Kenya. Le
gouvernement
d’union
peine à
mettre en
œuvre les réformes
promises pour sortir le pays de
la crise
politique auquel
il
fait face depuis plus de
deux ans.
Maigre
bilan
Deux
ans après la signature d’un
accord de partage
du pouvoir
au Kenya, salué
à l’époque
pour le caractère
ambitieux de son
programme de
réformes et
présenté par la
communauté
internationale comme un
exemple de
résolution de crise
sur le continent,
l’euphorie
est retombée. Le
médiateur
dans la crise
kényane,
l’ex-secrétaire général
des Nations-Unies
Kofi Annan,
et les puissances
occidentales
rappellent
inlassablement les parties
kényanes à
leurs obligations et
tirent
régulièrement la sonnette
d’alarme
sur les questions d’impunité
et de tribalisme rampant.
En
visite à Nairobi,
Kofi Annan
s’est dit
vendredi
inquiété et
frustré des
faibles progrès
enregistrés au Kenya
dans la
lutte contre la
corruption et l’impunité. « La
question de l’impunité, y
compris la corruption,
demeure
d’une importance fondamentale
et doit
être encore
réglée de façon
significative », a
regretté M.
Annan, lors
d’une
conférence de presse
à l’issue
d’une
visite de travail au Kenya. « Je
suis
particulièrement
inquiet
d’informations concernant
l’intimidation de
témoins
potentiels (de la Cour
Pénale
Internationale, CPI) et de
défenseurs des droits de
l’homme,
ainsi que
d’exécutions
extrajudiciaires.
Des mesures
du
gouvernement pour assurer
la protection des témoins
sont indispensables », a-t-il
ajouté. M.
Annan a
cité d’autres motifs de
déception au regard
du
processus de sortie de
crise
: manque de
coopération
entre le président
Mwai Kibaki
et le premier ministre
Raila
Odinga, lenteur de la
réforme de la justice, aide
insuffisante aux
victimes des
violences
électorales encore déplacées
dans le pays.
A la
tête d’une
médiation
internationale, M. Annan
était parvenu
à arracher
un accord de partage
du pouvoir
en février 2008 pour
mettre fin aux
violences qui
avaient
accompagné la réélection
controversée
du
président Mwai
Kibaki fin 2007.
Quelque 1 500
personnes
avaient été
tuées et
environ 300 000 déplacées
lors de ces
violences. M.
Kibaki
avait été
maintenu à
la présidence
du pays,
tandis qu’un
poste de premier
ministre
était créé
et confié
à son
adversaire Raila
Odinga. Les
dysfonctionnements du
gouvernement
d’union se
succèdent depuis
à un
rythme
métronomique, avec en point
d’orgue le récent veto
du
président Kibaki
à la
décision de son premier ministre
de suspendre
deux
ministres cités
dans des
scandales de corruption. «
J’ai
discuté avec les deux
(leaders) de ce
sujet.
C’est
une preuve
des difficultés de la coalition.
Ils
doivent
travailler plus étroitement
ensemble et il
faut qu’ils
consultent,
consultent, consultent »,
a de nouveau insisté M.
Annan.
L’ancien
secrétaire
général des Nations-Unies
a toutefois
salué les progrès
dans la
réforme, cruciale, de la
nouvelle Constitution qui
est
actuellement débattue
devant le
Parlement.
Une
fois adopté, le
texte
définitif de la Constitution
devrait être
soumis à
l’approbation de la population
lors d’un
référendum national organisé
au courant de l’année.
Outre la Constitution, le
gouvernement
d’union
doit s’atteler
à une
série de
réformes aussi
étendues
que
difficiles :
réformes
foncières, de la police, de la justice,
du système
électoral ...
Une tâche
ardue.
« Il
fallait faire quelque
chose pour mettre un
terme au
conflit, mais
peut-être
cela aurait-il
pu être
mieux pensé
», résume
l’activiste Mwalimu
Mati, en
référence à
l’accord
signé le 28 février 2008
par le président
sortant
réélu Mwai
Kibaki et son
adversaire
à la présidentielle
Raila
Odinga, qui a mis fin aux
violences post-électorales.
De fait, la confiance des
Kényans
dans leur
classe
politique est au plus
bas, les réformes promises
à l’état
embryonnaire et
nombre
d’observateurs estiment
que la corruption a
augmenté
autant que la
taille du
gouvernement,
multipliée par
deux pour
intégrer les deux camps
rivaux.
« La
communauté
internationale et
l’équipe de médiation
ont
davantage cru en cet
accord que les
Kényans
eux-mêmes », estime Tom
Wolf, sondeur et
politologue.
Il souligne
également la
rapidité des
médiateurs et
du corps
diplomatique à passer,
outre la question,
cruciale, des
résultats des
élections
générales du 27
décembre 2007.
Le président
sortant
Mwai Kibaki,
donné
perdant dans la quasi-totalité
des sondages
avant
l’élection, avait
dépassé sur
le fil M.
Odinga au terme d’un
processus de
dépouillement pour le
moins
confus. Les camps rivaux
« ont été
contraints au
mariage, sans
que la
boîte de Pandore
sur les
vrais résultats de
l’élection
n’ait été
ouverte
ni
que l’on
ait tenté
de déterminer les
responsables de tout un
éventail de
fraudes documentées par
les observateurs »,
analyse M. Wolf.
Les pays
occidentaux, qui
avaient
soutenu l’accord
arraché par M.
Annan, se
posent aujourd’hui des
questions sur
sa
pertinence. L’un des
diplomates
en poste à
Nairobi reconnaît des
carences
dans l’approche
occidentale de la
crise et y
voit des effets
pervers sur
le
continent,
citant Madagascar et le
Zimbabwe. « Je
pense qu’un
nombre
d’autocrates peuvent
trouver le
scénario
attrayant :
Tu veux
rester au
pouvoir ? Tu voles les
élections,
tu agites le
spectre des
violences ethniques et
tu attends
une communauté
internationale
paniquée pour
mettre sur
pied un accord de partage
du pouvoir
», explique-t-il.
Reste
qu’en dépit
d’une
litanie de scandales de
corruption et de son
très maigre
bilan, le
gouvernement de coalition est
toujours en place.
Il devrait
gérer la
crise et rester au
pouvoir
jusqu’aux élections de
2012. « La vérité
c’est que
Kibaki n’y
mettra pas un
terme, car
cela voudrait dire la fin
de sa
présidence, pas plus qu’Odinga,
car en tant
que premier ministre,
il est
sous les
feux de la rampe »,
prédit un
observateur kényan.
Avant de
livrer une conclusion
sans appel
: « C’est un complot
quasi-parfait contre le
peuple
kényan ».
Hicham
Mourad