de l’Onu en Iraq, Ad Melkert, qu’il a accusé d’inaction face aux accusations de fraude. « Si j’étais à la place de Melkert et face à cette vague de problèmes, j’aurais dit : vous devez user de tous les moyens pour effectuer un nouveau décompte », a estimé Maliki. Juste avant la publication des résultats officiels, M. Melkert a qualifié les législatives de « crédibles » et salué le scrutin comme un « succès » pour l’Iraq, appelant les différents candidats à en « accepter les résultats ».

Maha Salem